L’histoire japonaise lui a attribué le surnom de « singe », Homère l’aurait nommé polymétis (« aux mille ruses ») sans exagérer. De paysan à seigneur suprême du Japon, Toyotomi Hideyoshi se démarque des autres personnages historiques japonais, toutes époques confondues. Hideyoshi méritait-il cette réputation d’intelligence rusée qui lui permit de s’emparer du Japon à partir de rien ?
Hideyoshi et le mythe du singe
Il est parfois difficile d’écrire sur un personnage de l’époque Sengoku au Japon, la plupart firent l’objet de récits, légendes réinterprétations et caricatures durant l’époque Edo. La richesse des publications rendent difficile de faire la part entre un récit historique sérieux et les inventions d’un auteur de fiction. Hideyoshi est censé avoir fait bouillir vivant le brigand Ishikawa Goemon qui avait tenté de l’assassiné mais l’épisode est une pure invention. Au contraire, certains auteurs de l’époque Edo ont été excessivement critiques, supprimant des faits authentiques car jugés invraisemblables. Hideyoshi avait ainsi la particularité d’être polydactyle, il avait six doigts (deux pouces) à la main gauche, détail caché par ses portraits et donc rejeté à l’époque Edo mais documenté par des descriptions d’époque du clan Maeda. Il faut donc faire un long travail de critique des sources pour déméler la fiction et l’histoire.

Hideyoshi apparut dès la fin de l’époque Edo comme le véritable unificateur du Japon. Nobunaga avait détruit les contre-pouvoirs les plus importants tandis que Ieyasu termina et poursuivi l’oeuvre d’Hideyoshi reprenant bon nombre des politiques mises en place par ce dernier. A l’époque Edo son nom resta respecté mais fut eclipsé par Tokugawa Ieyasu qui découragea tout culte de son ancien rival (l’anniversaire de sa mort étant même interdit de célébration). Durant l’époque Meiji il fut au contraire réhabilité car son régime et son titre s’intégraient à la cour impériale, il était donc perçu comme plus respecteux de l’empereur que les shôguns Tokugawa. Les Japonais comparaient alors volontiers Hideyoshi à Napoléon pour son parcours exceptionnel.

On a alors deux sortes de récits sur Hideyoshi. A l’époque Edo, Hideyoshi est mis en valeur comme personnage de thépatre et de récits historiques, les auteurs eurent alors tendance à grossier le trait jusqu’à caricaturer l’ancien régent. A l’époque Meiji, influencé aussi par l’historiographie, on critique et on réhabilite Hideyoshi pour l’intégrer au nouveau roman national. Le personnage oscille depuis dans la mémoire populaire entre l’image du singe et de ses excès et celui du personnage historique. L’écrivain japonais Shiba Ryôtaro, auteur de 300 romans historiques, tenta de faire la somme des deux et d’y apporter sa lecture personnelle, considérant que le caractère exceptionnel d’Hideyoshi venait de ses origines.
Hideyoshi n’est pas né seigneur ou même guerrier. Le Taikôki, la biographie du Taikô (le titre d’Hideyoshi) est notre principale source. Il raconte qu’il serait le fils d’un fantassin-paysan, un ashigaru, décédé alors que son fils était jeune. Hideyoshi aurait passé une partie de sa jeunesse comme vagabond et vendeur ambulant (d’aiguilles à coudre). Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, Hideyoshi à son apogée ne cacha pas ces origines qui augmentait encore le prestige de son ascension. Le Taikôki est probablement lourdement influencé par les vues de son auteur, Oze Hôan, un lettré confucéen qui le publia en 1626. Il eu tendance à mettre en avant les excès d’Hideyoshi au nom des vertus confucéennes que ces excès mettaient en valeur (par leur absence). Les historiens contemporains ont révisé cette version et considèrent par exemple que l’absence de nom de famille pour le jeune Tôkichirô (son prénom à l’époque) indiquerait qu’il n’avait même pas ce statut d’ashigaru, ceux-ci portant généralement un nom (parfois de leur lieu d’origine). Les légendes romanesques, invérifiables, donnent des détails sur ces années et comment Hideyoshi parvint finalement à se faire embaucher et apprécier par Oda Nobunaga vers 1554. Ce dernier est réputé pour avoir recruté et promu les talents en dépit des origines sociales.
Les récits postérieurs décrivent Nobunaga ayant eu des attitudes très familières (amicales ?) avec Hideyoshi, lui pardonnant éventuellement des fautes normalement sévèrement punies. Nobunaga est censé l’avoir surnommé « le singe » (saru, 猿) mais nous n’avons en réalité aucune preuve que Nobunaga l’ait appelé ainsi. Il pourrait s’agir d’une insulte se référant à son apparence physique de la part de ses rivaux. Nous avons aussi le témoignage de graffitis à Kyôto représentant Hideyoshi comme un singe, peut-être se référant à ses origines populaires opposées à la noblesse qu’il prétendait intégrer. Le seul surnom documenté que Nobunaga utilisa pour parler d’Hideyoshi est celui de « souris chauve » mais il s’agit d’un terme issu d’une lettre que Nobunaga lui envoya pour le réprimander, à la demande de sa femme Néné, de ses batifolages avec de nombreuses autres femmes. Il est impossible de dire si c’était un surnom courant ou juste une moquerie occasionnelle.

