Le Japon d’après-guerre 2/2 : les grandes étapes politiques (1955-2025)

D’un point de vue extérieur l’histoire du Japon après la fin de l’occupation américaine se résume à très peu de chose : le développement économique, l’émergence de la société de consommation et les mangas. L’ordre de 1955 a marqué une longue période de gouvernement du PLD et la politique japonaise ne semble pas avoir changé durant toute cette période. Le Japon a pourtant connu ses crises, parfois aussi intenses que mai 1968, et ses scandales mais nous manquons souvent de repères. Quelles furent les principales périodes de l’histoire contemporaine de la démission de Yoshida Shigeru jusqu’à la nomination de Takaichi Sanae?

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目次

1955-1960 : L’apogée des luttes politiques

Le nouvel ordre politique mis en place en 1955 peut se résumer à un bipartisme inégal. Le parti dominant, le PLD (Jimintô) représentait l’ensemble de la droite et disposa durablement de la majorité aux deux chambres. L’opposition, alors représentée par les socialistes (Shakaitô), était largement moins représentée mais suffisamment forte pour empêcher le PLD d’avoir une majorité absolue et bénéficiant d’une base qu’ils pouvaient mobiliser. Ils pouvaient aussi obtenir le soutien de circonstance du parti communiste japonais. Le PLD poussait à la restauration d’un ordre politique et social similaire à celui d’avant la guerre fondé sur le consensus (inspiré de l’idée d’harmonie issue du confucianisme), sous protection américaine. Cette direction politiquée était qualifiée de gyaku kôsu (« retour en arrière ») et rencontrait l’opposition qui soutenait les mouvements sociaux, s’opposait au traité de sécurité avec les Etats-Unis et voulait protéger la constitution pacifiste.

La couverture du Time de janvier 1960 consacre Kishi Nobusuke en père de la renaissanc du Japon, on oublie alors son rôle durant la guerre : il était ministre du gouvernement en 1941 et fit partie de ceux qui étaint au courant des plans d’attaque sur Pearl Harbor. Il mena aussi l’exploitation des populations en Mandchourie pour laquelle il a été surnommé le « monstre de Shôwa ».

Hatoyama Ichirô, qui succéda à Yoshida Shigeru, resta premier ministre de 1955 à 1956 avant que la maladie ne le pousse à laisser la place à Ishibashi Tanzan qui démissiona à son tour pour les mêmes raisons en 1957, ouvrant la voie à Kishi Nobusuke. Les trois hommes avaient été purgés dans l’immédiat aprés-guerre et Kishi Nobusuke avait fait partie des accusés de crimes de guerre sans pour autant être jugé (son nom ayant été retiré par le GHQ qui souhaitait utiliser ses compétences d’administrateur). Ils représentaient tous les trois la même tendance conservatrice et nationaliste du PLD. L’ordre de 1955 leur donnait une large marge de manoeuvre mais pas une entière liberté pour réécrire la constitution selon leurs souhaits.

Leur principale oeuvre fut la réintégration du Japon sur la scène internationale. A la suite du traité de San Francisco ces trois gouvernements menèrent la normalisation des relations avec les pays d’Asie non communistes. Même si le Japon se rangeait du côté du bloc occidental anti-communiste, il participa ainsi à la réunion des pays non-alignés de Bandoeng, le niveau de son économie le plaçant alors encore parmi les pays du Tiers-monde. Le but était de restaurer l’influence japonaise à l’étranger et revenir en Asie, vue comme un débouché et une source de matières premières. Le Japon fut enfin admis à l’ONU en 1956 et joignit aussi le FMI, la banque mondiale et le GATT (ancêtre de l’OMC), l’adhésion aux autres institutions internationales suivit.

La fédération étudiante Zengakuren s’était fait une spécialité de l’affrontement contre les forces de police. Armés de baton et de bambous, il recréèrent pratiquement la phalange macédonienne. Ils entrèrent en déclin à la fin des années 1960 du fait des schismes internes, certains de ses éléments les plus radicaux rejoignirent le groupe terroriste « Armée Rouge » tandis que les plus modérés firent de la politique.

Même en conservant la majorité dans les différentes élections, le PLD faisait alors face à un Parti Socialiste à son apogée dopé par les luttes entourant le renouvellement du traité de sécurité avec les Etats-Unis prévu en 1960. Le traité renouvelé stipulait que les Etats-Unis devaient intervenir pour défendre le Japon mais pas le contraire, il indiquait aussi que les troupes au Japon étaient là aussi pour la sécurité du reste de l’Extrême-Orient (ce qui permit ensuite les bombardements sur le Vietnam au départ d’Okinawa). C’est sur ce dossier sensible que l’intransigeance et l’extrémisme de Kishi Nobusuke poussa alors le Japon au bord du chaos.

Le renouvellement du traité rencontrait l’opposition des socialistes qui s’organisèrent avec leurs alliés au sein d’une association réunissant plusieurs sensibilités politiques (Anpô Jôyaku Kaitei Soshi Kokumin Kaigi) ainsi que le syndicat étudiant d’inspiration communiste Zengakuren. Le Zengakuren (Zen Nihon Gakusei Jichikai Sô Rengô, Fédération des Associations Etudiantes Autonomes de Tout le Japon), fleurtant avec l’extrêmisme, représenta durant les années 1960 une force capable de s’organiser, de se mobiliser et éventuellement de s’opposer violemment à la police. En novembre 1959, des manifestants pénétrèrent dans la Diète japonaise dont les accès avaint pourtant été barricadés et ils tentèrent aussi d’empêcher Kishi de se rendre à Washington en se couchant sur la piste de l’aéroport d’Haneda. Cela n’empêcha pas le premier ministre de partir signer le traité en janvier 1960 à Washington, il lui restait cependant à le faire ratifier par la Diète.

Les manifestations de mai-juin 1960 restent encore aujourd’hui les plus importants rassemblements de l’histoire japonaise avec un record de +5 000 000 de personnes (sur tout le Japon) le 4 juin 1960. Le Kokkaigijidô et le parc d’Hibiya voisin (aux portes du palais impérial) étaient alors les lieux de rassemblement privilégiés.

Malgré les manifestations Kishi était sûr de sa capacité à faire passer le traité à la Diète et il se fixa une date limite en invitant le président Eisenhower à visiter le Japon en juin 1960. Il avait sous-estimé l’opposition, le parti socialiste parvint à faire trainer la ratification en longueur, ralliant même des membres du propre parti de Kishi, dans le même temps les manifestations ne firent que grandir, atteignant plus de 330 000 personnes autour de la Diète. Lorsqu’il tenta finalement de forcer le vote, les députés socialistes organisèrent un sit-in dans la Diète pour protester. Kishi Nobusuke restait un homme des années 1940, avec les mêmes vieux réflexes, le 19 mai il fit entrer 500 policiers dans la Diète pour expulser ses opposants par la force et faire passer le traité avec ses alliés uniquement.

