Cold case : la mort mystérieuse du premier shôgun

Minamoto no Yoritomo est un personnage incontournable de l’histoire du Japon. Il a non seulement instauré pour plus d’un siècle le pouvoir de sa dynastie sur le Japon mais, en devenant le premier shôgun, il inaugura l’âge des samurais, le musha no yô. Avec cet âge il créa un nouveau système de gouvernement qui perdura pendant plus de six siècles jusqu’à la restauration Meiji. Les livres d’histoire nous racontent qu’il décéda en février 1199 d’une chute de cheval mais en y regardant de plus près les raisons de la mort du premier shôgun apparaissent comme beaucoup plus troubles, voire suspectes.

目次

La naissance du shôgunat

Minamoto no Yoritomo était devenu le maître du Japon après sa victoire sur son cousin Kiso Yoshinaka et surtout contre ses ennemis jurés les Taira en 1185. Maître mais pas souverain, il n’était que le seigneur de Kamakura et le chef du clan Minamoto, son droit de commander dans les provinces provenait d’un accord avec l’empereur retiré Go-Shirakawa. Yoritomo contrôlait les provinces mais seulement au nom de l’empereur qui siégeait toujours à Kyôto.

Portrait de Minamoto no Yoritomo par Fujiwara no Takanobu (1142-1205). Le portrait est notable par son réalisme et a été réalisé du vivant même du shôgun. Il est très probable que les traits représentés soient ceux de Yoritomo.

Concevoir le shôgunat

Dans les faits l’accord entre Kamakura et Kyôto ne changeait pas grand-chose à l’étendue du pouvoir réel de Yoritomo mais la reconnaissance impériale lui donnait la légitimité qu’il lui manquait. Il fallut cependant attendre la mort de l’empereur retiré Go-Shirakawa en 1192 pour qu’il puisse obtenir finalement le titre tant convoité de Seii Tai-shogun (général chargé de la pacification des barbares). Yoritomo semble avoir convoité ce titre car il avait été celui de ses ancêtres et qu’il permettrait d’effacer le qualificatif honteux de traître qui restait attaché à son père. Le titre lui-même n’apportait rien de neuf au pouvoir militaire du seigneur de Kamakura. Un shôgun n’était après tout qu’un généralissime nommé par l’empereur de manière temporaire pour mener campagne, le titre n’impliquait aucun droit de gouverner les province, aucune compétence d’administration ou de droit permettant de prendre des décrets ou faire des lois.

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C’est dans la personne de Yoritomo que fusionnèrent le titre de courtoisie de shôgun ainsi que ses véritables responsabilités : gouvernement des provinces, commandement des guerriers, lever des impôts et maintenir la sécurité au nom de la cour. Pour les siècles à venir la fonction de shôgun allait resté telle que définie par ce que Yoritomo en avait fait.

Le sanctuaire Hachimangu de Tsurugaoka à Kamakura avait été fondé par Minamoto no Yoshiie, l’ancêtre de Yoritomo. Le sanctuaire illustrait l’ancrage spirituel et historique du clan shogunal dans sa capitale. La résidence de Yoritomo voisinait immédiatement le sanctuaire où le kami du premier shôgun fut installé après son décès.

De son « règne » il n’y a cependant guère à raconter, par contraste avec les riches récits de la guerre du Gempei, les années après 1192 sont nettement moins documentées. tout au plus les sources s’attardent sur le grand makigari de 1193. Le shogun célébra alors son élévation par une grande partie de chasse au pied du Mont Fuji qui resta célèbre pour avoir le théâtre de la vengeance des frères Soga contre leur ennemi Kudo Sukestune, un classique du théâtre kabuki de l’époque Edo. C’est au cours de cette partie de chasse que Yoritomo commença à mettre en avant son fils Yoriie comme son héritier, célébrant ses exploits de chasseur (un daim semble avoir rencontré par hasard une de ses flèches).