L’histoire d’Hideyoshi est donc celle d’un homme nouveau, un nari-agarimono, s’étant fait par ses propres compétences. Ne disposant pas d’une famille ou d’alliés pour l’appuyer, il bâtit son propre clan, en butte au mépris des vassaux issus de familles anciennes, face auxquelles il dû toujours faire ses preuves. C’est uniquement par ses actions d’éclats et son caractère qu’il sut se hisser au sommet des hiérarchies de son temps. Il fallut commencer de très bas.
Sunomata Ichiya, le château d’une nuit
Toujours d’après le Taikôki, le jeune Tokichirô entré au service de Nobunaga fut dans un premier temps porteur de sandales de son maître, on lui aurait confié plus tard la gestion les cuisines du château de Kiyosu et la restauration des murailles avec succès. Ces premières tâches, domestiques, sont cependant douteuses et pourraient être des inventions de l’époque Edo. D’une manière ou d’une autre Hideyoshi devait cependant s’être fait remarquer, il parvint en 1561 à faire un très beau mariage avec Néné, la fille adoptive d’un vassal de rang notable, qui lui apporta des parents et des alliés pouvant le soutenir dans sa carrière. Il obtint alors une maison proche du château, signe d’un vassal de rang supérieur au simple fantassin. Il adopta alors le nom de famille Kinoshita.

A cette époque, Oda Nobunaga dirigeait la seule province d’Owari mais souhaitait s’emparer de la province voisine de Mino. Saitô Yoshitatsu, son beau-frère (et assassin de son propre père) y régnait. La conquête de Mino prit dix ans jusqu’en 1567 et fut très compliquée. Nobunaga essaya à plusieurs reprises de prendre pied sur l’autre rive de la rivière Sai qui marquait la frontière, une zone de marais où plusieurs vassaux des Saitô parvinrent à repousser toute tentative de construire un château qui servirait de base pour envahir Mino.
Après l’échec de Shibata Katsuie puis de Sakuma Nobunori, deux vassaux importants de Nobunaga, ce fut au tour de Tokichirô de s’y coller. On peut se demander comment il parvint à obtenir cette mission, était-il favorisé par Nobunaga ou bien ce dernier était-il suffisamment exaspéré de ses vassaux pour confier la tâche à ce serviteur de fraiche date? Il était alors accompagné de son frère Hidenaga et d’Hachisuka Koroku (Masakatsu), qui était considéré plus comme un chef de bande de brigand qu’un seigneur. Le récit habituel raconte qu’Hideyoshi avait fait couper au préalable des arbres en amont qui furent ensuite transportés via la rivière jusqu’au site de construction, plusieurs autres éléments des constructions auraient été travaillés à l’avance pour être assemblés rapidement sur place. Le résultat fut le château de Sunomata, surnommé Ichiya, le château construit en une nuit. Le matin, les vassaux des Saitô découvrirent avec stupeur un château déjà érigé et occupé par les vassaux des Oda.

Les différents récits restent cependant réalistes. Lorsqu’on parle d’un château il faut plutôt imaginer un fort de bois avec une palissade et des tours de guet ainsi que quelques bâtiments pour héberger la petite garnison. Ce fortin aurait d’ailleurs été construit en deux ou trois jours, nécessaires pour ériger au moins la palissade. Les travaux lourds comme le creusement de douves et les levées de terre prirent plusieurs semaines supplémentaires. L’essentiel était cependant de pouvoir occuper le terrain. Ayant obtenu sa tête de pont en Mino, Nobunaga put finalement s’en prendre au château des Saitô à Inabayama.
L’histoire met ainsi en avant les qualités d’Hideyoshi, plutôt qu’un guerrier, on nous dépeint un homme intelligent capable de planifier et organiser, de réunir des hommes (qui n’étaient pas des vassaux des Oda eux-mêmes mais plutôt un rassemblement hétéroclite de parents, alliés et mercenaires) et assez subtil pour rechercher à provoquer un choc psychologique chez ses adversaires. L’histoire est racontée dans le Buko-yawa mais il s’agit peut-être d’une invention à posteriori de l’époque Edo pour justement illustrer ces qualités. En réalité on ne connaît même pas l’année durant laquelle l’épisode aurait eu lieu. Nous n’avons pas non plus de traces archéologiques, qui devraient pourtant être repérables.