Le coup de force provoqua un outrage national, les manifestations furent démultipliées, incluant désormais ce qui était avant cela la majorité silencieuse, choquée à l’idée de retomber dans l’autoritarisme. La manifestation générale fut lancée dès le 4 juin réunissant un record de 5 600 000 personnes. Les journaux commencèrent à réclamer la démission du premier ministre. A cela vint s’ajouter le 10 juin l’incident Hagerty. James Hagerty, membre du cabinet d’Eisenhower, arriva à Tôkyô mais resta bloqué à Haneda par une foule de manifestants. Il eu la mauvaise idée d’ordonner de forcer le passage dans la foule. La voiture officielle fut bloquée et bousculée pendant plus d’une heure par les manifestants avant qu’un hélicoptère des marines vienne sortir les officiels de là.

Ce ne sont pas des policiers qui repoussent les manifestants (étudiants mais aussi simples employés) mais des nervis, membres de familles de yakuzas, principalement celle dirigée par Kodama Yôshiô, dont le but était de casser les cortèges et de provoquer des violences permettant à la police d’intervenir.

Le 15 juin, des étudiants du Zengakuren envahirent de nouveau la Diète et affrontèrent la police, qui tira à balles réelles. Cette fois-ci les violences provoquèrent la mort d’une étudiante, Kanda Michiko, menant à la plus vaste manifestation publique de l’histoire du Japon et des deuils publics. Dans la Corée du Sud voisine, le président Yi Seungman avait à peine été renversé en avril et Kishi commença à craindre la révolution. Le premier ministre était déjà une cause perdue, son propre parti vota le jour même pour lui demander de démissionner. Kishi envisagea alors le pire, mobiliser les Forces d’Autodéfense pour nettoyer les rues avec l’aide de ses contacts auprès des yakuzas (le chef mafieux Kodama Yoshiô, un nationaliste convaincu). Il fallut le menacer pour l’empêcher de recourir à cette solution.

Le Kokkaigijidô assiégé par les manifestants. Les grilles de la Diète étaient alors barricadées avec des camions soutenant les barrières.

A bout de ressources, le 16 juin, Kishi Nobusuke annonça l’annulation de la visite d’Eisenhower et sa promesse de démissionner après un mois. Le soulagement de cet abandon dans l’opinion fit suffisamment baisser la pression pour permettre au PLD de faire voter le traité le 19 juin et la restauration du ministère de l’intérieur. Kishi Nobusuke démissiona le 15 juillet 1960 de manière forcée mais en ayant atteint ses objectifs, il continua à exercer une influence sur le parti à travers sa propre faction. Sa démission représenta cependant un tournant, l’heure était à l’accalmie.

1960-1972 : L’ère de la stabilité et du miracle économique

L’arrivée d’Ikeda Hayato au poste de premier ministre n’aurait dû être que transitoire, le PLD tentait de faire profil bas après les excès autoritaires de Kishi Nobusuke. La situation restait explosive avec la grève musclée des mines de Miike, les manifestations des étudiants du Zengakuren et l’assassinat du dirigeant socialiste Asanuma Inejirô lors d’un meeting. Issu d’une faction de fonctionnaires, Ikeda décida de laisser de côté les questions purement politiques pour se concentrer sur l’économie avec un objectif choc qui rallia les suffrages : doubler le niveau de vie en dix ans.

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C’est le début du miracle économique japonais fondé sur une économie tournée vers l’extérieur et les exportations. Les anciens conglomérats comme Mitsubishi purent réintégrer leurs filiales séparées pour former des firmes capables de rivaliser à l’international tandis que le ministère de l’économie favorisait les investissements. Les intérêts convergents de la classe politique et patronale favorisait les grands projets d’aménagements mais aussi la définition d’une nouvelle idéologie du travail. L’entreprise est définie alors comme le coeur de la vie sociale, un groupe uni par l’intérêt de l’entreprise mettant le patron et ses salariés dans le même camp. C’est une idéologie confucéenne à l’usage des salarymen qui n’hésite à puiser dans les idées d’avant-guerre et même plus avant, comparant l’entreprise avec les anciens clans féodaux. Cette idéologie fut volontiers portée par les intellectuels de droite liés au PLD.

Les années 1960 au Japon voient le passage à la société de consommation et à de nouveaux comportements. Dans cette photographie la télévision est le symbole des nouveaux équipements modernes, produits au Japon, mais le repas familial prit en commun autour d’une table est aussi l’un de ces nouveaux comportements. La maison commence à se définir à l’occidentale avec des pièces spécialisées, le séjour étant le plus souvent une pièce japonaise avec tatamis.

Le résultat fut la croissance exponentielle du niveau de vie et surtout de la consommation des ménages. Les Japonais s’équipent alors en produits de consommation de masse produits localement : télévision, frigo, machine à laver etc. C’est à la même période que la faim devient enfin un problème résiduel dans la population et le sentiment d’être sorti de l’après-guerre devient dominant .Symbôle de cette nouvelle ère de confiance fut la mise en service en 1964 de la première ligne à grande vitesse shinkansen et les Jeux Olympiques de Tôkyô la même année.

L’année 1964, celles des Jeux Olympiques et de la mise en service du shinkansen, est un point de repère pour les Japonais marquant le début de la prospérité économique et le retour du Japon dans le concert des nations. Les Jeux Olympiques avaient été prévus pour l’année 1940 mais finalement annulés, les Jeux de 1964 marquaient donc un retour à la normale. Ce fut aussi l’un des premiers évènements suivis par une grande partie de la population à la télévision.

Sur le plan politique le PLD continue de dominer alors que la hausse du niveau de vie et l’accalmie des questions sociales entraîne le début du déclin chez les socialistes qui s’en renvoient la responsabilité. La fédération étudiante Zengakuren se divise alors en groupuscules rivaux qui s’affrontent parfois violemment. Nouveau venu sur la scène politique, le Kômeitô (Parti du Gouvernement Eclairé) émerge en 1964. Le parti pourrait être situé au centre de l’échiquier, il était l’expression de la secte bouddhiste Soka Gakkai (Nichirénisme) dont il ne se détacha qu’en 1970. Le parti se présenta comme le pendant japonais des démocrates-chrétiens européens (démocrates-bouddhistes?). Son développement porta plus tort à la gauche qu’au PLD. Après la démission d’Ikeda Hayato, Satô Eisaku s’imposa facilement. Bien qu’étant le frère de Kishi Nobusuke il poursuivit sur la voie engagée par son prédécesseur.

