Qui sont les trois grands fantômes du folklore japonais?

Parmi la foule des fantômes, esprits, monstres et créatures du folklore japonais domine une série de 3 figures surnaturelles particulièrement importantes dans la culture japonaise. Trois figures qui sont toutes tirées de personnages historiques aux destins tragiques. Qui étaient-ils?

目次

Histoires de fantômes

Le folklore japonais est riche en monstre, fantômes et démons. Il ne s’agit pas seulement de leur nombre mais aussi la très grande variété de catégories de ces êtres surnaturels, chacun avec ses caractéristiques, ses mythes et ses superstitions. Cette variété se reflète dans un vocabulaire très détaillé mais on les connaît souvent sous le terme de yôkai, o-bake etc. Ces êtres surnaturels pouvaient avoir comme origine des créatures du folklore chinois importés avec la culture du continent ou bien être issus de divinités locales dont le rôle aurait dégénéré avec le temps.

Ils peuvent aussi trouver leur origine dans l’histoire réelle. C’est, par exemple, le cas des démons Oni. Ces êtres effrayants, brutaux et dévoreurs d’humains sont probablement la transposition de populations archaïques qui vivaient dans les montagnes. Les peuples des plaines, civilisés et soumis à la cour impériale craignaient ces sauvages des forêts au point d’en faire des démons coupables de tous les mots. Les montagnes et les régions périphériques, éloignées du contrôle de la cour, sont d’ailleurs le domaine privilégié du surnaturel et il revient à un moine pieux ou un guerrier courageux d’amener l’ordre en étendant les effets de la civilisation.

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Comment Kyôto a-t-elle été fondée? Kyôto signifie littéralement la "ville capitale", elle a été fondée pour pour être la résidence des empereurs du Japon depuis le VIIIe siècle et elle a tenu ce rôle pendant mille ans. La ville s'identifie à l'histoire du Japon de part son patrimoine intact mais aussi ses liens entremêlés avec la plupart des grands moments de cette histoire. Raconter l'histoire de la fondation de Kyôto, c'est raconter le temps de l'époque Heian lorsque les empereurs et la cour gouvernaient le pays.

Cette origine historique se retrouve aussi dans le cas de nos 3 fantômes. Dans leur cas nous avons affaire à des onryô, des esprits vengeurs de défunts qui ont été injustement accusés et maltraités de leur vivant. La peur de la vengeance des défunts était présente dès l’aube de l’histoire japonaise et les chroniques japonaises ne manquent pas d’histoire de malédictions, c’est même le type d’histoire surnaturelle le plus courant des récits japonais. Pour cette raison la cour impériale comptait des spécialistes des rites dédiés aux exorcismes et à l’apaisement des défunts, l’Onmyôji, illustré par son plus célèbre représentant, Abe no Seimei, spécialisé dans des rites d’apaisement.

Abe no seimei pratiquant des rituels de conjuration.

Nos trois exemples se distinguent parmi les onryô par leur importance et leur postérité. Dans les trois cas il s’agissait de personnages proches du pouvoir et victimes de luttes pour le contrôle de celui-ci. Il s’agit d’un lettré honnête, d’un preux guerrier et même d’un empereur du Japon : Sugawara no Michizane, Taira no Masakado et l’empereur Sutoku.  

Sugawara no Michizane : le fonctionnaire devenu dieu

La carrière exemplaire d’un homme de lettres

Sugawara no Michizane d’après un portrait postérieur imaginaire.

Michizane est l’un des lettrés les plus réputés de l’histoire du Japon. Il était issu de la noblesse de cour dans une famille qui avait fourni d’autres grands lettrés mais avait donné peu de grands personnages. C’est que les hautes charges étaient accaparées par quelques grandes familles au premier rang desquelles les Fujiwara. Ces derniers contrôlaient de fait la cour en tant que régents et distribuaient les charges à leurs clients. Dans la tradition des Sugawara il était destiné à mener une carrière de fonctionnaire à la cour d’Heian et d’enseignant des classiques chinois mais sans s’élever dans la hiérarchie.

En 888 cependant, les Fujiwara étaient en difficulté. Fujiwara no Mototsune avait été contraint de faire abdiquer l’empereur fou Yôzei et avait fait monter sur le trône un cousin de la famille impériale, l’empereur Kôkô, bientôt suivi de son fils, l’empereur Uda. Uda n’était lié en rien aux Fujiwara, ni par le sang, ni par les obligations et il tenta de se débarrasser de leur influence en nommant des hommes nouveaux indépendants des Fujiwara.