Il est cependant certain qu’il joua un rôle à cette époque dans la conquête de Mino. On lui attribue le ralliement de plusieurs vassaux importants des Saitô qui changèrent de camp en faveur de Nobunaga. Il aurait aussi recruté un vassal en disgrâce des Saitô, Takenaka Hanbei, qui était un esprit brillant et cultivé et qui devint le stratège et le proche d’Hideyoshi. Les transfuges des Saitô et Hachisuka entrèrent indirectement dans la vassalité des Oda en tant que vassaux d’Hideyoshi lui-même. Nous ne sommes plus face à un samurai du rang ou à un simple officier mais à un vassal direct de Nobunaga. Le statut d’Hideyoshi fut élevé par Nobunaga au cours de cette conquête, signe qu’il devait être récompensé pour ses actions. Nobunaga avait aussi la particularité de pousser ses vassaux directs à de se doter eux-mêmes de vassaux qui formeraient des groupes d’armée autonomes qu’il pourrait employer directement tout en n’ayant qu’une seule personne à récompenser.
Shiba Ryôtaro a suggéré qu’Hideyoshi bénéficiait de son passé. Ancien vagabond qui était passé au service de différents maîtres, de Mino jusque chez les Imagawa en Suruga, il devait avoir des connaissances pratiques des chemins et villages et peut-être avoir des connaissances variées un peu de partout, dont Koroku et ses brigands. Personnage d’origines humbles et peu soucieux de son orgueil de guerrier, récemment acquis, il fut peut-être l’équivalent d’un agent de renseignement pour Nobunaga capable de l’informer et d’avoir une vision différente de celles des guerriers. Il est un fait qu’Hideyoshi fut par la suite souvent employé dans des négociations, capable de réunir des informations, séduire ses interlocuteurs et d’arrondir les angles. Il s’agit peut-être là de la raison de la faveur de Nobunaga qui était sinon surtout entouré d’hommes n’ayant qu’une culture guérrière.

Hideyoshi semble cependant avoir su se mettre en avant, en 1567, lors de la chute d’Inabayama face à l’assaut des Oda, Hideyoshi prit l’initiative d’escalader de nuit une falaise à l’arrière d’Inabayama et dominant le château. Une fois arrivé là avec ses compagnons, alors que la bataille avait commencé ailleurs, il poussa plusieurs fois le cri signifiant la victoire, démoralisant les défenseurs et menant Saitô Tatsuoki (le fils de Yoshitatsu) à s’enfuir, laissant le château entre les mains d’Oda Nobunaga. Il s’agit encore de l’une des images d’Epinal liées à la carrière d’Hideyoshi, souvent illustrée par les estampes.

Quant au château de Sunomata, on ne peut pas exclure qu’il ait été réellement construit. Des années plus tard, devenu régent (kampaku) de l’empire sous le nom de Toyotomi, il dut soumettre les puissants Hôjô d’Odawara. Le siège eu lieu en 1590 et fut la dernière étape de l’unification. A un moment crucial Hideyoshi ordonna la construction d’un château pour bloquer les défenseurs d’Odawara. Situé à Ishigakiyama il fut lui aussi surnommé Ichiya. Hideyoshi avait prit soin de cacher la construction du château par un rideau d’arbres le cachant aux yeux d’Odawara. Lorsqu’il fut achevé, les arbres furent abattus, révélant d’un coup le nouveau château qui apparut littéralement en une nuit aux yeux des défenseurs qui, démoralisés, se rendirent peu après. Il est cependant possible que Sunomata soit une réinterprétation de cette ruse qu’Hideyoshi n’eut qu’à cette occasion.
Utiliser les éléments, le château inondé de Takamatsu
Après la chute de Mino et la prise de Kyôto en 1568, Hideyoshi n’était pas encore reconnu comme un chef militaire à part entière. Il lui fallut faire ses preuves, en 1570, alors que l’armée des Oda s’avançait pour punir les Asakura, le beau-frère de Nobunaga, Azai Nagamasa, lui tendit un piège. L’armée des Oda était alors en danger d’anéantissement, Nobunaga dut s’échapper en premier mais Hideyoshi se porta alors volontaire, avec Akechi Mitsuhide et Ikeda Katsumasa, pour former l’arrière-garde. Il avait toute les chances d’être prit au piège et de ne pas en réchapper et les récits semblent indiquer qu’il s’en fallut de peu. C’était la première action d’éclat d’Hideyoshi (Kanegasaki no nokikuchi).
La guerre contre les Asakura et Azai se poursuivit jusqu’en 1573 avec la chute du château d’Odani, le fief des Azai. Hideyoshi fut alors au coeur de cette bataille à la tête de ses troupes. Il apparaît alors comme un véritable commandant d’armée. Pour le récompenser de ses actions, il devint le seigneur de la moitié des terres des Azai depuis son propre château à Nagahama sur les bords du lac Biwa. Il prit soin alors de gouverner sagement, intégrant bon nombre d’anciens vassaux ennemis dans ses rangs. Signe de son ascension Nobunaga lui accorda le droit de se choisir un nouveau nom. Par humilité envers ses aînés, il devint Hashiba (羽柴), un nom utilisant les kanjis des vassaux les plus importants de Nobunaga : Niwa (HA, 羽) Nagahide et Shibata (SHIBA, 柴) Katsuie. Hashiba Hideyoshi devient alors un des quatre généraux au coeur de la vassalité des Oda (Akechi Mitsuhide étant le dernier).