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Sur le plan international le Japon poursuit son intégration dans les institutions internationales par son entrée dans l’OCDE en 1964. Son principal aobjectif reste cependant sa diplomatie en Asie non-communiste. L’anti-communisme du PLD servait d’assurance de soutien de la part des Etats-Unis et contribua à la signature du traité de paix en 1965 avec la Corée-du-Sud. Le dirigeant coréen, Park Cheung-Hee était lui-même un ancien officier de l’armée impériale et son positionnement politique le rapprochait du PLD. Le Japon ne paya pas de réparations mais versa un don gratuit de 300 millions de dollars et accorda un prêt de 500 millions de dollars, en outre le premier ministre exprima ses regrets et ses remords (mais pas d’excuses formelles) pour la colonisation et le traité d’annexion de 1910 fut déclaré nul. En 1967, le Japon demanda formellement le retour des territoires encore sous occupation américaine et l’obtint. Le retour des îles Ogasawara se fit en 1968 et en 1972 pour Okinawa. Cet accord intervint alors que la guerre du Vietnam tirait déjà sur sa fin, rendant l’usage des bases à Okinawa moins urgent.

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Dès 1968, le Japon devint la 2e puissance économique mondiale entraînant les premières dissenssions avec les Etats-Unis. La balance commerciale entre les deux pays était très déséquilibrée en faveur du Japon qui pouvait exporter ses produits plus facilement alors que les investissements étrangers étaient freinés ainsi que les importations. Les Etats-Unis ayant souhaité dans un premier temps favoriser le développement d’une industrie japonaise en laissant le Japon se protéger contre les importations. C’est le début d’un serpent de mer entre les deux pays qui connut des aménagements mais ne fut jamais réellement réglé et s’intensifia même jusque dans les années 1980-1990. On le retrouve pratiquement inchangé dans les récriminations de Donald Trump sur l’injustice de ces échanges et l’imposition de droits de douanes qui se veulent correcteurs.

Le Japon connaît à partir du début des années 1970 un renouveau des mouvements sociaux mais ceux-ci touchent désormais plus la défense des consommateurs et des habitants touchés par les excès de l’industrie, l’exemple le plus connu étant la défense des habitants de Minamata après l’empoisonnement de leur baie par des rejets au mercure. Le mouvement étudiant était resté vivace durant toutes les années 1960 avec par exemple l’occupation de l’université de Tôdai en 1968 mais commençait à perdre son souffle à mesure que les étudiants nés du baby-boom entrèrent dans la vie active. Les plus engagés, anciens des factions les plus radicales du Zengakuren, se réunirent au sein de l’Armée Rouge (Sekigun) qui se tourna vers le terrorisme (Asama Sansô Jiken de 1971).Le succès de l’exposition Universelle d’Osaka en 1970 illustra cependant encore le succès du modèle japonais.

L’incident du chalet Asama marque un tournant pour l’extrême gauche japonaise. Le siège d’une dizaine de jours de 5 militants retranchés à causé la mort de 3 personnes (excluant les assiégés, tous arrêtés vivants). On passe des grandes luttes de masse des années 1960 à des groupuscules beaucoup plus radicaux qui commirent des attentats en dehors du Japon.

Ce modèle fut cependant touché de plein fouet par les « Nixon Shocks » de 1972. D’une part le président américain reconnut la Chine populaire, obligeant Tôkyô à repenser en urgence sa politique extérieure pour s’aligner en exarcerbant les divisions au sein du PLD avec ses éléments les plus anti-communistes. L’autre choc fut l’abandon de la convertibilité du dollar avec l’or et l’instauration d’une taxe de 10% sur toutes les importations. Le choc fut cette fois-ci pour les entreprises japonaises et entraîna le début d’une inflation dans l’archipel. Le gouvernement Satô, erodé par sa durée, préféra démissionner. C’était la fin de la période faste du miracle économique japonais et de l’âge d’or du PLD.

1972-1993 : Luttes de faction et scandales

Avec le départ de Satô Eisaku débuta une période de gouvernements plus courts après la stabilité des années 1960 (5 premiers ministres en 17 ans). Comment l’expliquer?

  • Les règles de fonctionnement du PLD : son règlement imposait des élections de président de parti tous les deux ans, un président pouvant être réélu une seule fois (un maximum de 4 ans). Cela favorisa les luttes de faction pour la succession à la tête du parti, envenimées par les luttes de personnalités et l’absence de leadership fort.
  • Le contexte économique des crises pétrolières puis des différentes crises, le déclin des électeurs traditionnels du PLD (ruraux notamment) dégradèrent les résultats électoraux du parti, favorisant la naissance des petits partis grignotant les siège et les partis d’oppositions. La marge du PLD était plus difficile à assurer.
  • Les scandales à répétition : l’histoire politique du Japon depuis les 1972 et marqué de scandales de corruption tellement répétitifs qu’ils en deviennent ennuyeux. Ils sont causés par le système politique même qui porte les policitiens à collaborer étrroitement avec les milieux d’affaire et la haute fonction publique. Cette corruption touchaient tous les partis et pas seulement le PLD. Chaque scandale menait à un renversement de gouvernement ou à la décapitation de telle faction ou tel parti, accentuant l’instabilité des luttes de faction.

Dans les années 1970 ,il s’agit d’une longue lutte entre la faction de Tanaka Kakuei (l’aile simplement conservatrice) et celle de Fukuda Takeo (l’aile plus nationaliste). Tanaka fut nommé premier ministre en 1972, il était populaire, issu de la classe moyenne et faisait figure d’un « jeune » (52 ans) self made man. Ses résultats furent notables : efforts d’infrastructures (sur le réseau shinkansen), reconnaissance de la Chine populaire (avec de « profonds regrets exprimés mais pas d’excuses pour la guerre). Autre conséquence des décisions de Nixon, le gouvernement tenta un début de rééquilibrage commercial avec les Etats-Unis avec des investissements aux Etats-Unis mais l’inflation née des chocs pétroliers et des dépenses d’infrastructures le firent tomber dans les sondages et démissioner en 1974. Le pays faisait néanmoins son entrée dans le G7 et la confiance dans le modèle du miracle économique restait intacte. L’époque n’était plus aux grandes manifestations, une décennie de prospérité économique due au PLD, l’absence de grande cause unificatrice comme au début des années 1960 et l’assagissement de la génération baby-boom (passée les turbulences de l’adolescence) contribuaient à une opinion moins revendicatrice.

Son successeur, Miki Takeo était le fruit d’un compromis entre les factions mais le scandale Lockheed secoua le Parti. Ce scandale de corruption mena à l’arrestation de plusieurs personnalités politiques dont l’ancien premier ministre Tanaka. Ce dernier fut libéré au bout de deux jours mais le manque d’empressement à le défendre sonna comme une déclaration de guerre entre factions. Les tentatives de réformer et lutter contre la corruption ne résolurent rien et le parti en paya le prix aux élections de 1976, Miki dut démissioner au profit de Fukuda Takeo, le rival de Tanaka et son opposé (il avait commencé sa carrière politique en 1937). Le message d’adieu de Miki fut un avertissement contre la corruption et l’accaparemment du pouvoir par une élite politique devenue trop âgée (une pointe à son successeur).