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L’ennemi inattaquable : la cour impériale

L’essentiel des années restantes du shôgun furent passées à négocier et tenter d’imposer son influence sur la cour impériale en mariant sa fille O-hime à l’empereur Go-Toba. Ces manœuvres furent largement infructueuses, pire, elles encouragèrent le développement d’un mouvement hostile au shôgun dont Go-Toba lui-même était l’âme. Bon administrateur et bon chef de clan, Yoritomo s’avéra un piètre politicien face aux manoeuvres subtiles d’une noblesse éduquée à cela.

L’empereur retiré Go-Toba avait été placé sur le trône à la prise du pouvoir de Yoritomo. En grandissant il s’avéra un farouche opposant politique cherchant à rétablir les prérogatives de la cour. Souverain actif il s’entraînait aux armes et produisait des sabres. Après la mort de Yoritomo il continua à diriger la cour dans un affrontement avec Kamakura jusqu’à sa défaite finale en 1221.

Bien que maître du Japon, Yoritomo était loin de contrôler la cour impériale qui représentait une véritable puissance politique capable de le mettre en échec et qui fut une épine sur le flanc des guerriers de Kamakura jusqu’à la défaite finale de Go-Toba en 1221. La cour impériale ne disposait pas de forces militaires propres pour combattre le seigneur de Kamakura, sa tactique habituelle était de dresser des rivaux contre ses ennemis et les mener à se combattre. Yoritomo, en éliminant Kiso Yoshinaka, les Taira et même son frère Yoshitsune, s’était assuré qu’aucun rival potentiel ne pourrait servir les desseins de l’empereur. En 1197-1198, Yoritomo ruminait ses voyages infructueux à Kyôto où O-Hime était décédée alors qu’elle n’avait que 20 ans, provoquant le desespoir de sa mère, Hôjô Masako.

C’est préoccupé par ses échecs de conciliation et la mort de sa fille que Yoritomo se rendit à la cérémonie célébrant le début de la construction d’un pont sur la rivière Sagami. C’est là que quelque chose se produisit.

La chute du shôgun

Les faits et ses sources

Les sources ne sont pas claires sur les causes de la mort de Yoritomo. La principale de ces sources, l’Azuma Kagami (Le Miroir de l’Est) est une compilation de récits et de décisions sur le début de l’ère Kamakura et l’époque de Yoritomo en particulier. C’est là que se trouve la version « officielle » de la chute de cheval. Il en existe d’autres comme le journal d’un noble de la cour impériale, Konoe Iezane (Inokuma Kampaku-ki) ou les chroniques de Jôkyû (Jôkyû-ki) et Horyakukan-ki, toutes ont des versions différentes et contradictoires.

Ce que l’on sait c’est que l’évènement eu lieu le 1 février 1199 (calendrier moderne). Quoiqu’il se soit passé, le shôgun ne mourut pas tout de suite. Sans aucune mention pour une éventuelle fracture ou blessure de chute, l’Azuma Kagami raconte qu’il resta dans un état de grande faiblesse. Dès le 14 février, il semble que son état était déjà assez desespéré pour qu’il prononce ses voeux et entre formellement dans les ordres bouddhistes. On lui fit alors raser la tête pour devenir prêtre, une manière de préparer son âme sur le point d’expirer. Il décéda le 16 février à l’âge de 53 ans, son corps fut incinéré peu après tandis que son fils Yoriie prenait sa suite en tant que seigneur de Kamakura.

Minamoto no Yoriie, le jeune fils aîné de Yoritomo, ne parvint pas à s’imposer face à ses vassaux et aux puissants Hôjô. Il fut évincé dès 1203 et décéda, probablement assassiné, en 1204, 5 ans à peine après la mort de son père.

Le récit est succint et passe étrangement sur les circonstances qui ont mené à la mort de l’homme le plus puissant du Japon. Nous avons les détails de son agonie mais pas les causes de celle-ci. Ce qui ne signifie pas qu’elles sont totalement inconnues, il y en a au contraire trop de versions différentes.

Malédictions et fantômes

Si on prends le récit de Konoe Iezane, régent (kampaku) de la cour impériale la cause de la mort de Yoritomo est bien plus étrange. Il aurait été victime d’une « maladie de l’eau » qui aurait entraîné une soif inextinguible chez le shôgun qui aurait été contrait de boire jusqu’à en mourir. Le régent Iezane en conclut rapidement à une maladie causée par une malédiction. La conclusion en dit plus sur l’auteur que sur la victime.

