Shi Nô Ko Shô : Comment le Japon d’Edo pensait la société

Le Japon est irrémédiablement associé à la figure du samurai, à raison puisque les guerriers ont gouverné le Japon pendant pratiquement six siècles mais leur omniprésence éclipse souvent la variété des classes et statuts sociaux du Japon ancien. La comparaison constante du Japon médiévale à sa contrepartie européenne y a beaucoup contribué, persistante en Europe, elle n’est plus qu’une vue de l’esprit. Le Japon médiéval pourrait être vu comme une société féodale dominée par une noblesse armée, les samurais, dirigés par leurs seigneurs et le shôgun au dessus d’un peuple de roturiers indistincts mais obéissants. Au-delà de la société telle qu’imaginée par les penseurs d’Edo on s’aperçoit cependant que la réalité était bien plus complexe et changeante, remettant même en cause l’idée d’une domination des guerriers sur la société.

目次

Une société officielle : Shi nô kô shô

Le terme peut se traduire par « Guerriers, paysans, artisans, marchands » qui seraient les 4 catégories sociales reconnues et selon lesquelles chaque Japonais devait se positionner. Le terme lui-même n’est pas japonais mais provient de Chine, pur produit de la pensée confucéenne à quelques différences près. L’idée originelle identifiait le « Shi » aux fonctionnaires civils tandis qu’au Japon il désignait les guerriers. Chaque catégorie doit son existence à son utilité au grand corps de l’Etat, ainsi les fonctionnaires/guerriers (shi / ) protègent et organisent le peuple. Les paysans ( / ), compris comme des propriétaires terriens produisant du riz, source de richesse et base de la taxation, nourrissent et enrichissent le pays fondé sur une économie agraire autosuffisante. Les artisans ( / ) produisent les biens nécessaires aux autres classes. Les marchands (shô / ) assurent les échanges des produits même s’ils sont considérés avec méfiance car ils s’enrichissent du travail des autres et leur richesse mènerait à subvertir l’ordre social, ils devaient être régulièrement rabaissés.

Les représentations des 4 classes sont monnaie courante à l’époque Edo, elles permettaients de situer chacun avec ses costumes et attributs.

Au Japon cette vision de la société avait été introduite de longue date par l’étude des classiques confucéens mais elle ne pénétra réellement chez les lettrés japonais qu’avec le développement du Shushigaku, le néo-confucianisme. On retrouve le terme Shi no ko shô dans les récits des jésuites portugais à la fin du XVIe siècle lorsqu’isl essayaient de dépeindre la société japonaise, cette conception de la société était donc à ce moment déjà courante dans la pensée japonaise. On en retrouve l’influence dans la politique unificatrice de Toyotomi Hideyoshi. Les efforts pour établir un cadastre des terres au niveau du pays à partir de 1582 devait permettre d’établir la propriété des terres, leur productivité, leur taxation et fixer les paysans à la terre. A partir de 1588, le désarmement des paysans, le katanagari (« chasse aux sabres ») devait réaffirmer le monopole des guerriers à user de la force. Face à la mobilité sociale du Sengoku Jidai, dont Hideyoshi même avait bénéficié, on passa à une fermeture où les samurais devaient (re)devenir une caste fondée sur le lignage et le service au seigneur.

Si Tokugawa Ieyasu est celui qui décida la mise en place d’une société fondée sur des castes il n’en est pas à l’origine, le mouvement était déjà amorcé dans les différents projets d’unification et de concentration des pouvoirs engagé à la période Azuchi-Momoyama.

Les paysans devaient être attachés à leurs terres, définies et taxées par leurs seigneurs. Artisans et marchands étaient plus ou moins réunis parmi les chônin, les gens des villes, qui se développaient alors autour des châteaux féodaux. Le shogunat des Tokugawa ne fit que poursuivre cette tendance dans un effort général de remise en ordre de la société avec le code de conduite des vassaux (le Buke shohattô édicté par Tokugawa Ieyasu). Le Shushigaku devint l’école de pensée officielle promue par le shogunat. La place de chacun était définie ainsi que leurs valeurs et modes de vie, vêtements, coiffure, manières de consommer illustrant l’appartenance à un groupe ou l’autre. Le samurai, vivant dans la sobriété martiale, devait se dédier au service de son seigneur, ses deux sabres comme preuve et privilège de son statut. Une symbole de cette supériorité du samurai sur le roturier était le pouvoir, théorique, de punition sur le peuple (le kirisute-gomen) en cas d’insulte (qui en réalité ne semble jamais avoir été pratiqué même en étant légal). Les paysans, ordonnés en villages et en groupes de chefs de familles (shoya), étaient responsables de manière commune de l’ordre et du paiement des taxes en riz, garantissant ainsi la richesse du pays. Les artisans et les marchands, en tant que classe moins distincte habitant les villes, étaient soumis aux exigences et au contrôle sourcilleux de l’Etat au travers de commissaires (machibugyô) et d’associations professionnelles. Une place pour chacun et chacun à sa place.