Le parti tenta de se réformer, en instaurant des primaires à l’élection du président du parti et en augmentant notamment ses membres jusqu’à 1 500 000 adhérents mais il s’agissait surtout de membres des comités de soutien et d’employés d’entreprises liées au parti. Les règles de financement des campagnes, maintes fois révisées ne furent jamais réellement rendues transparentes. Fukuda Takeo chuta à son tour à cause de la guerre de faction toujours en cours bien qu’il remporta quelques succès : baisse de l’inflation et traité de paix avec la Chine en 1978. Pour limiter les effets des chocs pétroliers le Japon se lança pour la première dans une diplomatie active en direction des pays du Moyen-Orient, une première pour le Japon. Cette diplomatie explique que sur la question israélo-palestinienne, le Japon se positionna dans un premier temps en faveur des droits des Palestiniens, autorisant même l’ouverture d’un bureau de l’OLP à Tôkyô en 1981. La démission de Fukuda mena à la désignation d’Ôhira Masayoshi en 1978 (soutenu par Tanaka) mais il dut dissoudre l’assemblée du fait d’une cabale des factions rivales de Miki et Fukuda et mourut pendant la campagne. Son successeur, Senkô Suzuki resta en poste jusqu’en 1982.

Le traité de paix et d’amitié entre la Chine et le Japon de 1978 est le résultat de la déclaration commune de 1972 (sous Tanaka) et de négociations entamées en 1974 (sous Miki) pour être finalement signé par Fukuda Takeo. Le traité est directement le résultat de la reconnaissance de Beijing par Nixon.

Dans le même temps on voit un retour de la pensée nationaliste au Japon. La farce du coup d’Etat manqué de Mishima en 1970 n’était qu’un incident extrême mais on commença à voir reparaître des organisations d’extrême droite liées au PLD, il ne s’agit pas de mouvements populaires mais plutôt de groupes d’influence menant un combat de reconquête « par le haut » avec des combats symboliques comme la restauration du drapeau japonais (Hi no maru) et de l’hymne national (Kimi ga yo) autrefois bannis par l’occupant et jamais véritablement restaurés. Les penseurs d’extrême-droite prisés dans les cercles du PLD tentaient de recycler l’idée de l’exceptionnalisme japonais pour expliquer son miracle économique (comme cela avait été le cas au début du siècle pour expliquer la modernisation de l’époque Meiji).

Le sanctuaire de Yasukuni a été fondé dès 1868 par l’empereur Meiji pour honorer les morts pour le Japon. Sa fonction en fait un lieu équivalent à la tombe du soldat inconnu en France mais l’intégration des kamis des criminels de guerre a rendu le lieu hautement politique. Le sanctuaire est géré par une association religieuse privée, séparée même de l’association des sanctuaire shintô, qui lui donne une large autonomie (protégée par la liberté de culte) sur ses choix. Le sanctuaire a fondé le musée de l’armée (Yûshukan) sur le terrain même du sanctuaire. Il s’agit presque du seul musée du genre au Japon et son contenu est contrôlé par le sanctuaire même, il n’est en rien neutre ou pédagogique.

Un prêtre du sanctuaire de Yasukuni (accueillant les kamis des hommes pour la patrie) jugea aussi opportun en 1979 d’installer dans le sanctuaire les kamis de 14 criminels de guerre jugés par le tribunal de Tôkyô (Les « martyrs » de Shôwa, Shôwa Junnansha), engendrant les protestations de la Chine et de la Corée. L’incident mena l’empereur à cesser totalement ses visites au sanctuaire, aucun empereur n’y est retourné depuis, mais les premiers ministres successifs en firent dès lors une visite obligée « à titre privé » plus ou moins fréquente. Les premiers ministres des années 60 s’y étaient rendus aussi de manière moins fréquente et moins chargée symboliquement. Un monument aux morts de la 2e Guerre Mondiale existant à Chidorigafuchi (à proximité immédiate de Yasukuni), les visites à Yasukuni reflètent sans équivoque un choix, celui de remettre en question les condamnations du tribunal de Tôkyô et de réhabiliter des criminels de guerre.

En 1982, l’élection de Nakasone Yasuhiro apporta un répit au Japon. Nakasone se fit le héraut des politiques reaganiennes au Japon : néolibéralisme, opposition avec l’URSS et réarmement. Il entendait solder les comptes de l’après-guerre pour que le Japon devienne une puissance mondiale partenaire des Etats-Unis. C’est l’époque des grands investissements japonais à l’étranger lorsque le made in Japan devint une marque de qualité internationale. Il en découla une vague d’opposition au Japon qui semblait prêt à acheter le monde, en particulier aux Etats-Unis, si vous regardez les films américains des années 1980 les firmes japonaises apparaissent omniprésentes et associées à l’idée de puissance, reflétant dans l’imaginaire une place aujourd’hui occupée par la Chine. Le Japon semblait prêt à acheter le monde. Nakasone poussa aux privatisations dans les communications (NTT) et le rail (Japan Rail scindé en plusieurs entreprises privées). Le Japon se qualifiait alors volontiers de superpuissance économique (keizai taikoku).

Nakasone reste connu pour ses relations plus que cordiales avec Ronald Reagan, on parle d’amitié Ron-Yasu, qui mena à un alignement complet sur les vues américaines. De manière globale Nakasone est à placer avec les dirigeants conservateurs et libéraux des années 1980 comme Reagan et Thatcher.

Malgré les dégâts sociaux engendrés par les privatisations, le PLD s’en trouva renforcé. La maladie de Tanaka Kakuei le poussa enfin à se retirer de la vie politique, permettant à Nakasone d’unifier le parti et de pousser au renouvellement des élites du PLD. Ce fut un renouvellement relatif, on reste sur des générations nées avant guerre mais ce sont les héritiers (politiques ou familiaux) qui débutent alors leurs carrières tel Shinzô Abe. Nakasone resta globalement populaire dans l’opinion malgré ses privatisations et la création de nouvelles taxes, sa politique nationaliste n’engendra cependant pas l’adhésion populaire. Réélu deux fois à la tête du parti il put se maintenir au pouvoir jusqu’en 1987 mais les règles du parti l’empêchèrent de continuer à gouverner. Son sucesseur Takeshita Noboru aurait dû être capable de poursuivre cette domination sur le PLD mais le déclenchement du scandale Recruit en décida autrement. Ce nouveau scandale de corruption se démarque par ses dimensions, touchant tous les chefs de factions du PLD mais aussi les dirigeants de la plupart des partis politiques et des milieux d’affaire. Takehista fut contraint à la démission peu avant le décès de l’empereur Shôwa le 7 janvier 1989. Le début de la nouvelle ère Heisei vit un inconnu, Unô Sôsuke devenir chef du gouvernement pour à peine deux mois avant qu’un scandale de moeurs impliquant une geisha le pousse à la démission.

Les funérailles de Shôwa Tennô (nom posthume d’Hirohito) montre les contradictions du Japon d’après-guerre. Les funérailles d’Etats furent une grande affaire avec un dueil public mais les aspects religieux shintô de la cérémonie furent minimisés, entraînant quand même des protestations quant à la séparation du religieux et de l’Etat. Les Japonais eux-mêmes restèrent neutres face au cortège malgré quelques protestations et une bombe artisanale découverte mais il existait un certaine dose de ressentiment et l’opinion vis à vis de l’institution impériale était au plus bas. L’empereur Akihito passa les trois décennies suivantes à restaurer cette image.