Michizane s’était fait remarquer en publiant une critique de Motostune quelques années auparavant et il devint un des principaux ministres de l’empereur. Uda voyait en lui un homme honnête, parfaitement éduqué et formé et, surtout, totalement dépendant de la faveur impériale.

Parmi ses missions Michizane fut nommé ambassadeur auprès de la cour chinoise en 890 mais prit la décision extraordinaire de mettre fin aux relations diplomatiques avec la dynastie Tang. C’est par sa décision que le Japon commença à s’éloigner du modèle chinois pour adapter sa propre voie. En 899, il perdit son protecteur avec l’abdication de l’empereur Uda et sa position s’en trouva fragilisée.

Les Fujiwara revinrent alors en force, ils obtinrent que le nouveau prince héritier soit lié à leur clan, rétablissant leur position prééminente. Michizane s’y opposa évidemment en soutenant un autre candidat, ce qui mena à sa disgrâce. Il fut nommé à un poste secondaire dans l’île de Kyûshû, un véritable exil alors que pour les lettrés de cette époque seule Kyôto était véritablement civilisée. La tradition veut qu’il soit décédé le 26 mars 903 durant cet exil mais en réalité rien ne vient le confirmer.

L’esprit de Michizane (pieds nus, cheveux non coiffés) invoque la foudre pour se venger. Estampe du XIXe siècle.

Une fureur déclenchant les tempêtes

C’est après sa mort que le surnaturel vint se mêler à sa postérité. Sécheresses et épidémies suivies d’inondations frappèrent la région de Kyôto tandis que plusieurs fils de l’empereur Daigo moururent en un temps très bref. La salle d’audience du palais, le Shishiden, brûla après avoir été touchée par la foudre à plusieurs reprises. La scène est souvent représentée par Michizane invoquant les vents ou le dieu de la foudre lui-même, Raijin, attaquant le palais, renversant les courtisans en duite.

Rouleau Kitano Tenjin Engi Emaki représente le dieu de la foudre frappant de terreur le palais impérial, XIIIe siècle.

Dans l’univers hautement superstitieux de la cour d’Heian cela ne pouvait signifier qu’une chose : le ministre défunt était devenu un esprit vengeur qu’il fallait apaiser. Deux temples Kitano Tenmangu furent construits au Nord de Kyôto et à Dazaifu pour apaiser l’esprit courroucé qui fut rétabli dans ses titres de cour et privilèges à titre posthume. Il fut ensuite progressivement divinisé sous le nom de Tenjin. Le nouveau dieu était un dieu céleste, maître des cieux et de la foudre mais aussi capable de déchaîner les épidémies. Tenjin est cependant aujourd’hui plus une divinité shintô des lettrés que les étudiants peuvent vénérer dans l’espoir de réussir leurs études.

Les sanctuaires Tenmangu sont très nombreux au Japon et le plus célèbre est sans doute celui de Dazaifu, considéré comme le lieu de décès de Michizane, très connu pour ses nombreux pruniers en fleur.

Les sanctuaires shintô sont souvent regroupés en catégories : les sanctuaires Inari dédiés à la richesse, les sanctuaires Sengen liés au mont Fuji. Parmi ces sanctuaires les Kitano Tenmangu dédiés à Tenjin font partie des plus courants, on en trouve dans toutes les villes et villages japonais.

Le sanctuaire Kitano Tenmangu de Dazaifu est le principal lieu de culte local et le principal Kitano Tenmangu avec celui de Kyôto. Source : Japan Guide

Taira no Masakado : l’âme du guerrier

A l’aube de l’âge des guerriers

Triptique représentant Taira no Masakado. Il n’y a pas de portrait d’époque de Masakado mais il resta un sujet d’estampes très populaire à l’époque Edo.

En 940, une génération après Michizane, le Japon était encore loin d’être entré dans l’âge des samurais. Ces derniers existaient déjà mais ils n’étaient encore que des groupes de guerriers chargés de contrôler les régions colonisées du Kantô et du Nord du Japon. Parmi ces groupes de guerriers se trouvaient les Taira qui descendaient de l’empereur Kanmu mais étaient tombés dans la petite noblesse et s’étaient installés comme petits fonctionnaires dans les provinces de l’Est.