あわせて読みたい
Quelques repères : l’époque Edo (1600-1868) L'époque Edo correspond au troisième régime des guerriers sous la dynastie Tokugawa (1600-1868). Quels points de repères peuvent servir à distinguer les évolutions et les phases de cette époque?

Le problème du confucianisme est qu’il a toujours été plus facile à présenter sur le papier qu’à mettre en place dans la réalité. Un bon nombre de révoltes au cours de l’histoire chinoise ont été provoquées par des tentatives d’appliquer scrupuleusement son programme. La société en 4 classes était une réalité officielle proclamée par le shogunat, son cadre idéologique, mais dans les faits elle ne recouvrait pas tous les habitants du Japon. Qu’en était-il des pécheurs ? Des prêtres ? De l’empereur lui-même et de sa cour ?

La société réelle : cas particuliers et marginaux

Lorsque le Japon d’Edo adopta le néo-confucianisme et sa société de castes le pays avait déjà une longue histoire avec différentes formes d’organisation sociales fondées sur des bases différentes à des époques différentes. Ainsi à l’époque Nara, l’empereur et la noblesse lignagère (kuge) dominaient un peuple divisé entre ryômin (personnes soumises aux lois) et senmin (personnes de catégories sociales marginales placées sous protection de l’empereur, de temples ou de familles nobles). Ces classes avaient elles-mêmes avec le temps évolué et changé de sens. Au cours de l’époque Heian, les guerriers étaient venus s’ajouter au tableau mais ils connurent aussi des évolutions importantes : les clans de la fin du Sengoku Jidai étaient ainsi beaucoup hiérarchisés et organisés que les bandes de guerriers de la fin de l’époque Heian ou les armées féodales de l’époque Muromachi.

Le confucianisme d’origine chinoise ne pouvait tenir compte d’une bizarrerie comme une dynastie impériale inamovible et issue d’anciennes divinités. On résolut le problème en n’en parlant pas.

L’empereur était bien sûr hors catégorie, de même que la noblesse ancienne de Kyôto. D’un point de vue confucéen ils ne produisaient rien et n’avait pas de réelle « utilité » cependant l’ancienne cour, même à l’époque Edo, conservait le prestige de ses ancêtres divins et de sa longue histoire. Plus encore, la cour restait un modèle dominant de culture. Les kuge étaient garants de la préservation de rites, de traditions, de codes culturels auxquels les clans de guerriers continuaient de se référer. Les arts, la poésie, la littérature et les références culturelles que les daimyôs s’appropriaient, trouvaient toutes leurs origines au sein de la cour. L’empereur était théoriquement celui qui justifiait l’existence du titre de shogun, qu’il avait conféré à Tokugawa Ieyasu. La cour de Kyôto était ainsi protégée et recevait des pensions assurant son mode de vie en dépit de leur perte de rôle effectif dans la société.

あわせて読みたい
Quelle est la différence entre l’empereur et un shogun? La question peut paraître évidente à tous ceux qui connaissent l’histoire japonaise mais beaucoup de débutants ou de visiteurs m’ont posé la question. Ils ne sont pas les seuls : La question posait déjà des problèmes aux Européens du XIXe siècle étudiant le Japon. Comment comprendre la cohabitation durant plusieurs siècles de deux souverains qui auraient dû s'exclure mutuellement? Pourquoi n'y-a-t'il pas eu tout simplement de changement de dynastie?

Etre en dehors des 4 classes sociales ne signifiait pas pour autant être inférieur ou marginal dans un sens de réprouvé. En dehors de la cour impériale il était aussi difficile de classer d’autres catégories telles que les prêtres de sanctuaires, les prêtres bouddhistes ou les médecins. Ces catégories avaient une fonction bien définie : prendre soin des autres classes, que ce soit de leur âme ou de leur corps. Les médecins étaient privilégiés comme l’ensemble des lettrés formés aux classiques chinois, ils pouvaient en particulier fréquenter les classes plus privilégiées selon les besoins. La fréquentation de la caste guérrière (et le besoin que celle-ci en avait) assurait une position à part. Bien que souvent fils de marchands instruits, les médecins avaient l’autorisation de porter le sabre court et étaient reconnaissables à leur coiffure (souvent les cheveux longs attachés en queue ou le crâne rasé). Ils pouvaient former une sorte de classe moyenne très réduite mais aux yeux du shogunat, étant dédiés à un service, ils ne produisaient rien qui profita matériellement à l’Etat et par là n’entraient pas dans une catégorie bien définie selon le modèle confucéen. On les classaient comme des heimin, roturiers mais gens de bien.

Ogata Kôan, un des médecins les plus importants de la fin de la période Edo, introducteur de la vaccination.

La division en 4 classes reposait sur une vision très orientée de la société. Les campagnes étaient assimilées entièrement aux cultivateurs, précisement les producteurs de riz, oubliant au passage de nombreux métiers des villages ou des régions entières non dédiées à la production alimentaire en riz : producteurs de soie, de coton, de différents légumes, fruits etc. Ces productions étaient taxées mais ne rentraient pas dans le calcul de la richesse d’une terre ou d’un domaine.