Le PLD se retrouvait éclaboussé par les scandales, poussant une partie des « jeunes » du parti à le quitter et fonder leurs propres formations. Les milieux d’affaire se désolidarisèrent du parti qui n’allait pas assez loin à leur goût dans la libéralisation de l’économie (celle-ci ne répondait pas à ses besoins électoraux). Le PLD était aussi accusé de népotisme à outrance alors que plus de la moitié de ses députés étaient des héritiers. Le nouveau premier ministre, Kaifû Toshiki, un autre inconnu, tenta de mener un renouvellement par une grande loi électorale devant permettre de lutter contre la corruption, seulement pour voir l’ensemble de la classe politique s’opposer à lui. Kaifû a aussi en héritage la participation du Japon à la première guerre du Golfe en 1991 et à l’adoption d’une nouvelle loi pour permettre au Japon de participer aux opérations sous mandat de l’ONU. La loi fut adoptée sous son successeur Miyazawa Kiichi et vit les premiers casques bleus japonais (PKO, Peace Keeping Operations) envoyés à l’étranger en 1992 au Cambodge, sous les critiques virulentes de l’opposition.

C’est au Japon que les protestations contre la participation aux missions de l’ONU furent les plus intenses. La vue de soldats portant le badge japonais entraîna évidemment des réactions mitigées en Chine et en Corée mais ce sont surtout les Japonais qui protestèrent contre ce qu’ils percevaient comme des coups de canifs dans l’article 9 de la constitution. Le pacifisme institutionnel du Japon reste l’aspect de la constitution qui définit le plus aux yeux des Japonais la rupture avec le passé.

1993-2012 : L’échec des alternances

L’ordre organisé autour du PLD avait fonctionné depuis 1955 et avait traversé les crises économiques mieux que les économies européennes à la même époque. Le PLD avait survécu à plusieurs scandales politico-financiers majeurs et laintenu son unité malgré les factions internes en lutte. Comment l’alternance politique est-elle d’un coup devenue possible et pourquoi a-t-elle échoué?

En 1991, Le gouvernement Miyazawa était à la veille d’un nouveau scandale de corruption (le Sagawa Kyûbin Jiken) qui toucha la faction Takeshita et exposa ses liens avec les yakuzas. Le scandale provoqua une nouvelle fois de nouveaux départs d’élus et des scissions qui réduisirent la part du PLD au parlement. 1991 vit aussi l’éclatement de bulle immobilière et le début de la crise qui marqua le début du long automne de l’économie japonaise, c’en était fini du miracle. Le parti réussit cependant à se maintenir aux élections par le clientélisme traditionnel mais seulement avec une majorité relative. Profitant d’une volonté de dégagisme dans l’opinion les partis d’oppositions s’entendirent pour former une vaste coalition allant de la gauche (hormis les communistes) jusqu’au centre droit et dirigée par Hosokawa Morihiro. En 1993, ils parviennent à obtenir une majorité et à former pour la première fois depuis 1947 un gouvernement hors PLD.

Le Japon connaissait une situation de bulle immobilière depuis 1985, elle éclata en 1991 entraînant chômage et crise économique. L’éclatement de la bulle est désigné sous le terme de baburu hôkai qui marqua le début de la « décennie perdue » (ushinawareta jûnen).

La nouvelle coalition était porteuse d’espoirs de changements avec un fort soutien de l’opinion, Hosokawa était un premier ministre jeune et présentant bien. Dans les faits il était loin d’être un révolutionnaire, il était le petit-fils du premier ministre Konoe Fumimaro et le descendant du clan samurai Hosokawa qui avaient gouverné le Japon au XVe siècle en tant que vice-shôgun. Il était aussi immature en matière politique et prompt à proposer ses projets de loi sans cinsulter ses partenaires. Il fut poussé à la démission au bout de 8 mois. Son successeur (Hata Tsutomu) ne dura que deux mois pour les mêmes raisons.

Une nouvelle coalition se forma avec un socialiste à sa tête, Murayama Tomiichi, mais c’était une alliance avec le PLD! Les socialistes avaient pris la tête gouvernement mais y étaient en fait minoritaire, l’accord avec le PLD s’étant fait au prix de la plupart de leurs positions historiques (protection de la constitution, opposition au réarmement, critique de l’alliance américaine, défense de la classe ouvrière). C’était un changement d’époque et de repères politiques avec la multiplication de nouvelles formations politiques réunissant les ennemis de hier ou accueillant des transfuges croisés. L’opinion s’exprima là-dessus par les scores de participation les plus bas de l’histoire japonaise.

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Le gouvernement Murayama tenta de cacher l’abandon de ses positions sociales et politiques par un effort à l’étranger dans la reconnaissance des torts du Japon. La déclaration Murayama de 1995 présenta pour la première fois des excuses pour les crimes commis durant la guerre, le massacre de Nankin et les femmes de réconfort furent reconnus. Les regrets exprimés furent jugés insuffisants en Chine et en Corée du Sud en arguant qu’il ne s’agissait pas d’une opinion majoritaire au Japon. Cette vague de repentance n’eut pas bonne presse, notamment au PLD où les dirigeants successifs durent approuver ou minimiser la portée de la déclaration (en général en fonction des besoins politiques et de l’état des relations internationales).

Le séisme de Kobe et les attentats au gaz sarin du métro de Tôkyô la même année finirent de plomber les résultats électoraux et le PLD put revenir au pouvoir. Le nouveau premier ministre Hashimoto Ryôtarô maintint l’alliance avec les socialistes (qui changèrent de nom pour devenir les sociaux-démocrates, Shakai Minshutô). La repentance (mesurée) du gouvernement précédent eu pour effet un mouvement de balancier vers le nationalisme et le révisionnisme notamment dans les mangas et les manuels scolaires, provoquant la colère des partenaires asiatiques. Au final, l’échec de l’alternance n’est pas étonnant, même en ayant perdu sa majorité le PLD était resté la plus importante et la mieux implantée des formations politiques. C’était le seul parti ayant l’expérience durable du gouvernement, bénéficiant des erreurs inévitables de ses adversaires, de la fatigue des élcteurs et une volonté de retour à la normale.

Le Japon était entré en récession depuis 1991 mais le séisme du Kantô et les attentats au gaz sarin de la même année marquèrent les esprits au point d’incarner les années 1990 de la « génération perdue » au même titre que les JO de 1964 avaient un symbole d’optimisme.