Akechi fut envoyé lutter dans la province de Tanba, Shibata en Echizen et Hashiba se vit confier la province de Harima. Là-bas il dut lutter contre l’opposition des clans Besshô et Kodera, une entreprise qui l’occupa deux ans et se termina par le siège du château de Miki en 1580. Hideyoshi apprit beaucoup sur cette période sur l’art de la guerre, ses erreurs sont alors manifestes et son siège de Miki fut une affaire assez chaotique où il perdit des hommes. Il retint les leçons pour la suite. L’année suivante en 1581, Yamana Toyokuni se révolta dans son château de Tottori. Hideyoshi prépara mieux son siège cette fois-ci. Avant même d’envahir la province il envoya des agents acheter à prix d’or la récolte de riz, allant même jusqu’à corrompre des intendants du château pour acheter leurs propres réserves. Quand le siège commença le château ne tint pas longtemps sans réserves et capitula. Peu de temps après Hideyoshi conquit aussi l’île d’Awaji.
Toutes les actions d’Hideyoshi en direction de l’Ouest du Japon se faisaient avec un objectif plus général en tête, préparer la guerre contre le puissant clan Môri d’Hiroshima en grignotant leurs alliés. L’étape suivante se trouvait en Bitchû, le château de Takamatsu, le chef d’oeuvre militaire d’Hideyoshi.
Bitchû (préfecture d’Okayama) était divisé entre plusieurs seigneurs locaux alliés des Môri, ceux-ci maintenaient ainsi un glacis protégeant leurs provinces (pratiquement tout le Chûgoku actuel). Le château de Takamatsu était entre les mains de Shimizu Muneharu. Le château servait à contrôler la plaine menant vers l’Ouest et bloquer une armée d’invasion suffisamment longtemps pour voir arriver des secours depuis Hiroshima, la capitale des Môri. C’était donc un château de plaine, un hirajô, qui avait été astucieusement construit au milieu de marécages qui servaient de douves naturelles, une attaque directe sur le château était impensable et seul un siège pouvait en venir à bout mais tout assiégeant devait s’attendre à une réaction des Môri qui enverraient une armée de secours avant que le château soit tombé. L’affaire était périlleuse et dans les premiers temps il se retrouva bloqué par les défenseurs et leurs alliés locaux au point de devoir demander des renforts à Nobunaga.

Selon la chronique du Bushô Kanjôki, le siège débuta le 29 mai 1582, pour en finir avec Takamatsu, Hideyoshi décida de retourner l’avantage de l’eau contre les défenseurs et d’inonder le château. Situé dans une plaine marécageuse, le château n’était pas très élevé. Hideyoshi fit construire des digues, encore visibles aujourd’hui, et détourna des rivières locales pour créer un bassin de rétention au centre duquel se trouvait le château. Il fut aidé aussi par le début de la saison des pluies qui accéléra le processus. Il semble que ce soit le nouveau stratège d’Hideyoshi, Kuroda Yoshitaka, qui avança le premier l’idée d’inonder le château, il se serait inspiré d’un précédent tiré des chroniques chinoises.

Même s’il n’était pas à l’origine de cette idée, Hideyoshi en fut le maître de chantier. Il conduisit la construction des digues directement sur place et peu à peu le niveau de l’eau monta dans le château. Hideyoshi, né dans la pauvreté, savait dynamiser ses hommes et les paysans mobilisés à coup de généreuses rations de riz et des salaires mirobolants pour l’époque (100 mon, monnaie en bronze, et 1 shô de riz), des fêtes étaient organisées dans le camp et le marché associé faisait les affaires de tous. Le total des travaux fut estimé à plus de 63 000 kokus de riz (représentant le produit annuel de plusieurs domaines seigneuriaux de bonne taille). La guerre était souvent une fête quand Hideyoshi s’en chargeait.
Le résultat fut une digue de plusieurs kilomètres de long et plusieurs sections construite en 12 jours, douze mètres de large et huit de haut. Il en résulta un lac de 200 hectares au centre duquel le château formait une île. Même après l’arrivée de l’armée de secours des Môri la situation des assiégés ne s’améliora pas. Hideyoshi s’était préparé et fortifié et ses adversaires étaient décontenancés par ce qu’ils voyaient. Les assiégés étaient dans l’incapacité de communiquer ou de lancer une sortie tandis que leurs assiégeants préparaient des barques pour passer le lac et leur tirer deessus. Hideyoshi pouvait donc tranquillement se tenir face à eux. Les Môri préférèrent commencer à négocier.