Les pécheurs en sont un bon exemple puisqu’ils fournissaient une bonne part de l’approvisionnement quotidien de la population. Les marchés aux poissons étaient nombreux et réglés, la profession organisée en guildes. Par le passé les pécheurs étaient sous la protection de l’empereur et de familles nobles mais à l’époque Edo les pécheurs tombaient sous la juridiction de machibugyô (fonctionnaires shogunaux dans les villes) et étaient soumis aux règlements du domaine où ils se trouvaient. Les pécheurs n’entraient cependant pas dans les catégories sociales reconnues et étaient considérés comme des senmin. Ces derniers formaient une catégorie à laquelle était associée une infériorité morale. Il en était de même pour les chasseurs, les forestiers, charbonniers ou pour les travailleurs journaliers, tout le petit peuple des campagnes qui n’étaient ni propriétaires ni cultivateurs imposés, ils n’en payaient pas moins des taxes sur leurs activités et étaient soumises à l’autorité seigneuriale.

Cette photographie colorisée représente des travailleurs du cuir, le travail des peaux d’animaux morts marquait une souillure pour eux. Ils sont cependant représentés comme des travailleurs pauvres alors que certains eta pouvaient être des négociants prospères dans leur domaine.

Senmin pouvait recouvrir une très grande variété de statuts, qui pouvait d’ailleurs changer selon les régions et les domaines. Certains senmin étaient aussi qualifiés d’Eta, un groupe à la définition assez floue mais qui correspondait aux catégories exerçant des métiers « impurs » telle que la boucherie, le tannage des peaux (pourtant recherchées par les samurais). Leur impureté leur valait de vivre en hameaux séparés, à l’époque Meiji ils furent qualifiés de burakumin (gens des hameaux). A une époque plus ancienne, ils vivaient strictement séparés du fait de la peur qu’entretenait leur impureté mais à l’époque Edo cette crainte s’étaient muée en rejet et en mépris. Les Eta étaient soumis à un contrôle strict de la part du shogunat, du seigneur, du temple ou des fonctionnaires de la ville pour connaître leur nombre par hameau, leurs déplacements et leurs occupations. Leur rejet s’étendait à un rejet des mariages mixtes et à une ségrégation complète.

あわせて読みたい
Les Japonaises : Okuni, fondatrice du théâtre kabuki Les Japonaises sont rarement mentionnées dans l’histoire de leur pays, hormis quelques exceptions. Prêtresses, artistes, guerrières, militantes, femmes-seigneurs ou même impératrices elles ont pourtant fait le Japon. Izumo no Okuni est l’une d’elle, prêtresse et danseuse durant la fin des guerres civiles du Sengoku Jidai (XVIe siècle), elle est considérée comme la fondatrice du théâtre Kabuki, l'une des formes les plus connues du théâtre japonais.

Au sein de ces réprouvés il fallait aussi compter le monde du divertissement, ce que l’on appelait parfois les kawaromono, les gens des berges, un espace en dehors des règles de la ville et que l’on pourrait qualifier d’interlope. Acteurs, chanteurs ambulants, joueurs aveugles de koto ou de biwa, amuseurs publics et courtisanes etc. Il s’agissait aussi d’un monde que le shogunat ne faisait que tolérer mais devait contrôler étroitement. Le monde des plaisirs était strictement encadré dans les quartiers réservés et entourés de murs comme Yoshiwara à Edo. Les premiers théâtres kabuki étaient nés sur les berges des fleuves ou sous la protection des temples avant de d’être finalement intégrés à la ville, à Edo en particulier, mais toujours soumis à des règlements stricts. Mais être réprouvé ne signifiait pas être misérable, le grand Zeami, maître du théâtre Noh au XVe siècle était un proche du shogun Ashikaga Yoshimitsu et disposait d’une influence certaine. Plus tard les grands acteurs du kabuki à Edo étaient les stars de leur monde et attiraient les foules. Le monde du divertissement pouvait compter sur le patronage des élites guerrières et marchandes le quartier des plaisirs de Yoshiwara n’était pas le dernier à bénéficier de leur protection. De la même manière on pourrait aussi argumenter que parmi les Senmin, et même les Eta, on pouvait compter des réussites économiques, des familles enrichies et prospères mais socialement mises au ban.

La vie à Edo et dans es autres grandes villes de la période est caractérisée par une culture urbaine florissante illustrée par ses loisirs et plaisirs, ici les coulisses d’un théâtre kabuki dont les acteurs attiraient toutes les classes malgré les restrictions.