Les règles avaient cependant changées pour le PLD, la nouvelle loi électorale votée pendant l’alternance devait empêcher le clientélisme et la corruption mais elle fit aussi que les candidats étaient désormais moins bien implantés localement et il était plus difficile pour eux de se connecter aux réseaux locaux, autrement dit les sièges étaient plus difficiles à gagner et les résultats électoraux plus incertains. Hashimoto démissionna au profit d’Ôbuchi Keizô dont on ne se souviendra que par ses excuses à la Corée mais aussi l’adoption formelle du drapeau et de l’hymne comme symboles officiels et des lois renforçant le contrôle sécuritaire. Il mourut en 2000 et la coalition au pouvoir choisit Môri Yoshirô. Le premier ministre Môri a été l’un des plus impopulaire de l’histoire car il n’a pas été désigné par les citoyens ou même les adhérents du PLD mais par un conclave des partis de coalition. Il est connu aussi pour ses gaffes et ses bévues verbales, il fut remercié dès 2001.

Koizumi Jun’Ichirô est un héritier, comme tant d’autres, d’une dynastie de 3 générations de politiciens mais il a su se construire une identité (pour ne pas dire une marque) reconnaissable au sein de l’opinion qui lui a attiré les sympathies au-delà de ses idées, ce qui est un cas rare au Japon où le charisme personnel et la personne sont généralement des traits peu mis en avant, c’est un trait que l’actuelle premier ministre Takaichi semble savoir aussi cultiver.

C’était le moment pour Koizumi Jun’Ichirô de devenir premier ministre. Après une décennie de gouvernements sur siège éjectable il amena plus de stabilité, restant au pouvoir jusqu’à son terme en 2006. Plus jeune et dynamique il séduisait les Japonais avec l’image d’un changement de méthode en rupture avec l’oligarchie même s’il était lui-même un héritier politique. Voulant une politique extérieure active dans la lignée de Nakasone il s’aligna complètement sur les Etats-Unis, participant en 2001 en Afghanistan et en 2003 en Irak (même sans le soutien de l’ONU, ce qui obligea le gouvernement à faire changer la loi). Contrairement aux années 1980 où le Japon maintenait des positions divergentes des Etats-Unis (notamment sur le dossier palestinien) il fit du Japon un supplétif aux ordres. Il tenta d’obtenir un siège permanent au conseil de sécurité de l’ONU auquel la Chine s’opposa mais dans les faits son gouvernement pro-Américain et nationaliste vit le déclin de l’influence japonaise à l’étranger avec la montée de l’hostilité de la Chine et de la Corée, désormais des puissances économiques rivales. Sa rhétorique néo-nationaliste (avec des visites régulières au sanctuaire de Yasukuni) plaisait cependant à l’opinion, lui permettant de conquérir la majorité absolue et de rêver de changer la constitution. Il ne quitta le pouvoir qu’une fois arrivé à la limite de ses mandats de président du parti, restant un des premiers ministres sortant les plus populaires (le bon souvenir qu’il a laissé profitant à la carrière de son fils, Koizumi Shinjirô, actuel ministre de la défense).

Le Kantei (Naikaku Sôri Daijin Kaiten) est le nouveau bureau (sans résidence) des premiers ministres inaugurée en 2002.

A sa suite ses successeurs furent éphémères. Ils ont tous en commun d’être des fils de l’élite oligarchique du PLD. Shinzô Abe (plus jeune premier ministre désigné mais aussi le premier à être né après-guerre) lui succède en 2006, il est le fils d’un chef de faction et petit-fils de Kishi Nobusuke. Il avait pour mot d’ordre de sortir de l’après-guerre et de réformer la constitution (il créa notamment le ministère de la défense) et la mise en avant des valeurs « traditionnelles » confucéennes. Il démissiona dès 2007 à la suite de scandales de corruption en série dans son entourage ainsi que du fait l’opposition systématique du Shinshintô d’Ozawa Ichirô (le principal opposant politique des années 2000). Fukuda Yasuo prit sa suite, lui-même était le propre fils du premier ministre Fukuda Takeo, mais l’opposition le censura dès 2008. Asô Taro fut le dernier poulain de Koizumi encore en lice. Volontiers populiste il était en fait un héritier de l’élite politico-industriel (sa famille étant lié au cimentier Asô-Lafarge) et lui-même très riche. Malgré son discours de détente avec l’Asie ses propres ministres multiplièrent les sorties nationalistes et racistes. Trois chefs de gouvernement en trois ans, les électeurs firent cette fois-ci le choix du changement avec la victoire du Minshutô en 2009 (en partie liée aussi à la crise des subprimes). Là encore l’alternance fut le fruit des crises économiques et de l’instabilité interne punie par les électeurs.

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La 2e alternance vit la nomination d’Hatoyama Yukiô. La volonté de changement était difficile à atteindre avec lui, il était le petit-fils de l’ultranationaliste Hatoyama Ichirô et richissime. Le Minshutô était un parti placé plutôt au centre (droit?) de l’échiquier et donc guère différent sur le plan économique. Hatoyama fut aussi en butte avec les luttes de faction au sein de son parti et démissionna en 2010. Son successeur Kan Naoto était un activiste des années 1960 mais sa gestion opaque de l’accident nucléaire de Fukushima en 2011 précipita sa chute. Noda Yoshihiko fut lui aussi encombré par le coût de la reconstruction du Tôhoku et par la crise énergétique causée par l’arrêt des centrales nucléaires. La 2e alternance dura une nouvelle fois à peine trois ans. En 2012, le PLD revint au pouvoir et ouvrit une décennie de gouvernement par Shinzô Abe.

Au delà de la catastrophe humaine et nucléaire, le tsunami de 2011 a été la conclusion d’une urbanisation « sous la digue » entreprise depuis les années 1960 où une confianc absolue dans les travaux devait garantir non seulement les activités mais aussi l’urbanisation des littoraux. La reconstruction de la côte du Sanriku a mené depuis à repenser les modèles de développement avec des villes décentralisées.

Si on compare les deux alternances on peut voir que dans les deux cas leur chute s’explique par des circonstances (séisme de Kobe en 1995, accident nucléaire de Fukushima en 2011) mais surtout par un manque d’expérience et l’instabilité des gouvernements (à chaque fois des gouvernements durant un an en moyenne). Les Japonais avaient chaque fois voté pour un changement mais les partis d’opposition fonctionnaient sur le même modèle que le PLD avec leurs propres factions et scandales (et toujours les inévitables héritiers). Leurs divergences s’exprimaient sur la politique internationale, surtout l’attitude face à la Chine, mais rarement sur la politique économique, restant toujours sur un modèle libéral. Il n’est pas étonnant que les électeurs aient finalement préféré l’original aux copies et ramené le PLD aux affaires, ne serait-ce que par désir de retour à un cadre familier.

2012-2025 : le long règne de Shinzô Abe et ses successeurs

Shinzô Abe est resté premier ministre de 2012 à 2020, un record absolu de longévité. On ne peut pas l’attribuer à un charisme personnel ou à sa popularité, qui a beaucoup varié en huit années. Les scandales financiers ont été aussi tout aussi nombreux que lors de son premier mandat, Shinzô Abe étant accusé de favoritisme, de clientélisme (scandale Moritomo Gakuen) et même d’entrave à la justice dans le plusieurs affaires (affaire du viol d’Itô Shiori). Comment a-t-il fait pour rester en poste plus longtemps que les six précédents chefs de gouvernement réunis (lui-même inclus)?