Le commandant de la place, Shimizu Muneharu, souhaitait résister mais le négociateur des Môri, le moine-stratège Ekei Ankokuji le mit devant la réalité. Les Môri ne mèneraient pas une bataille d’envergure pour lui. Cette hésitation faisait aussi partie du plan d’Hideyoshi qui s’en servit ensuite pour semer le doute chez les autres alliés des Môri. La situation dans le château devint invivable, les puits étaient devenus inutilisables et les réserves de nourriture se réduisaient ou avaient pourri. Il ne faut pas imaginer un donjon inondé jusqu’au toit car l’essentiel du château devait être quand même un peu surélevé mais les infiltrations et l’inondation des parties les plus basses devait rendre le château inhabitable.
A la fin des négociations, en juin 1582, Shimizu Muneharu accepta de livrer la place. Les négociations avaient été âpres, les Môri acceptaient de perdre une partie de leur territoire, Hideyoshi accepta que la garnison soit épargnée mais pour signe de sa victoire il exigea que Shimizu s’ouvrit le ventre publiquement (seppuku). Ce n’était pas tellement par cruauté mais pour créer un fait accompli indéniable : les Môri avaient laissé mourir leur allié. Il espérait que d’autres seigneurs alliés des Môri s’en souviendraient plus tard. Le suicide de Shimizu Muneharu fut une affaire grandiose. Monté sur une barque menée au milieu du lac artificiel, Muneharu reçu un derneir repas et du sakè de la part d’Hideyoshi avant d’entamer une danse de Nô et de déclamer son poème de mort. Toutes les formes furent scrupuleusement respectées, le suicide de Shimizu dura très longtemps. Il fut par la suite célébré pour l’excellence de son comportement et Hideyoshi lui-même lui rendit hommage.

La chute du château de Takamatsu consacra Hideyoshi, après la prise de Miki et Tottori, comme un général spécialisé dans les sièges. Là encore les récits mettent en avant les talents d’organisateur, le charme et la duplicité d’Hideyoshi comme négociateur. Takamatsu devint un modèle au point que plusieurs années plus tard, le protégé d’Hideyoshi Ishida Matsunari tenta de reproduire la grande stratégie de son patron. Lors de la guerre contre les Hôjô d’Odawara en 1590, il assiégea le château d’Ôshi avec 23 000 hommes contre moins de 3000 défenseurs. Il entreprit à son tour d’inonder le château en construisant 28 kilomètres de digues mais le travail fut bâclé et les digues se brisèrent noyant un bon nombre d’assiégeants. Pire, les assiégés avaient corrompu des officiers pour leur vendre des provisions. Le château résista et ne se rendit qu’après la défaite finale des Hôjô. Mitsunari en fut durablement humilié et gagna une réputation de mauvais général. N’est pas Hideyoshi qui veut.
Mais le tour de force de Takamatsu fit immédiatement place à un deuxième tour encore plus hardi et difficile qui fit la gloire d’Hideyoshi.
Chûgoku Ôgaeshi, le marathon à la japonaise
L’histoire est parfois faite de hasards, alors que Shimizu Muneharu préparait son suicide et qu’Hideyoshi finalisait l’accord avec les Môri, Oda Nobunaga fut attaqué par surprise par Akechi Mitsuhide et éliminé. C’était le 21 juin 1582. Nobunaga était alors en route pour retrouver Hideyoshi et conclure personnellement la guerre. Mitsuhide envoya ensuite des messagers pour justifier son acte et demander des ralliements, le messager destiné aux Môri fut intercepté par Hideyoshi qui découvrit un peu plus tôt que les autres qu’il n’avait plus de seigneur et qu’il était livré à lui-même face à une armée ennemie, les Môri en profiteraient surement pour se débarasser de lui.

Première chose à faire : paniquer. Le Taikôki raconte comment la nouvelle bouleversa Hideyoshi qui fut calmé par Kuroda Yoshitaka. Ce dernier aurait suggéré à Hideyoshi qu’ils tenaient une occasion inespérée et qu’ils étaient en bonne position pour aller punir le traître. Là encore la paternité des idées d’Hideyoshi est souvent partagée avec Yoshitaka. Ce dernier resta toujours un vassal respecté mais surveillé et peu récompensé, Hideyoshi reconnaissait ses compétences mais ne souhaitait pas lui donner trop de pouvoir au sein de son régime. Cette double paternité est peut-être aussi une manière de diminuer le mérite d’Hideyoshi par des auteurs plus tardifs.
Hideyoshi, Hidenaga et Yoshitaka ne perdirent pas de temps. Il fallait d’abord conclure la paix en faisant semblant de rien. Shimizu se suicida et les Môri signèrent le traité encore ignorants des faits survenus. Alors que tout cela prenait place, l’avant garde d’Hideyoshi prenait déjà le chemin de Kyôto en secret. C’est seulement trop tard que les Môri comprirent qu’Hideyoshi avait fait faire demi-tour à toute son armée sans demander son reste que la nouvelle leur parvint. Ils décidèrent d’honorer leur parole et de ne pas poursuivre, peut-être espérant, à juste titre, la future reconnaissance d’Hideyoshi.