Ce n’était cependant pas le cas d’une catégorie encore plus méprisée, les hinin. Littéralement les « non-humains ». Les hinin pouvaient être des personnes condamnées pour leurs crimes et soumises au travail forcé, dans ce cas leur statut était temporaire. Ils pouvaient être aussi nés hinin issus de familles déclassées et dans ce cas leur statut était permanent. Rejetés de la société ils vivaient en baraquements, appelés hiningoya autour d’un chef, le hiningashira. Isolés du reste de la société ils étaient officiellement sous la protection d’une autorité reconnue. A Edo le shogunat avait nommé superviseur des hinin un certain Danzaemon Yano à la charge, et au nom, héréditaire. Dans le Kansai, les hinin étaient sous protection des temples, comme le Kiyomizudera, qui les employaient et étaient corvéables. Les hiningoya se trouvaient alors sur les pentes menant aux accès du temple. Le terme d’Hinin était d’ailleurs très enraciné dans le bouddhiste puisque on en retrouve l’idée dans le sutra du lotus en parlant de Devadatta, le cousin dévoyé de Siddharta Gautama, le Bouddha. On retrouve le terme d’hinin à l’époque Heian où, montrant que leur statut trouve ses origines dans des interdits anciens et prédatant la société néoconfucéenne d’Edo.

Le tableau devient déjà plus complexe mais ne prends pas en compte de nombreuses catégories socio-professionnelles réduites et au statut flou. Ainsi les yasedoji, porteurs du palanquin de l’empereur, étaient considérés comme des serviteurs mais leur proximité physique et leur service à l’empereur les mettaient nécessairement à part. On ne les rencontraient qu’à Kyoto et ce statut était inconnu à Edo. Il en allait ainsi pour beaucoup d’autres. Et si ce n’était que cela mais même au sein des 4 castes reconnues les choses étaient loin d’être aussi simples. Où finissait le guerrier et où commençait le paysan ?

Des castes pas si fermées

A priori, faire la différence entre un samurai et un marchand semble simple. Le samurai portait le kimono avec un hakama où ses deux sabres étaient passés. Il portait éventuellement un kamishimo pour les grandes occasions. Son crâne était fraichement rasé avec les cheveux ramenés sur le crâne à la mode du chonmage. Le marchand portait un kimono avec des motifs différents et bien que sa coiffure ait été complexe il ne lui serait pas venu à l’idée de sa raser la tête. Mais il s’agit là d’un samurai théorique et d’un marchand tout aussi générique. Dans la réalité aucune des 4 classes ne formait un bloc unique et à leurs marges les différences sociales pouvaient sembler plus complexes à saisir.

Photographie posée d’un samurai portait le costume formel avec le hakama et le kamishimo (veste sur le kimono) assorti. Cette tenue n’était pas faite pour être portée tous les jours mais les samurais devaient tout de même respecter un code vestimentaire précis.

Durant les périodes Kamakura et Muromachi, les samurais étaient le plus souvent liés à une terre dont ils tiraient leurs revenus. Les ashigaru, les fantassins, cultivaient pour la plupart leur propre lopin entre deux campagnes militaires, d’autres guerriers de rang plus élevé disposaient de serviteurs ou de paysans pour effectuer le travail. A l’époque Edo, le lien entre le samurai et la terre s’était estompé. Au sein d’une vaste organisation féodale très héirarchisée où le lien avec le seigneur était ténu, la très grande majorité des vassaux n’avaient plus de lien avec les champs. Les terres étaient autrefois accordées en récompense du service et ancraient le samurai à un lieu. Les daimyôs de l’époque Edo se méfiaient de cet ancrage et préférer concéder un salaire directement tiré des entrepôts du domaine et calculé en quantité de riz (koku). Il existait cependant encore des domaines, comme Satsuma, qui assumait une vision conservatrice de la valeur martiale et où l’attachement à la terre était encore fort. Dans ces cas, entre deux hommes labourant leurs champs voisins, la différence de statut pouvait être difficile à percevoir.

Le statut d’un samurai était le plus souvent défini par les services passés fournis par ses ancêtres au service du clan seigneurial. Les récompenses comme les fautes étaient familiales et héréditaires.

Un samurai de l’époque Edo, sauf s’il se trouvait dans des domaines périphériques, pouvait difficilement être confondu avec un paysan, le contraire n’était pas forcément exact. Si un petit propriétaire cultivant son champ ne devenait jamais un guerrier il n’en était pas de même pour de grands propriétaires. Les familles de grands propriétaires aisés, parfois qualifiés de hyakushô ou hyakushô-dai, avaient sous leur dépendance des journaliers (shôkunin) et formaient une catégorie supérieure avec les shôya (chefs de village, le plus souvent héréditaires). Certaines de ces grandes familles possédaient des terres sur plusieurs villages, et étaient organisées à la manière de clans guerriers autour d’une famille principale et de ses branches cadettes. Il n’était pas rare que ces coqs de village soient autorisés à porter un nom de famille, comme les samurais. Au XIXe siècle, cette élite paysanne, surtout proche des villes, pouvait donner à ses fils une éducation proche de celle d’un fils de guerrier : connaissance des classiques confucéens et même pratique des armes dans des dôjôs qui, à la fin de lé période Edo, pouvaient accueillir des non-guerriers. Se donner un vernis de culture guerrière ne suffisait cependant pas à devenir un samurai mais des moyens existaient si on souhaitait franchir le pas.