Minamoto no Yoshitsune et son fidèle Benkei sont sensés, eux-aussi, avoir été assaillis par les fantômes des guerriers Taira noyés à la bataille de Dan-no-Ura. Les interventions surnaturelles sont monnaies courantes dans les récits et chroniques et font partie du paysage spirituel japonais.

Konoe Iezane écrivait lui aussi plusieurs années après les faits. Il faisait partie de la haute aristocratie de la cour impériale, les familles issues des Fujiwara comme les Konoe ou les Kujô. Iezane était resté globalement un allié de Kamakura dans les disputes politiques entre les samurais et l’empereur Go-Toba qui menèrent à la guerre de Jôkyû en 1221. Il n’empêche qu’il faisait partie d’un milieu où les guerriers étaient méprisés et où Minamoto no Yoritomo était critiqué pour avoir privé l’empereur de son autorité. Dépeindre Yoritomo en homme maudit servait à discréditer sa mémoire et, indirectement, le prestige de Kamakura. La « maladie de l’eau » pourrait même être rapprochée d’une autre maladie. Taira no Kiyomori, l’ennemi acharné des Minamoto et lui-même tyran est sensé être mort d’une maladie lui ayant fait ressentir les flammes de l’enfer qui l’attendait, hanté par les fantômes de ses ennemis. D’un côté l’élément du feu, de l’autre l’élément de l’eau, la malédiction des ennemis de la cour en commun.

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Le récit du XIVe siècle, le Horyakukan-ki, reprend d’ailleurs cette intervention fantastique. La mort du shôgun aurait bien été causée par sa chute de cheval mais celle-ci aurait été provoquée par l’apparition du fantôme de son frère/ennemi Minamoto no Yoshitsune ainsi que par l’apparition, sur les eaux, du fantôme de l’empereur-enfant Antoku. L’empereur Antoku avait été la victime malheureuse de la guerre contre les Taira. Petit-fils de Kiyomori, il avait été entraîné dans cette guerre jusqu’à la bataille navale de Dan-no-ura. Alors que la défaîte approchait, sa grand-mère, la veuve de Kiyomori, prit l’enfant dans ses bras et se jeta dans les flots dans un double suicide bientôt suivi par les guerriers des Taira.

Représentation de la bataille de Dan-no-Ura. Minamoto no Yoshitsune, le frère héroïque est représenté au centre en train de sauter sur une embarcation ennemie. A l’arrière plan à gauche le jeune empereur Antoku est porté par sa grand-mère, prête à se jeter dans les flots.

La mort d’un empereur, même enfant, fut reprochée à Yoritomo comme un crime impardonnable. On notera que l’on retrouve encore le thème de l’eau comme fil directeur, la malédiction de Yoritomo devait-elle faire référence à son crime de lèse-majesté? La mort de Yoshitsune est un peu différente. Le jeune frère du shôgun, artisan de la victoire de son clan, avait été courtisé par l’empereur Go-Shirakawa pour le dresser contre son frère. Ce dernier fit preuve de réalisme en pourchassant son demi-frère de sa vindicte jusqu’à sa mort. Les sources de l’époque Kamakura et les admirateurs de Yoritomo voient dans ce fratricide une nécessité mais les critiques du shôgun et en particulier les samurais de l’époque Muromachi voyaient en Yoshitsune un modèle de guerrier et considéraient sa mort comme une punition injuste de la part d’un tyran jaloux.

Dans tous les cas, ces sources se retrouvent sur une cause. La mort de Yoritomo aurait été causée par ses propres péchés et actions, contre sa famille, contre la cour impériale et contre la personne même de l’empereur. On pourrait donc dire qu’il fut frappé par une justice immanente.

Des causes naturelles?

Si on oublie les versions « magiques » de la mort de Yoritomo on peut trouver des versions plus pragmatiques. Les historiens et les médecins contemporains se sont laissés aller à des diagnostiques sur la base, très incomplète, des sources.