C’est une retraite épique qui s’engagea au cours de laquelle ses hommes parcourrurent entre 30 à 40 km par jour en armes. Cette retraite est une autre des prouesses logistiques d’Hideyoshi qui fut en mesure d’organiser un ravitaillement et préparer les repos d’étapes nécessaires pour rejoindre Kyôto (environ 200 kilomètres). Les hommes avançaient au pas rapide, en armes, ne s’arrêtant que pour un repos de quelques heures, recevant de nouvelles sandales et des rations aux étapes aménagées sans s’arêter, léchant la pâte de miso directement à la main pour ne pas s’arrêter préparer un repas. On n’est pas loin de l’organisation d’un marathon actuel. Cela permit à Hideyoshi d’arriver sur place en moins d’une semaine et d’être le premier pour contrer Mitsuhide et le tuer lors de la bataille de Yamazaki le 2 juillet.
La retraite de Chûgoku représente une autre des forces d’Hideyoshi, cette capacité à prendre des décisions rapides et d’organiser de manière efficace le déplacement rapide d’une armée (une qualité partagée avec Napoléon Bonaparte). L’année suivante en 1583, à la bataille de Shizugatake il fut de même capable de faire passer à son armée des chemins de montagne étroits, en plein nuit, pour surprendre son adversaire.

Lors de la bataille Hideyoshi fut rejoint par Niwa Nagahide et l’un des fils de Nobunaga qui fut officiellement le commandant en chef mais Hideyoshi disposait du gros des troupes avec 36 000 hommes, dans les faits il prit les décisions. Proclamant son deuil et sa volonté de punir Mitsuhide par des gestes publics bien visibles, il se fit l’âme d’une guerre juste de vengeance pour le défunt Nobunaga. Hideyoshi devint vengeur de son seigneur, un prestige moral indéniable qui le plaçait devant ses pairs. Il était encore le vassal des Oda mais après la disparition de Nobunaga qui dirigeait le clan ?
Kiyosu no Kaigi, la journée des dupes
Lors du coup d’Honnô-ji, Oda Nobunaga n’avait pas été le seul à perdre la vie, son fils et héritier Nobutada comptait aussi parmi les victimes. En règle générale les clans de samurais japonais suivaient la tradition confucéenne et favorisaient la succession au fils aîné. Ce n’était cependant pas toujours le cas, le statut de la mère entrait en compte (épouse légitime, concubine, fille d’un clan respectable ou de basse extraction) mais aussi la personnalité des successeurs et l’importance de leurs soutiens ou de leur popularité parmi les vassaux. Durant le Sengoku Jidai où l’existence même du clan dépendait du prestige de son chef, les vassaux n’hésitaient pas à intervenir pour pousser leur candidat.

Dans le cas de la succession d’Oda Nobunaga le problème était encore rendu plus complexe par les successeurs potentiels. Nobutada disparu, il restait ses frères cadets Oda Nobukatsu et Oda Nobutaka. Ils avaient le même âge mais n’étaient pas jumeaux, ils étaient nés de concubines différentes. Nobutaka était considéré comme le 2e fils mais Nobukatsu était né avant lui, d’une concubine de rang inférieur cependant, le reléguant en 3e position. Le droit d’aînesse n’était donc pas clair. Aucun des deux n’était très populaire, Nobukatsu s’était fait humilié lors de sa désastreuse invasion d’Iga en 1579 tandis que Nobutaka n’avait rien accompli de particulier et n’avait été commandant en chef à Yamazaki uniquement sur le papier.

Il revenait donc aux vassaux d’appuyer celui qui leur paraissait avoir le plus de chance de compléter la conquête commencée par Nobunaga. Une réunion fut organisée le 27 juillet 1582 à Kiyosu, le château d’origine des Oda d’Owari. La réunion des vassaux devait surtout réunir les 4 principaux généraux de Nobunaga : Shibata Katsuie, Hashiba Hideyoshi, Niwa Nagahide et Ikeda Tsuneoki (en remplacement d’Akechi Mitsuhide).
Plus que choisir un successeur c’était aussi le moment clé pour définir l’influence de chacun au sein du clan Oda. Deux champions s’opposaient durant cette réunion, le premier était Shibata Katsuie, issu d’une vieille famille de vassaux des Oda et premier parmi les vassaux. Il représentait la fidélité absolue et venait de se marier avec la soeur de Nobunaga, O-Ichi (veuve d’Azai Nagamasa). Hideyoshi est sensé en avoir été épris mais cette dernière semble destesté haï le singe (il prit plus tard sa fille O-Chacha comme concubine, peut-être lui ressemblait-elle). Katsuie, chef des vassaux et époux de la soeur de Nobunaga, était le champion des vassaux héréditaires mais il était peu aimé et très conservateur. Il soutenait Nobukatsu, peut-être parce qu’il semblait moins militairement inepte.