La pratique du gokenin-kabu consistait à se faire « adopter » par une famille de gokenin, la catégorie basse des vassaux des Tokugawa mais elle existait dans les autres domaines. Que le bénéficiaire soit jeune ou non, il devenait le « fils » d’un chef de famille guerrière et lui succédait, prenant son nom et son statut. L’adoption était évidemment motivée par l’argent ou pour éviter qu’un nom de famille tombe en déshérence (absence d’héritier mâle). On peut même estimer qu’à la fin de la période Edo l’adoption d’un fils coûtait 50 ryôs (pièce d’or de l’époque Edo) pour 100 kokus de riz, 70 ryôs en cas d’urgence. Itô Hirobumi, premier ministre du Japon l’époque Meiji avait lui-même été adopté dans une famille samurai du clan de Chôshû. D’une autre manière on peut prendre en exemple le cas d’Hijikata Toshizô, le redouté vice-capitaine du Shinsengumi. Ce champion des vertus guerrières était dans une famille paysanne aisée de Musashi, un de ses frères succéda à l’exploitation tandis qu’un autre devint médecin. Toshizô fréquenta un dôjô et fit la connaissance de Kondô Isami qui l’embarqua dans l’aventure du Shinsengumi sans être officiellement un samurai. Il ne fut élevé à ce statut que plus tard, de manière rétroactive afin de régulariser sa situation alors qu’il exerçait un commandement militaire. Kondô Isami même, fondateur et chef du Shinsengumi, était aussi fils de paysan sous le nom de Miyagawa.

Kondô Isami, né Miyagawa Matsugorô, incarne pour beaucoup les valeurs du samurai mais ses origines étaient paysannes.

Un fils de paysan pouvait gagner un statut de guerrier, de même qu’un fils d’artisan ou même de marchand. Dans le sens contraire un samurai pouvait déchoir et perdre son statut. Tous les samurais n’étaient pas égaux. Les familles de daimyôs gouvernaient un domaine, le han, et autour d’eux gravitaient l’élite de la classe guerrière. Les shinpan étaient par exemple des parents plus ou moins éloignés du clan seigneurial. Autour du daimyô les décisions étaient prises par des vassaux issus d’anciennes familles descendantes des généraux et chefs des vassaux du clan dont la position au sein de la hiérarchie se transmettait héréditairement. Sous leurs ordres existaient une variété de rangs ayant tous en commun le service envers le seigneur. Ce service se traduisait en temps de paix (c’est-à-dire tout le temps pendant la période Edo) par le service de garnison au château et le service civil dans la gestion du domaine en tant que fonctionnaire. Ces familles guerrières vivaient proches du château et touchaient leurs émoluments en fonction d’une fonction et d’une importance fixée depuis l’époque du Sengoku Jidai. Selon les domaines il existait encore des sous-catégories liées à l’histoire du domaine. Chez les Tokugawa il existait ainsi une classe de samurai appelés hatamoto (sous la bannière) dont les familles, héritées de l’époque de Ieyasu, provenaient de vassaux de très longue date dont les revenus étaient encore liés à une terre précise et non une allocation de riz.

Au bas de l’échelle se trouvait la catégorie de samurais « du rang », les ashigaru. Leurs fonctions étaient les plus simples et leurs revenus par conséquent étaient moindres. Chez les Tokugawa ils étaient qualifiés de gokenin mais on trouvait aussi le terme de yoriki ou kashi. Ils pouvaient connaître des situations sociales variées. Il ne s’agit pas seulement d’une différence de revenus mais aussi de mode de vie et de prestige. Les « petits samurais » devaient faire preuve de déférence envers leurs supérieurs presque autant que roturiers. Ils ne vivaient pas dans les mêmes quartiers sous le château, ne se mariaient pas avec des familles plus importantes et n’avaient pas les mêmes privilèges. Un hatamoto pouvait demander audience et entrer dans le château d’Edo par la porte principale, un gokenin devait passer par des subalternes et se présenter à des portes secondaires. Dans le cas extrême du domaine de Tosa, la catégorie inférieure était tenue de se prosterner face à ses supérieurs et faisait l’objet d’une ségrégation plus stricte.

あわせて読みたい
5 mythes et idées reçues sur les samurais Le samurai est une figure légendaire de l'histoire japonaise, pour beaucoup son image s'est construite sur la base de films et de romans au point qu'il est difficile de faire la part de l'invention et de l'histoire. Il en découle une image stéréotypée des samurais, principalement liée aux souvenirs de l'époque Edo (XVII-XIXe siècles) et qui ignore souvent que les samurais ont existé et évolué durant presque un millénaire sous des conditions très variées. Peut-on tordre le coup à quelques mythes liés aux samurais?

Il existait donc tout une catégorie de petits samurais au niveau de vie peu élevé et avec des attributions subalternes dans leur fief, incapables de s’élever dans la hiérarchie fixée par la tradition. Il fallait donc survivre, certains y parvenaient en recourant discrètement à un complément de revenu par le petit artisanat. Il fallait alors rester discret pour ne pas déchoir. Pratiquer une autre activité que celle des armes aurait non seulement été une trahison envers le daimyô mais aussi un renversement de l’ordre social confucéen. Nécessité faisant loi la pratique existait et elle était parfois soutenue par des daimyôs dont les domaines rapportaient peu : le Uesugi de Yonezawa encourageaient le travail du tissu tandis que les Hosokawa de Kumamoto faisaient de même avec le travail de la soie grège. Le domaine de Kumamoto limitait néanmoins cette activité aux femmes de samurais et c’était généralement elles qui assumaient ce travail supplémentaire.