A l’époque de Masakado les Taira s’étaient déjà divisés en plusieurs branches. Ses membres étaient des propriétaires terriens qui réunissaient autour d’eux leurs clients armés au sein d’un bushidan (groupe de guerriers). Taira no Masakado donc un descendant à la 5e génération de Kanmu et s’était implanté dans la province d’Hitachi. Il semble s’être très mal entendu avec ses cousins et oncles.

Les raisons de sa révolte se trouvent dans un conflit local qui l’opposait avec ses oncles. Les détails sont obscurs mais il en résultat un cycle de vendettas violentes. Pour aggraver les choses les ennemis de Masakado semblent s’être acoquinés avec des nobles de la cour de Kyôto pour bloquer les protestations et les procès intentés par Masakado. Etouffé par ses adversaires et sans espoir d’obtenir justice il décida de prendre les armes contre eux.

En 935 débuta une guerre faites de coup de mains, de razzias et d’embuscades. Les oncles de Masakado, Kunika et Yoshikane furent ainsi éliminés mais leurs fils et neveux prirent la relève. Masakado échappait alors à tout coontrôle. Le gouverneur local dut intervenir et Masakado fut rendu responsable des violences.

En 939, Masakado décida de poursuivre sa fuite en avant. Il attaqua le siège du gouverneur et leva une armée. En quelques semaines il prit le contrôle de plusieurs des provinces de Kozuke et Shimotsuke. C’est à ce moment que cette large révolte provoqua la panique à Kyôto. Les récits de l’époque prétendent que Masakado se serait proclamé Shinnô (nouvel empereur), aurait nommé ses propres fonctionnaires et fondé sa propre capitale. Il aurait ainsi rendu indépendant le Kantô.

Il s’agit peut-être d’exagérations ou de rumeurs provenant de Kyôto car rien ne vient confirmer l’idée d’une sécession. Cela fut suffisant pour faire réagir la cour impériale car dans le même temps une autre révolte dans la Mer Intérieure menaçait l’approvisionnement de Kyôto et des séismes semblaient montrer une colère divine.

En 940, Fujiwara no Hidesato fut envoyé pour vaincre le rebelle et lever les groupes locaux de guerriers Taira et Minamoto opposés à Masakado. En infériorité numérique, Masakado fut vaincu et tué. Sa tête fut expédiée à Kyôto pour y être exposée.

Le protecteur de Tôkyô

La tête baladeuse de Taira no Masakdo à l’époque Edo est un sujet courant de récits, de légendes urbaines et se retrouve dans les livres rouges publiés en masse à l’époque pour le divertissement des habitants d’Edo.

C’est là que le merveilleux intervient. Masakado fut quasiment divinisé après sa mort, sa tête aurait volé de Kyôto jusqu’à un petit village, Shibasaki, où elle fut enterrée et devint un lieu de pèlerinage, plus tard c’est là que la ville d’Edo, Tôkyô, fut construite. Masakado entra alors dans la légende, à la fois craint comme un fantôme malfaisant et révéré comme une divinité par les samurais. On peut supposer que les habitants du Bando (l’ancien Kantô) voyaient Masakado d’un œil favorable, se révoltant contre une cour lointaine et rapace. On sait qu’en 1309 l’esprit de Masakado fut installé dans le sanctuaire Kanda Myôjin où il fit l’objet d’un culte.

Le Kanda Myôjin est encore aujourd’hui l’un des principaux sanctuaires shintô de Tôkyô, un des plus riches aussi. Source : Japan Guide

Lorsque les Tokugawa fondèrent Edo et en firent leur capitale, ils eurent soin de protéger le Kanda Myôjin qui devint le principal sanctuaire shintô de la nouvelle ville. eurent toujours soin de respecter sa tombe. Tokugawa Iemitsu prit même la peine de forcer la cour impériale à réhabiliter Masakado en lui retirant l’accusation d’ennemi de la cour. Cette protection restait empreinte de crainte, chaque tremblement de terre ou catastrophe lui était naturellement attribué.

La population d’Edo, volontiers portée au merveilleux et aux ragots ne manqua jamais de rapporter les apparitions de la tête volante de Masakado, terrorisant la ville. A la même époque se développèrent aussi les légende autour de Takiyasha-Hime, une fille de Masakado devenue sorcière pour venger son père. Elle invoquait les démons et les squelettes des guerriers de son père mais fut finalement vaincue par un courageux guerrier.