Le second était bien sûr Hashiba Hideyoshi. Il était l’exact opposé de Katsuie, homme nouveau, issu de la paysannerie, peu porté sur les exploits physiques et plus sur la ruse, pragmatique et sans doute porté par l’ambition de supplanter les Oda. Hideyoshi semble avoir subi le mépris à peine voilé de Katsuie et d’autres grands vassaux dès les premières étapes de sa carrière, il avait après tout réussi à Sunomata dans une mission où Shibata Katsuie avait échoué. Les deux hommes s’était aussi violemment opposé lors de la conquête d’Echizen où Hideyoshi avait tout simplement quitté la guerre plutôt que d’obéir aux ordres de son rival. Nobunaga l’avait réprimandé mais finalement pardonné, témoignage d’une faveur qui le rendait encore plus haïssable aux anciens vassaux. Hideyoshi était cependant incontournable du fait de son statut de vengeur de Nobunaga et de vainqueur de Mitsuhide. Pour beaucoup il était le plus fidèle à la mémoire de Nobunaga et il réunissait bon nombre de vassaux récents. il soutenait Nobutaka en prenant le droit d’aînesse comme argument.
Quant aux autres vassaux majeurs, Niwa Nagahide soutenait Shibata tandis qu’Ikeda Tsuneoki se laissa rapidement acheter par Hashiba, laissant deux camps séparés et hostiles. Le reste des vassaux se rangeraient à leurs recommandations. Katsuie craignait qu’Hideyoshi tente d’usurper le clan pour son propre profit. C’était bien entendu l’objectif d’Hideyoshi, il n’était cependant pas prêt à le faire si tôt ni de manière trop directe. Il ne faut pas trop lui en vouloir. La fidélité du guerrier envers son maître et son clan est une notion qui s’est surtout développé à l’époque Edo. Durant le Sengoku Jidai la fidélité est une affaire directe entre le seigneur et son vassal. Hideyoshi avait été profondément fidèle à Nobunaga, celui-ci disparu, il ne retrouvait pas dans ses héritiers la même implication et le même dévouement, ce qui n’était pas le cas de vassaux héréditaires comme Katsuie. Hideyoshi recherchait désormais sa propre élévation, fruit des circonstances favorables.

La conférence ne dura que quelques jours mais durant ce temps Hideyoshi multiplia les fêtes, ce qu’il savait très bien faire déjà dans son propre campement. Comprendre l’attrait de l’or et la plus simple avidité était une caractéristique qui le démarquait d’hommes nés d’anciennes familles guerrières et tenus à une certaine idée de l’honneur, l’ancien mendiant qu’était Hideyoshi savait ce que la richesse pouvait acheter et n’économisait pas. Il fallait flatter et faire des promesses généreuses à tous les membres notables de la maison Oda alors que Katsuie se drapait dans son statut supérieur de premier parmi les vassaux et dans la poursuite d’un honneur rigide. Les discussions étaient cependant dans l’impasse pour départager Nobutaka et Nobukatsu.
En fin de compte Hideyoshi avança un argument surprenant : ils n’avaient pas à choisir le successeur de Nobunaga, son successeur déclaré avait toujours été son aîné Oda Nobutada. La succession de Nobunaga allant à Nobutada et celui-ci étant décédé, ils devaient donc choisir l’héritier de Nobutada. Ce raisonnement alambiqué désignait clairement le fils de Nobutada âgé de trois ans, Sanbôshi. Cela disqualifiait au passage Nobutaka et Nobukatsu, deux sucesseurs adultes mais dont la réunion avait clairement montré qu’ils ne remportaient pas l’adhésion.
La proposition tenait du coup de théâtre et Hideyoshi s’empressa de se retirer des discussions en prétextant un mal de ventre. Il s’agissait là d’un tour de théâtre, en étant absent Hideyoshi se soustrayait aux questions, aux accusations et aux insultes auxquelles il aurait à répondre. Il laissa Ikeda Tsuneoki faire durer les discussions et présenter de manière raisonnable les arguments face à un Katsuie furieux d’avoir perdu son candidat et ne pouvant pas mettre la main sur son opposant. Une fois Hideyoshi et ses ambitions retirées de l’équation, Sanbôshi apparut comme un excellent choix de compromis évitant de futurs conflits entre ses oncles. Il fut confirmé chef du clan Oda. Katsuie imposa cependant la condition d’avoir Nobukatsu comme gardien de son neveu. Il pensait ainsi protéger le clan Od des manoeuvres d’Hideyoshi, qui accepta avec empressement la proposition.