La perte de statut était cependant la règle, d’autant plus qu’à partir du milieu du XVIIe siècle les dépenses s’accumulèrent. Dépenses protocolaires pour des évènements, cadeaux à faire etc. Il n’était pas rare que des samurais aillent louer leurs kamishimo de cérémonie plutôt qu’en acheter un. Etre incapable d’assumer ces dépenses aurait été une faute grave pouvant entraîner le renvoi du service du seigneur et le déclassement. On se rappellera par exemple du père d’Iwasaki Yataro, le fondateur de Mitsubishi, qui abandonna son statut de samurai, devenu trop lourd, pour vendre du bois de charpente, son fils put retrouver ce statut par la grâce du fief. Le statut de samurai pouvait être perdu, voir abandonné. Les familles samurai déchues pouvaient alors se reconvertir dans une autre activité (le plus souvent l’artisanat) ou même devenir des rônins, des samurais sans maîtres, qui étaient considérés comme des vagabonds, des gomune, et n’étaient plus considérés comme des samurais qui se définissaient par le service.

Iwasaki Yatarô illustre les mobilités sociales dans les deux sens, son père avait perdu son statut de samurai, lui-même le récupèra du fait de ses compétences recherchées par le domaine de Tosa.

De la même manière que pour les paysans, les artisans pouvaient aussi s’élever dans la classe guerrière. Sakamoto Ryôma, à Tosa, était issu d’une famille de fabriquants de sakè qui avaient acheté leur statut mais n’avaient finalement intégrés que la catégorie la plus subalterne des guerriers. Des paysans et des artisans étaient devenus membres de la classe guerrière, des samurais étaient tombés dans la roture et au XVIIIe siècle, sur 150 familles marchandes étudiées, 40 avaient des ancêtres samurais. Cette mobilité sociale était marginale mais montrait que la société de caste rêvée par Tokugawa Ieyasu dut s’adapter aux évolutions sociales de son temps.

あわせて読みたい
Qui a tué Sakamoto Ryôma? Sakamoto Ryôma est le héros japonais par excellence. De nos jours les Japonais vouent un véritable culte au jeune révolutionnaire de la fin de l’époque Edo, même s’il est resté oublié pendant longtemps. Il fut assassiné dans des circonstances mystérieuse à 31 ans juste à la veille de la restauration Meiji pour laquelle il avait tant sacrifié. Sa mort prématurée est devenue un des mystères de l’histoire japonaise concluant une vie héroïque.

La domination en trompe l’oeil des samurais

Nous avons cité en exemples d’ascensions vers le statut de samurai des noms célèbres : Hijikata Toshizô, Kondô Isami, Sakamoto Ryôma, Itô Hirobumi et d’autres encores des cas variés mais ils avaient tous une chose en commun : ils ont vécu à l’extrême fin de l’époque Edo. L’ascension de ces hommes aurait été impossible à l’époque de Tokugawa Ieyasu et de la chasse aux sabres. Le Buke shohattô de 1615 instauré par le premier shôgun ainsi que les Bunkokuhô (règlements seigneuriaux) devait définir une société stable fondée sur le néo-confucianisme mais l’époque ne se prétait pas non plus à voir les des paysans, des artisans et encore moins des marchands se prétendre guerriers.

あわせて読みたい
Avant Tôkyô. La fondation d’Edo Tôkyô n’est pas une ville ancienne, elle n’existe sous ce nom que depuis le milieu XIXe siècle lorsque l'empereur Meiji décida de s'y installer. Elle était c...

Le Japon de la première moitié du XVIIe siècle était encore une société rurale où les villes sous le château existaient encore surtout pour le service du château et de la classe guerrière, les marchés et les marchands étaient une nécessité mais dépendaient de leur clientèle guerrière. Seule Osaka, la ville des marchands, dérogeait à cette règle ainsi qu’Edo dont la population grandissait dans l’Est. Deux phénomènes vinrent changer cet état : dans les campagnes les mauvaises récoltes dues aux évènements climatiques devinrent plus fréquentes et dans les villes les dépenses des samurais ne firent que croître.

rues et boutiques d’Edo telles que représentées au début du XIXe siècle

Les paysans devaient, sur ordre du domaine, cultiver du riz, source de revenus, c’est à dire que les cultivateurs devaient cultiver des rizières même lorsque cette récolte était plus sensible aux aléas climatiques que d’autres productions. La mauvaise récolte engendrait non seulement des disettes mais aussi la détresse financière des cultivateurs. Les révoltes paysannes ont existé durant toute la période Edo mais les mauvaises récoltes engendraient surtout des phénomènes d’abandon des terres. Les familles fuyaient leurs terres de nuit dans l’espoir d’échapper à leurs obligations fiscales et trouver de l’emploi dans les villes (souvent à tort), les règlements seigneuriaux et shogunaux reflètent l’anxiété des daimyôs de fixer les paysans à leurs terres en empêchant la vente des propriétés ou l’hypothèque, en regroupant la responsabilité fiscale en groupes de familles pour la rendre non seulement moins lourde mais aussi rendre la fuite plus difficile (les voisins avaient intérêt à ne pas supporter la part des fuyards). La récurrence des mauvaises récoltes alimenta une hémorragie des campagnes vers les villes. Les nouveaux citadins se reconvertissant dans de nouvelles activités au service de maisons marchandes ou de manufactures. Ils avaient tôt fait de devenir de vrais citadins.