La chute de cheval est ainsi considérée tantôt comme une cause ou comme un effet. En tant que cause, la chute aurait entraîné un traumatisme comme une hémorragie cérébrale ou provoqué des complications comme une pneumonie, surtout s’il est tombé à l’eau. En tant qu’effet, un accident cardio-vasculaire aurait provoqué la chute de cheval. Les passionnés de médecine historique ont aussi voulu concilier les récits faisant intervenir une maladie de l’eau. La chute de cheval aurait ainsi causé des dommages à l’hypothalamus et une augmentation du taux de vassopressinase menant à un diabète insipide dont le symptôme le plus connu est une soif excessive. Je suis certain d’avoir mal exposé cette théorie, les professionnels me pardoneront et corrigeront.

Les concours de tirs à l’arc monté, Yabusame, sont encore organisés aujourd’hui à Kamakura. L’art équestre était à la base de la culture du samurai avec le maniement de l’arc. Etre incapable de maîtriser sa monture, être désarçonné et en être blessé aurait été une humiliation sévère pour tout guerrier qui se respecte.

Mais sans tomber dans la surinterprétation de sources anciennes d’autres explications « non surnaturelles » ont été aussi avancée par d’autres sources. La maladie de l’eau, les références aux fantômes des guerriers Taira noyés, l’apparition du défunt empereur Antoku sur la mer sont toutes des références à l’eau. Minamoto no Yoritomo s’était rendu près de la rivière Sagami pour assister au service bouddhiste réalisé en prévision de la construction d’un pont sur la rivière. Il existe près de l’embouchure de la rivière Sagami un lieu appelé Banyu-gawa qui s’écrit littérament avec les kanjis « cheval », « entrée » et « rivière ». La légende locale prétend que le nom ferait référence au cheval du shôgun qui se serait emballé et aurait désarçonné son cavalier dans la rivière où Yoritomo aurait péri noyé. La maladie de l’eau serait-elle simplement une noyade à la suite de la chute de cheval? Les preuvres sont minces mais un tel accident pouvait être assez embarrassant pour justifier que le shôgunat ne s’étende pas sur les circonstances peu « guerrières ».

D’autres interprétations postérieures peu crédibles ajoutent aussi leur grain de sel. Le shôgun aurait été assassiné comme le furent ensuite ses fils, la chute ayant été provoquée. Yoritomo serait mort dans des circonstances plus embarrasantes en cherchant à se rendre auprès d’une maîtresse. Bien que la polygamie soit alors acceptée chez les chefs de grandes familles, Yoritomo faisait face à la jalousie extrême de son épouse Hôjô Masako. Ce n’était pas le première fois qu’il devait dissimuler une maîtresse ou un enfant naturel dans la crainte d’une réaction de Masako, qui se serait mariée avec Yoritomo, contre l’avis de son père, par amour. Les scènes entre l’époux et sa femme sont attestées et firent les délices des romanciers de l’époque Edo mais furent probablement exagérées et réarrangées par les différents auteurs.

La raison d’un secret

Que ce soit une maladie, la chute de cheval, une noyade ou une autre raison, la question reste de savoir pourquoi les circonstances de la mort de Minamoto no Yoritomo ont été obscurcies. L’omission a-t-elle été volontaire?

Problèmes de sources

L’Azuma Kagami, qui est notre source principale a probablement été compilé vers la fin du XIIIe siècle, longtemps après les faits. Le texte rassemble probablement des chroniques et des récits issus de différentes sources à travers l’administration du shogunat (le mandokoro) rédigés par différents auteurs à travers le temps. Le texte a été compilé sous les auspices des régents Hôjô. Les Hôjô, la famille de Masako, avaient imposé leur autorité sur le shogunat après le renversement de Minamoto no Yoriie et gouvernaient le Japon. Dans le texte, la figure de Yoritomo est évidemment respectée même s’il n’est pas exempt de critiques sur ses erreurs de gouvernement, son fils est traité bien pire. Il s’agissait pour les Hôjô de justifier leur usurpation du pouvoir par la justesse de leur bon gouvernement face aux excès des derniers Minamoto. Si on tient compte de ces intentions il n’existait probablement pas de réelle intention de cacher la manière dont Yoritomo était décédé.