Le dernier jour de la conférence vit l’installation officielle de Sanbôshi face aux vassaux comme chef du clan. Le jeune garçon de 3 ans, terrifié par les circonstances refusa absolument de complaire aux adultes (comme souvent) et de suivre son oncle Nobukatsu. Le gentil oncle Hideyoshi, qui avait pris le temps dans les jours précédents de lui rendre visite avec des cadeaux et des jeux, fut le seul à réussir à le calmer. C’est ainsi que le jeune Sanbôshi fit son apparition face aux vassaux dans les bras d’Hideyoshi. Ce dernier alla directement s’assoir à la place d’honneur réservée au seigneur avec l’enfant sur ses genoux. Chaque vassal, incluant Shibata Katsuie, fut contraint de s’incliner face à Sanboshi… et Hideyoshi. Hideyoshi se posait ainsi en soutien du jeune chef en plus d’avoir vengé Nobunaga, ses rivaux avait été contraints de s’abaisser face à lui, un geste qui était difficile à effacer. Hideyoshi avait pris aux yeux de tous l’avantage, marginalisant Katsuie.
La conférence devait aussi réorganiser les terres des Oda en redistribuant les fiefs. Nobutaka et Nobukatsu se partagèrent comme de droit le coeur du domaine Oda avec Owari (Nagoya) et Mino (Gifu). En signe de conciliation Hideyoshi accepta d’abandonner son domaine de Nagahama à Shibata Katsuie (d’une valeur de 120 000 kokus) mais se fit attribuer la province de Tanba (à travers son fils adoptif Hidekatsu, 4e fils de Nobunaga) et de Yamashirô (entourant Kyôto). Ces domaines valaient 280 000 kokus, faisant d’Hideyoshi un vassal plus titré et plus riche que Katsuie, le surpassant désormais en statut. Il contrôlait désormais aussi les abords de Kyôto. Hideyoshi fit aussi pression sur la distribution des terres du Kansai pour tenir ses promesses. Les bénéficiaires reçurent ces terres officiellement du jeune Sanbôshi mais personne ne s’y trompait, Hideyoshi était celui qui dispensait ces terres et inévitablement il détourna à son profit les fidélité, dans le même temps débutait la construction du château d’Osaka, le plus grand de son temps, eclipsant le château de Nobunaga à Azuchi.

Shibata Katsuie n’était pas dupe mais il était désormais isolé par l’hiver en Echizen et tenait encore au légalisme, dénonçant publiquement et au nom de Nobutaka les spoliations et abus de son ennemi. La comédie était déjà terminée, en décembre 1582, Hideyoshi reprenant par la force son château de Nagahama (ralliant à lui un fils adoptif de Katsuie), envahit Mino et contraignit Nobutaka à lui remettre Sanbôshi (officiellement pour le ramener sur son propre domaine à Azuchi). Il passa le reste de l’hiver à réduire les partisans de Shibata Katsuie à sa portée et en avril 1583, remporta la bataille de Shizugatake contre le même Katsuie. Ce dernier se suicida et en mai Hideyoshi contraignait Nobutaka, le propre fils de son seigneur (décédé moins d’un an auparavant) au suicide. Nobukatsu tenta bien de réagir en se proclamant en 1584 héritier de Nobunaga mais c’était déjà trop tard, Hideyoshi s’était approprié ou avait distribué l’essentiel des possessions des Oda et le camp de leurs vassaux traditionnels était déjà dispersé, il dut faire appel à Tokugawa Ieyasu de Mikawa mais ce dernier n’utilisa Nobukatsu que comme prétexte et fit la paix dès que son intérêt y trouva son compte. L’usurpation du pouvoir des Oda se fit ainsi progressivement et (presque) sans douleur.

Sanbôshi, devenu adulte sous le nom d’Oda Hidenobu, fut lui aussi ensuite marginalisé et oublié, il ne fut qu’un personnage secondaire des évènements suivants et mourut en 1605 sans héritier. Le clan Oda continua à exister à travers Nobukatsu mais ils étaient devenus des vassaux d’Hideyoshi. Il était temps pour lui d’organiser son règne. La cour impériale lui fournit le cadre officiel qui l’autorisa à gouverner à lui offrant promotions sur promotions jusqu’à ce qu’il soit nommé régent (kampaku) en juillet 1585. Il put dès lors prendre des édits ayant force de loi sur tout le pays : interdiction des guerres privées, revue du cadastre, chasse aux faux samurais etc. Il put aussi exiger l’hommage de la part des daimyôs encore indépendants et intervenir dans leurs affaires. L’empereur lui accorda un nouveau nom et l’intégra dans l’antique noblesse de cour sous le nom de Toyotomi Hideyoshi.
Le parcours d’Hideyoshi est hors normes même pour les conditions de l’anarchie du Sengoku Jidai. Au delà de ses compétences personnelles on peut distinguer plusieurs raisons à son succès : la faveur de Nobunaga et sa capacité à s’appuyer sur des vassaux : Takenaka Hanbei et Kuroda Yoshitaka furent ses stratèges attitrés, son propre frère Hidenaga resta l’administrateur de son nouveau régime. En fin de compte cependant, ses origines humbles expliquent en partie l’échec de sa dynastie. Manquant d’assise et de vassaux anciens, il compta surtout sur des hommes nouveaux aux fidélités variables, après sa mort la plupart se rangèrent dérrière Ieyasu ou tentèrent de se mettre à leur propre compte. Les histoires entourant son image de singe, bien tardives et parfois destinées à le critiquer, ont cependant fini par créer une image d’extravagance brillante qui reste associée à son règne et que l’on retrouve dans l’expression artistique de l’époque, faisant de Toyotomi Hideyoshi l’une des figures les plus populaires de l’histoire japonaise.