L’estampe fait partie des scènes les plus connues de l’ukiyo-e japonais. Takiyasha-Hime y invoque le squelette géant Gashadokuro contre son adversaire Mitsukuni. Par Utagawa Kuniyoshi, XIXe siècle.

L’époque Meiji traita avec mépris ces superstitions et la tombe tomba dans le délabrement jusqu’à être démolie pour utiliser le précieux terrain situé dans Marunouchi. Quelque temps plus tard, le séisme du Kantô de 1923 détruisit en grande partie Tôkyô et on veilla ensuite à restaurer la tombe de Masakado.

Encore aujourd’hui, sa tombe, qui se trouve aujourd’hui en plein cœur du quartier d’affaires d’Ôtemachi près du palais impérial, fait encore l’objet d’attentions particulières. La banque voisine de sa tombe a même ouvert un compte à son nom pour y placer le fruit des offrandes… au cas où.

La tombe restaurée de Masakado occupe toujours un large espace entre les gratte-ciels à seulement quelques centaines de mètres du chateau d’Edo.

Sutoku : la malédiction de l’empereur-démon

Affaires de famille sur le trône du chrysanthème

On dirait un titre de roman d’aventure mais il correspond à un évènement historique majeur de l’histoire du Japon. Le 5 janvier 1143 l’empereur Sutoku abdiquait le trône et se lançait dans une lutte sans merci contre son propre père jusqu’à mourir en exil et devenir un démon.

L’empereur Sutoku

Pour comprendre ce qui s’est passé il faut revenir un peu en arrière. Dans le Japon de la fin de la période Heian s’était instauré un type de gouvernement très curieux, celui des empereurs retirés. Le rôle de l’empereur était tellement enfermé dans un carcan de cérémonies et de devoirs religieux que le seul moyen trouvé pour gouverner réellement était d’abdiquer le trôner et de diriger en tant que père de l’empereur. C’était le cas de l’ancien empereur Toba qui gérait les biens privés de la famille impériale tout en gouvernant de manière informelles en court-circuitant les fonctions officielles de la cour.

En 1123 Toba avait placé son fils Sutoku, âgé de 3 ans sur le trône. En 1141, Toba entra dans les ordres et Sutoku décida d’abdiquer en 1142 en pensant que le retrait des affaires de son père lui permettrait de prendre à son tour les rênes du gouvernement à 22 ans. Toba ne l’entendait pas de cette oreille, entre Toba et Sutoku cela faisait un chef de famille de trop. Dans les premiers temps la cohabitation sembla fonctionner mais la rivalité était attisée par des factions de cours. A cela s’ajoutait une antipathie de la part de Toba envers son fils. Les tensions éclatèrent en 1155 avec la mort à l’improviste de l’empereur en titre Konoe, le frère de Sutoku.

Se posa alors la question du choix du nouvel empereur. Toba voulait nommer son autre fils (le futur Go-Shirakawa) mais Sutoku objecta que le trône revenait à un de ses propres fils. Les haines éclatèrent et Toba alla jusqu’à accuser publiquement Sutoku d’être responsable de la mort de Konoe par le moyens de sortilèges et de conjurations démoniaques.

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Go-Shirakawa, le crépuscule de l’époque Heian. Le 26 avril 1192 s'éteignait l'empereur retiré Go-Shirakawa après une vie de luttes politiques et de complots. Son règne charnière vit le glissement de l'autorité publique de la cour impériale vers les samurais dans une période de guerres civiles qui furent naître le Musha no Yo, le temps des guerriers.

La question fut résolue par la violence. En 1156, les partisans de Sutoku se résolurent à attaquer le palais de Toba pour prendre le pouvoir. Le coup fut éventé et mena à une attaque préemptive contre Sutoku.

Durant la Révolte d’Hôgen, les samurais des clans Taira et Minamoto, eux-mêmes déchirés entre les factions, rivalisèrent en violence dans les rues de Kyôto. Les combats menèrent à l’incendie de la ville et à de nombreuses exécutions de membres de la cour. Cela faisait près de 4 siècles que le Japon n’avait pas connu de véritable guerre civile. Celle-ci dépassa les précédentes en brutalité (Minamoto no Yoshitomo n’hésita pas à décapiter son propre père Tameyoshi qui était dans le camp adverse). En fin de compte les partisans de Sutoku furent vaincus et l’empereur déchu fut capturé.