D’une part, le PLD ne gouvernait plus le Japon seul depuis le début des années 2000 mais dans une coalition avec le Kômeitô et d’autres petits partis, cette alliance stable a assuré au parti une plus grande marge pour gouverner tandis que les partis d’opposition ont été discrédité par l’alternance manquée de 2009-2012. Les élections durant la période Abe ont conforté cette stabilité, le PLD et ses alliés reprenant le contrôle de la chambre haute perdue depuis 2007 en 2014.

Il faut compter aussi avec des changements structurels. En 2007, le PLD avait fait passer le mandat de son président de 2 à 3 années, une nouvelle réforme de 2017 y ajouta la possibilité d’un troisième mandat. Le président du parti (sôsai) Shinzô Abe pouvait ainsi gouverner théoriquement pendant neuf ans au lieu des quatre années de ses prédecesseurs. Le PLD et ses alliés se trouvaient donc dans une situation de plus grande stabilité et mainmise sur les assemblées permettant même d’ignorer globalement la plupart des scandales de la période. La démission de Shinzô Abe en 2020 fut surtout due à des problèmes de santé.

La mise en avant de la marque Cool Japan avait deux objectifs : profiter de la vague des produits culturels japonais (mangas, animés, jeux vidéo) pour améliorer l’image du pays (notamment dans les pays d’Asie proches et dans les pays développés) et encourager le tourisme devant servir à créer des emplois. La stratégie touristique a parfaitement réussi puisque le Japon dépasse désormais les 38 millions de visiteurs par an alors qu’ils étaient moins de 10 millions dans les années 2000;

Politiquement, les gouvernements de Shinzô Abe restèrent dans la logique de sa faction : redressement de l’économie et révision constitutionnelle. La politique économique des Abenomics eu des effets discutables mais elle tenta de restaurer la confiance des Japonais dans l’avenir. L’obtention des Jeux Olympiques de 2020 devait d’ailleurs servir de répétition des JO de 1964 comme symbole de renaissance. Le Japon se tourna alors volontiers sur son Soft Power incarné par la culture manga (volontiers méprisée par le passé) sous la marque Cool Japan. L’arrivée d’étudiants étrangers fut encouragée ainsi que de travailleurs pour permettre, de manière limitée, un Japon plus ouvert et accueillant pour les investisseurs. Le tourisme devait aussi devenir un moteur pour stimuler l’économie.

C’était surtout la révision de la constitution qui fut l’obsession de Shinzô Abe. Face à la montée en puissance de la Chine, il se montra paradoxalement assez modéré, malgré les visites régulières à Yasukuni. Les discussions et les rencontres avec la Chine, la Corée du Sud et même la Corée du Nord avançèrent mais furent généralement minées par les questions mémorielles et l’absence d’excuses. Shinzô Abe chercha plutôt à intégrer le Japon dans un réseau diplomatique et militaire plus large, toujours centré sur les Etats-Unis, s’étendant de l’Australie à l’Inde en passant par les pays européens (avec des visites régulières de navires français et britanniques pour l’illustrer). Cette politique s’est trouvée renforcée sous la présidence Trump quand le Japon commença à envisager l’absence de la protection militaire américaine et la nécessité d’augmenter ses dépenses militaires. L’objectif principal était d’être moins dépendants des bonnes relations avec les voisins immédiats du Japon, que le PLD ne pourrait pas maintenir s’il voulait atteindre son but de remilitariser le pays.

Exercice naval de 2024 réunissant des navires français, allemands, italiens et australiens avec le JDS Izumo. Ce navire, conçu comme un porte-hélicopter a été transformé en véritable porte-avions en 2018 et doit pouvoir transporter des avions américains. Deux autres porte-avions sont programmés montrant l’effort d’équipement japonais avant même l’augmentation de ses dépenses militaires demandées par Donald Trump.

Les disputes avec les voisins, la menace nucléaire nord-coréenne, les gestes nationalistes (révisionnisme des manuels d’écoles privées, visites à Yasukuni) et les efforts pour participer à une alliance Indo-Pacifique contribuaient à rendre necéssaire la révision de la constition. L’impression de danger était rendue sensible par les essais ballistiques nord-coréens permettant d’entretenir la crainte (par exemple avec l’arrêt du métro de Tôkyô sans raison claire). Les dépenses militaires augmentèrent durant toute la période Abe et à partir de 2014, le gouvernement fit enregistrer des lois pour changer l’interprétation de l’article 9 de la constitution (à défaut de pouvoir le changer) : le Japon pourrait désormais intervenir militairement pour défendre ses alliés même si cela impliquerait un rôle actif de sa part. Il fallait faire du Japon un pays « normal », c’est à dire militarisé. La majorité du PLD dans les deux chambres permit même de fixer la tenue d’un referendum sur la révision de l’article 9 pour 2020 mais la pandémie et la démission de Shinzô Abe firent reporter le vote qui a ensuite été régulièrement répoussé et n’a pas encore été organisé. L’opinion reste aussi globalement opposée à tout changement sur l’article 9 par pacifisme mais la marge entre les deux camps se réduit progressivement avec le temps à mesure que la Chine (plus que la Corée du Nord désormais) représente une menace de plus en plus visible par l’opinion.

Le gouvernement commença aussi à sérieusement considérer le problème de la natalité alors que la population japonaise baisse depuis 2015. L’objectif défini alors fut de rester autour de 100 millions d’habitants avec des mesures financières comme les soins gratuits aux enfants, la baisse voir la suppression des frais de scolarité publique et le développement du travail des femmes (les gouvernements Abe cherchèrent à intégrer plus de femmes et à lutter contre le plafond de verre) qui devait permettre de mieux financer l’éducation des enfants. Ces mesures pourraient aider à freiner la baisse de la natalité mais il y manque des évolutions sur le droit de la famille. Le système japonais du registre familial et la définition stricte de la famille contribuent largement à rendre le mariage peu attractif et à empêcher tout autre type d’union, fonder une famille est envisagé par beaucoup de jeunes comme un parcours du combattant.

Par sa nature même le PLD n’est pas porté à réformer le modèle familial, ces réformes manquées étant symbolisées par le refus de permettre aux femmes de conserver leur nom de jeune fille ou même le rejet de l’accession au trône de la princesse Aiko. La question de la succession impériale, toujours évoquée mais jamais réellement mise en chantier est un autre indicateur du refus du PLD de toucher à tout ce qui se rapporte à sa base idéologique et en particulier à l’institution impériale (même si l’empereur et 80% des Japonais seraient favorables à une succession féminine). Pour la même raison le gouvernement Abe accueillit sans entousiasme la nouvelle loi permettant à l’empereur Akihito d’abdiquer et à son fils de monter sur le trône en 2019, initiant l’ère Reiwa même si dans les faits les élites du PLD (parfois surnommés les oyaji, les anciens) restent celles du début de l’ère Heisei (années 1990).