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Après la fin de l’époque Kamakura, plusieurs versions de l’Azuma Kagami furent copiées et circulèrent, conservées dans les archives de familles importantes. Pour l’essentiel on devine que ces versions étaient incomplètes et varient entre 43 et 52 volumes. On peut donc imaginer que certaines parties ont été simplement perdues ou détruites. La version la plus communément utilisée encore aujourd’hui est appelée le Hôjô-bon, elle aurait été transmise au clan Hôjô de l’époque Sengoku (ces Hôjô n’étaient pas apparentés aux précédents mais se plaisaient à faire le lien, ils régnaient depuis Odawara). Cette version était réputée plus complète et elle fut transmise à d’autres propriétaires après la chute des Hôjô en 1590 avant de terminer entre les mains de Tokugawa Ieyasu qui fit effectuer un travail de restauration du texte et le publia dans une nouvelle version en 1605.

Représentation de Hôjô Yoshitoki (à gauche en orange). Le beau-frère de Yoritomo fut celui qui instaura dans la durée la régence des Hôjô sur le shôgunat. Leur légitimité découlait du grand fondateur Yoritomo mais ses fils furent souvent dépeints de manière moins respectueuse pour justifier la prise de contrôle des Hôjô sur Kamakura.

Censure et escamotage

C’est là qu’une explication pourrait être trouvée. Tokugawa Ieyasu avait fondé le nouveau shôgunat d’Edo, il se plaçait évidemment dans l’héritage politique de Yoritomo. Il se considérait lui-même comme étant apparenté aux Minamoto puisqu’il faisait remonter sa généalogie jusqu’au clan Nitta, eux-mêmes cousins des Minamoto. Du point de vue d’un confucéen austère comme Ieyasu, Yoritomo représentait un idéal de gouvernant sévère et pragmatique qui parvint à s’imposer moins par ses qualités de guerriers que par ses compétences politiques. Le parallèle entre les deux hommes était facile à établir.

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Certains commentateurs de l’Azuma Kagami supposent que Ieyasu ne fit pas que recompiler et publier le texte. Ils vont jusqu’à envisager que le shôgun d’Edo censura la chronique de ses éléments offensants ou deshonorants pour son modèle. On lui prête cette phrase « Nous ne devrions pas apporter le deshonneur à un général célèbre. » La phrase est peut-être une fausse citation et il est difficile d’en tracer l’origine mais elle résume l’idée que le texte actuel aurait été volontairement expurgé au XVIe siècle.

Cela suppose aussi que les causes réelles de la mort de Minamoto no Yoritomo furent jugées comme deshonorantes par ses successeurs. La chute de cheval pouvait être vue comme une honte pour des samurais pour lesquels l’art équestre était un signe de valeur. L’assassinat aussi aurait été bien sûr embarrassant mais personne n’a jamais tenté de masquer les assassinats de Yoriie et Sanetomo, les fils de Yoritomo. La noyade était certainement une fin peu glorieuse pour un conquérant. Est-ce que ces raisons suffirent à persuader Ieyasu que Yoritomo méritait mieux?

La censure opérée par Ieyasu n’est en fait pas prouvée. L’épisode de la mort de Yoritomo fait partie d’une section qui contient d’autres trous et imprécisions. Le texte du Hôjô-bon n’était pas forcément totalement complet et d’autres versions, issues de collections seigneuriales séparées, sont toutes aussi imprécises. Rien dans le texte ne prouve vraiment qu’il ait été « nettoyé » au début de l’époque Edo. Que nous reste-t-il en fin de compte? Beaucoup de suppositions ont été avancées mais aucune ne peut être confirmée ou prouvée. Les sources sont lacunaires, partisanes et peut-être manipulées. Cela n’empêche pas de penser que les sources restent volontairement obscures sur un évènement aussi important. On peut constater que l’idée de la chute de cheval, associée à l’élément de l’eau suggère que l’hypothèse d’une noyade causée par la chute de cheval pourrait être proche de la réalité. Elle est suffisamment banale pour avoir été passée sous silence, c’était une fin vraiment peu digne de l’homme qui avait soumis le Japon pour devenir le maître des guerriers.

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