Scène sur rouleau dépeignant l’arrestation de l’ancien empereur Sutoku lors de la révolte d’Hôgen.

L’ancien empereur Sutoku ne pouvait pas être tué, le précédent aurait été dangereux, il fut seulement exilé dans la province de Sanuki, dans l’île de Shikoku, là où il ne trouverait aucun allié ni aucun moyen de nuire. Sutoku exilé se plongea dans l’étude du bouddhisme et la copie de textes sacrés, menant une vie de moine.

Toba, retiré du monde, travailla à réaliser des copies ouvragées de sutras qu’il offrit à la cour impériale où son frère, le nouvel empereur Go-Shirakawa s’empressa de les jeter en craignant qu’elles soient secrètement maudites. Ce rejet pesa lourd sur Sutoku dont la santé commença à décliner. Ses conditions d’exil étaient dures et privées de confort. Il décéda en 1164 et fut enterré dans un tumulus proche de son lieu d’exil sans cérémonies ni égards, les offrandes à son esprit furent négligées et la tombe fut rapidement abandonnée.

Le roi des tengus

Dans les années suivantes Go-Shirakawa et la cour impériale tombèrent de plus en plus sous la tyrannie du samurai Taira no Kiyomori et de son clan. La cour, autrefois toute puissante, fut réduite à mendier les miettes du pouvoir des guerriers et fut soumise aux purges et aux caprices de Kiyomori. Ce dernier imposa même son petit-fils Antoku comme empereur, déclenchant la guerre civile du Gempei qui vit la victoire des Minamoto et la création du premier shogunat, le régime des guerriers. Go-Shirakawa fut contraint de négocier avec les samurais pour sauver ce qu’il pouvait de son autorité. La guerre, la violence omniprésente et une impression de fin de monde mena à penser qu’il s’agissait de la juste vengeance de l’esprit de Sutoku contre son frère.

L’esprit de l’empereur Sutoku invoquant les tempêtes.

Les récits racontant des rencontres avec l’esprit furieux de Sutoku commencèrent à se propager. On finit même par l’identifier à un démon ailé Tengu et à en faire le roi des tengu, complotant de nuit le malheur du Japon.

La cour impériale prenait ces menaces surnaturelles très au sérieux, comme pour Michizane la solution adoptée fut la construction d’un temple et la divinisation. L’empereur Sutoku reçut enfin les honneurs d’offrandes dignes de son rang, son lieu d’exil devint l’emplacement d’un riche temple bouddhiste baptisé Tennôji (« temple de l’empereur) et sa tombe fut restaurée. A Kyôto on construisit le temple Yasui Konpiragu, près du quartier des geisha à Gion, sur l’emplacement de la villa préférée de Sutoku. Des cérémonies et des représentations théâtrales furent fondées en son honneur pour avoir lieu chaque année. En fait, tous les sanctuaires shintô konpiragu sont dédiés à l’empereur déchu divinisé. L’empereur ayant le pouvoir d’invoquer les tempêtes il fallait que les voyageurs se protègent de sa fureur en lui faisant des offrandes avant leur départ.

Le Yasui Konpira-gu de Kyôto se trouve non loin du quartier des geishas à Gion. Source : Japan Guide

La croyance populaire prenant le relais de la cour on vit se développer des superstitions liées à l’empereur-démon. Si vous allez au Yasui Konpiragu vous pouvez par exemple passer par une pierre trouée qui permet de couper une relation néfaste et mener à de nouvelles relations bénéfiques, cela fonctionne aussi pour stopper les maladies. On retrouve là l’idée de protéger Kyôto contre l’influence néfaste de son ancien souverain.

Le récit de la malédiction de Sutoku a été largement repris dans la littérature avec le Hôgen Monogatari ou dans les estampes jusqu’à la période Edo. Peu de Japonais se souviennent encore du fantôme furieux de l’empereur même lorsqu’ils viennent dans un sanctuaire Konpira pour lui faire des offrandes.

Michizane, Masakado, Sutoku. Tous trois ont contribué à forger l’histoire du Japon mais sous la forme d’esprits vengeurs qu’ils sont restés dans les mémoires japonaises. Ils témoignent des croyances de leur époque mais aussi de la manière qu’ont eu les Japonais de réinvestir leur histoire dans une vague fresque intégrée au folklore. Temples, festivals, estampes, romans modernes comme récits épiques anciens, les 3 grands fantômes japonais sont des références incontournables pour les Japonais.

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