L’abdication de l’empereur Akihihito et l’intronisation de son fils en 2019 avaient pour cause la santé déclinante du souverain. Ce dernier n’étant pas sensé s’exprimer publiquement sur ce genre de questions certains ont voulu y voir aussi une volonté de pousser le gouvernement à considérer la crise dynastique en faisant avancer d’une génération le problème. D’autres ont voulu aussi y voir une manière d’occuper le débat parlementaire (pour voter la loi d’abdication) en retardant celui sur la révision de la constitution.

C’est ce que l’on retient finalement de l’héritage de Shinzô Abe, le conservatisme assumé mais aussi un exercice autoritaire du pouvoir où le PLD se prit à commander de plus en plus à ses alliés. Une loi de 2014 permettait d’ailleurs au gouvernement de punir de prison la révélation d’informations jugées portant atteinte à la sécurité nationale sans vraiment définir ce qui pourrait tomber sous le coup de cette loi, laissant craindre aux journalistes et à la société un retour à l’autoritarisme des années 1930. La plupart de ces évolutions se maintinrent sous ses successeurs. Suga Yoshihide fut un premier ministre éphémère issu de la faction de Shinzô Abe (toujours aux manettes) mais il n’avait pas la durée de son patron pour se prémunir contre l’impopularité et dut supporter l’essentiel des critiques liées à la gestion de la pandémie et les très décevants Jeux Olympiques à huis clos de 2021. Il fut remplacé par Kishida Fumio pendant trois ans jusqu’en 2024.

Du fait de la pandémie les JO de Tokyo se sont tenus en huis clos télévisé comme en témoignent les sièges vides de la cérémonie d’ouverture. La préparation des Jeux avaient déjà été entachée de scandales (menant à annuler et repenser le logo et le stade olympique lui-même) et de dépassements de budget mais sans que les Jeux même puissent créer un véritable attachement populaire. Il est probable que le souvenir des jeux annulés de 1940 ait contribué au refus obstiné et coûteux de les maintenir.

Le gouvernement Kishida dut faire face à une actualité compliquée, le 8 juillet 2022 Shinzô Abe fut assassiné par un particulier qui lui reprochait les liens avec la secte coréenne Moon. Il lui fallut évincer du gouvernement les politiciens les plus liés à la secte, certains très haut placés comme le frère du défunt, Kishi Nobuo. A la fin 2023 le scandale des caisses noires fut pire. Le scandale impliquait le financement des campagnes des candidats des principales faction. La portée de ce scandale est inégalée puisqu’elle mena Kishida à demander, et à obtenir, l’auto-dissolution des factions du PLD, toutes obéirent sauf celle d’Asô Tarô. C’était un fondement de l’organisation du PLD depuis ses origines qui disparaissait rendant le parti plus difficile à gérer. Les factions existent toujours dans les pratiques (comment renoncer à soutenir ses alliés?) mais n’ont plus d’existence officielle. Une partie de l’aile la plus conservatrice, plus impliquée, fut poussée à l’exclusion du parti. Kishida lui-même fut victime d’une tentative d’assassinat en avril 2023. Il décida de ne pas se représenter à la tête du parti après son premier mandat et fut remplacé par Ishiba Shigeru qui ne resta qu’un an en poste, il paya les dégats infligés à l’image du parti sous son prédecesseur et l’inflation galopante.

Le parti Sanseitô et son leader, Kamiya Sôhei, dispose seulement de 14 représentants à la chambre basse et de 140 représentants dans les assemblées locales du pays. Il n’existe légalement que depuis 3 ans mais a su se rendre visible. Il s’agit peut-être du parti le plus en rupture avec la tradition politique depuis plus de 70 ans. Sa base est plus jeune que la moyenne, sa communication est basée sur les réseaux sociaux, ses membres sont des nouveaux venus avec peu d’héritiers. Ces caractéristiques seules, en dehors du discours populiste et xénophobe, explique en parti l’intérêt qu’il a engendré.

L’échec du PLD aux élections de septembre 2024 mena Ishiba à diriger avec un gouvernement minoritaire tandis que l’opposition reprit la majorité au Sangiin. Le PLD est actuellement dans sa situation la plus fragile depuis 2009. Les élections ont vu aussi l’apparition d’un nouvel acteur, le parti Sanseitô, un petit parti d’extrême droite populiste d’inspiration trumpienne né sur les réseaux sociaux. Ce parti attire les jeunes et se démarque des partis traditionnels tout en s’appropriant la rhétorique nationaliste entretenue par le PLD depuis vingt ans (et soutenant les exclus du PLD suite au scandale des caisses noires), il n’est pas puissant mais, dans un contexte d’affaiblissement du PLD, il est capable de se faire remarquer. Les effets du surtourisme, l’impression de se faire déposséder, la menace perçue de la Chine (incarnée par les achats de terrains par des ressortissants chinois au Japon) poussent l’opinion dans un sens bien plus nationaliste et xénophobe que par le passé. Pour contenir cette vague et l’utiliser à son profit il n’est pas étonnant de voir le PLD, le parti de l’adaptabilité, se réorienter vers son extrême droite en la personne Takaichi Sanae, présentée en héritière véritable de Shinzô Abe et première femme premier ministre désignée le 21 octobre 2025.

Malgré un système politique fondé sur les réseaux et les factions on retrouve avec Takaichi Sanae (ici avc Ishiba Shigeru) une constante des 20 dernières années : les électeurs japonais ont tendance à favoriser les personnalités affirmées et reconnaissables sans forcément se focaliser sur leurs idées puisque celles-ci changent généralement peu d’un parti à l’autre. Takaichi Sanae a ainsi débuté avec une côte de popularité plus importante que la moyenne et l’énergie de ses premiers déplacements à l’étranger lui ont attiré les sympathies.

Au mois de novembre 2025 le Parti Libéral Démocrate a fêté discrètement ses 70 ans, malgré ses évolutions et son adaptabilité proverbiale il reste attaché à des pratiques qui interpellent dans une démocratie : en dehors de la collusion politico-financière systémique, on peut rester étonné par la reproduction en interne de ses élites avec de nombreux héritiers fils de politiciens. Même si le PLD peut être identifié au gouvernement de l’Etat du Japon sur pratiquement toute la période 1955-2025, il est loin de réfléter les évolutions de la population japonaise et semble même plutôt tenter de corriger ces évolutions (dénatalité, famille, place des femmes, rapports avec le reste du monde) qui correspondent mal à un système né dans un contexte très différent. Malgré les slogans le Japon n’est jamais totalement sorti du système né dans l’après-guerre.

A lire pour approfondir, Dufourmont Eddy, 2020, Histoire politique du Japon de 1853 à nos jours, Presses Universitaires de Bordeaux.

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