Marchands, artisans, samurais, tous sont représentés dans les avenues affairées d’Edo, ici à Nihombashi.

Les mauvaises récoltes entraînaient aussi une chute des revenus des domaines et du shogunat même alors que ses dépenses augmentaient. A partir de l’époque Genroku sous le shogun Tsunayoshi le coût de la vie pour les samurais augmenta. Le train de vie dispendieux de la cours de Tsunayoshi entraînait l’obligation pour ses vassaux de suivre pour tenir leur rang alors que l’ingéniosité des artisans d’Edo mettait sur le marché de nouveaux produits soumis à des modes (nouveaux motifs de tissus, accès facilité aux livres et au petit artisanat), sans parler de la tentation des plaisirs urbains. Les cours seigneuriales n’étaient pas en reste puisque les daimyôs devaient résider périodiquement à Edo (Sankin Kôtai), entraînant des dépenses pour financer le voyage vers la capitale mais aussi l’entretien d’une demeure de ville avec sa nombreuse suite de guerriers inactifs, eux-mêmes contraints à dépenser, loin de la sobriété confucéenne vantée dans les ouvrages de morale.

Le Sankin Kôtai était l’occasion de déplacement d’un grand nombre de samurais provinciaux vers Edo où ils vivaient… et dépensaient, contribuant à la prospérité des marchands et artisans et à l’appauvrissement des samurais et de leurs seigneurs.

Les samurais touchaient leurs revenus en allocations de riz, qui ne servaient pas de monnaie, il convenait donc de changer ce riz en espèces servant à financer le train de vie. Les domaines avaient leurs propres agents et leurs entrepôts à riz à Osaka ou Edo pouvant négocier avec les marchands mais dans l’attendre de la récolte, face à l’urgence des dépenses il convenait d’emprunter. Malgré des samurais ou des agents rénumérés comme les kakeya, les guerriers, peu habitués à manipuler l’argent, tombaient souvent sous le coup de taux d’intérêts usuraires qui s’accumulaient avec le temps. Les emprunts se faisaient auprès de maisons marchandes réputées qui pratiquaient le prêt comme une activité annexe mais n’en firent pas moins fonction de proto-banques.

Le taux d’endettement des samurais et des domaines, du shogunat même, fut tel qu’au début du XVIIIe siècle, sous les shoguns Ienobu et Yoshimune, les banquiers disposaient d’un véritable pouvoir de contrainte sur les daimyôs. Le domaine de Sendai du clan Date fut par exemple dirigé indirectement au XVIIe siècle par le marchand d’Osaka appelé Masuya qui était le principal propriétaire de la dette du domaine. L’histoire économique de l’époque Edo et de l’affrontement entre le shogunat et les riches marchands est déjà assez complexe, il suffit d’en retirer qu’au XVIIIe siècle, les marchands dominaient la société urbaine d’Edo. Ils la dominaient par l’emploi du petit peuple, par leurs réseaux commerciaux et par l’influence croissante qu’ils exerçaient sur les familles samurais endettées.

Le shogunat répondit de manière variable entre l’affirmation du modèle confucéen agrarien (mesures contre les dépenses, limitation du luxe des marchands, réparation des dettes) et des mesures plus mercantilistes visant à favoriser l’activité d’une économie de plus en plus fondée sur la circulation de l’argent. L’avènement de cette économie monétaire avait d’ailleurs d’autres conséquences dans les campagnes où il devenait plus profitable pour beaucoup de produire des cultures destinées à fournir des matières premières aux villes : coton, soie, plantes tinctoriales etc. Les impôts devant toujours être payés en riz cette culture se maintint mais dans certains domaines elle devint une activité annexe entretenue par les femmes et des employés tandis que les revenus principaux venaient d’ailleurs et que des réseaux commerciaux se tissaient entre les campagnes et les villes. Le mythe de la société agraire vertueuse fondée sur le riz était déjà loin.

Vue de Yoshiwara, le quartier des plaisirs était un des lieux d’expression de l’élégance urbaine et du goût des élites marchandes opposées souvent aux samurais impécunieux.

Le petit peuple n’était pas sans noter ces évolutions. Les récits tirés des romans populaires de l’époque Edo, vendus à grands tirages en collections à quattre-sous (dites à « couvertures jaunes ») ne manquaient pas de vanter la figure de l’Edokko, le citadin plein de gouaille et de répartie (une qualité que l’on appelait l’Iki), face aux samurais traîne-sabres, rustres et vantards même dans la pauvreté (incarnation du yabô). Il faut dire que bon nombre de samurais traînants dans les rues d’Edo étaient des provinciaux endettés ayant suivi leur seigneur, peu au fait des modes et à l’impertinence des roturiers, chose impensable dans l’univers fermé des petits domaines.

Le samurai restait cependant celui qui recevait la meilleure éducation dans les écoles du domaine. cette éducation était fondée sur le confucianisme et des écoles de pensée reconnues par le fief et donnèrent naissance à de grands penseurs guerriers comme Arai Hakuseki, Ôgyû Sorai ou Yamaga Sôkô. C’était le cas à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle mais à la fin du même siècle ce n’était plus le cas. Les penseurs de l’ère suivante étaient issus de la classe marchande dont les fils avaient le temps et les moyens de poursuivre leurs études comme Sugita Genpaku ou Motoori Norinaga qui, médecin, définit ainsi le Kokugaku, les études nationales, qui menèrent plus tard à la base idéologique de la restauration impériale de Meiji.

あわせて読みたい
Que sont-ils devenus? Quelques destins de dynasties japonaises Le Japon est un pays de permanences particulièrement enclin à conserver traditions, institutions et pratiques même si après qu’elles aient perdu tout leur sens. C’est réducteur et partiellement inexact mais il y a un domaine où cette permanence impressionne : les familles, même parmi la simple classe marchande, qui perdurent sur des siècles dans une continuité à coté de laquelle les dynasties européennes semblent des éphémères. C’est le cas en particulier dans certaines dynasties régnantes ou guerrières qui existent toujours. Que sont-elles devenues après avoir perdu leur importance ?

Au début du XIXe siècle le samurai domine la société mais dans les faits il n’est vu que comme un fonctionnaire privilégié faisant face à des difficultés financières, ancré dans ses convictions tandis que la vraie richesse et le vrai luxe devaient être cherchés chez les grandes maisons marchandes tels les Mitsui. Cette évolution révulsait certains samurais attachés aux idéaux confucéens, ainsi Heihachirô Ôshiô, auteur d’une révolte urbaine à Osaka en 1837, justifia ses actions par la dénonciation des autorités incompétentes, corrompues et sous le joug des grands marchands.

On comprend mieux ainsi l’empressement de certains fils de la classe samurais issus des catégories subalternes à rechercher une échappatoire par l’étude ou par le service des armes. Durant la chute du shogunat, le bakumatsu, les rangs du Sonnô Jôi (partisans de restauration de l’empereur) mais aussi des partisans du shogunat, étaient remplis de ces samurais de rang subalternes anxieux de se tailler une place au soleil en faisant la preuve de leurs compétences, au besoin par la révolution. Les fiefs de Satsuma, Chôshû et Tosa étaient en 1867 tous plus ou moins gouvernés, directement ou indirectement, par cette jeune génération prête à jeter le statut de samurai aux orties dès 1871. Ce statut de samurai qui était pour eux synonymes d’archaïsme, de stagnation et de honte et qui ne fut réhabilité qu’au début du XXe siècle avec l’émergence du militarisme. La division de la société en 4 classes fut le premier élément de la culture traditionnelle à être aboli.

Rue de Tokyo, cité moderne où les anciennes catégories sociales étaient vues comme des héritages obsolètes mais n’en continuaient à influencer les comportements.

Il n’en reste pas moins que les anciennes catégories sociales eurent la vie dure. Le nouveau régime Meiji reconnu l’égalité devant la loi des citoyens mais dans un souci de fonder une monarchie moderne, il recréa aussi une nouvelle noblesse. Les kazoku rassemblaient l’ancien cour de Kyôto avec les grandes familles de daimyôs ainsi que quelques familles méritantes de piliers du régimes Meiji. Parés de titres de noblesse occidentaux ils disposaient de privlèges que ne partageaient pas les shizoku, les anciennes familles samurais, leur statut n’était qu’honorifique mais permit de maintenir le souvenir et l’orgueil de l’ascendance guerrière jusqu’à la Deuxième Guerre Mondiale. Le reste de la population était désignée comme des heimin (roturiers) mais parmi eux se trouvaient aussi les familles issues de classes marginales réprouvées : eta, hinin, requalifiés comme burakumin. Le scandale provoqué chez les gens de bien engendra tellement de remous que le gouvernement fut contraint d’improviser une distinction, les burakumin seraient des shin-heimin, nouveaux roturiers, distinction théorique qui nourrit cependant les discriminations sociales de ce que l’on appelait le burakumin-sabetsu.

Ces discriminations issues des anciennes castes furent légalement condamnées à partir de l’aprè-guerre, comme toute référence dans l’espace public à l’ancienne division sociale shi-nô-kô-shô, jugée porteuse de divisions et signe d’archaïsme.

Pour en savoir plus : François et Mieko Macé, 2006, Le Japon d’Edo. Honjo Eijiro, 1928, Changes of social classes during the Tokugawa period. Haga Tôru, 2021, Pax Tokugawa, the cultural flowering of Japan, 1603-1853.

よかったらシェアしてね!
  • URLをコピーしました!
  • URLをコピーしました!
目次
閉じる