La dynastie Tokugawa a gouverné le Japon du début du XVIIe siècle jusqu’au milieu du XIXe siècle, donnant naissance à la période Edo. D’où venaient-ils et que sont-ils devenus ? Etudier la généalogie d’une des grandes dynasties japonaises est riche en détails sur les mœurs des familles samurais. Qui étaient les Tokugawa?
La généalogie représentée ci-dessous est disponible à la fin de l’article.
Comment Ieyasu a inventé les Tokugawa.
Pour comprendre ce que furent les Tokugawa il faut commencer par le membre le plus important de la famille. Le fondateur du shogunat d’Edo, Tokugawa Ieyasu (1543-1616) qui ne porta pas ce nom toute sa vie. Dans son enfance il était Takechiyo et faisait partie du shizoku (famille notable) Matsudaira (松平). Cette famille était un clan d’importance secondaire de propriétaires terriens originaires du Nord de la province de Mikawa. Il existe toujours un village appelé Matsudaira. Son ancêtre connu le plus lointain était Matsudaira Chikauji au XIVe siècle mais la famille n’avait pris de l’importance qu’au XVIe siècle avec le grand-père de Ieyasu, Matsudaira Kiyoyasu. Le père d’Ieyasu, Matsudaira Hirotada était parvenu à prendre le contrôle de toute la province de Mikawa avant d’être vaincu par ses voisins Imagawa.
Le jeune Takechiyo (Ieyasu) fut envoyé en otage chez Imagawa Yoshimoto à Sunpu (Shizuoka) et lorsqu’il devint adulte il prit le nom de Matsudaira Motoyasu (松平 元康). Le premier idéogramme 元 lui ayant été attribué par Yoshimoto comme un honneur mais aussi une marque de soumission. Yoshimoto obligea aussi Motoyasu à épouser une de ses filles dont il eu son premier fils. Changer de nom n’était pas rare au Japon, le choix du nom reflétait souvent une situation et tout changement dans cette situation invitait un changement de nom.
Dans le cas de Motoyasu, ce changement intervint en 1560 lorsque Oda Nobunaga tua Yoshimoto à la bataille d’Okehazama. Le clan Matsudaira se retrouva libéré de ses obligations et reprit son indépendance en s’alliant avec les Oda. Motoyasu décida alors de changer de prénom pour devenir Ieyasu (家康), éliminant ainsi l’idéogramme symbolisant sa soumission aux Imagawa. Il pétitionna la cour impériale pour changer son nom de Matsudaira en Tokugawa (徳川), chose accordée en 1567.
Un nom et un programme
D’où venait ce nom ? Les sources dont nous disposons viennent du clan Tokugawa et sont donc sujettes à caution. Ieyasu s’est trouvé (inventé) un ancêtre, Tokugawa Chikasue, dont on ne sait rien sauf qu’il aurait été un fils de Nitta Yoshimune, lui-même issu d’une branche du célèbre clan Nitta. Pourquoi choisir les Nitta ? Les Matsudaira étaient des provinciaux sans passé et Ieyasu, seul maître d’une province entière, souhaitait augmenter son prestige par un meilleur pedigree. Celui des Nitta était impeccable.
Les Nitta étaient une branche cadette des clans Minamoto et Ashikaga (par Minamoto no Yoshishige au XIIe siècle). Les deux dynasties shogunales qui avaient régné sur le Japon depuis le XIIe siècle. Ce lien permettait aux Tokugawa de revendiquer leur appartenance à l’une des 4 Honsei (familles nobles) du Japon : Fujiwara, Tachibana, Taira et Minamoto. Ieyasu porta dès lors le titre honorifique de Minamoto-no-Ason en plus de celui de Mikawa-no-kami (gouverneur de Mikawa). Un autre détail avait son importance, la tradition voulait que le titre de shogun soit réservé aux membres du clan Minamoto, tout seigneur ambitieux devait garder ce détail en tête, raison de plus pour ne plus être un simple Matsudaira.
Fonder une famille c’est bien, fonder une dynastie c’est mieux.
Sous la conduite d’Ieyasu, le clan Tokugawa prit une importance toujours croissante au point de devenir un des clans majeurs au niveau national. Après la mort de Nobunaga en 1582, Ieyasu contesta l’hégémonie de Toyotomi Hideyoshi avant de se rallier à lui. A la mort d’Hideyoshi en 1598, Ieyasu se retrouva en position de conquérir cette hégémonie sur le Japon, ce qu’il fit avec sa victoire à Sekigahara en 1600. Deux années plus tard il prenait le titre de shogun, ce que sa filiation revendiquée (inventée ?) avec les Minamoto lui permettait. Ainsi naquit la troisième dynastie shogunale.
La conquête du pouvoir n’était cependant pas une fin en soi pour Ieyasu qui entreprit alors de fonder un régime stable fondé sur une dynastie durable. Tokugawa Ieyasu avait de nombreux fils, il dut donc mettre de l’ordre dans sa succession. Son premier fils, Matsudaira Nobuyasu, petit-fils d’Imagawa Yoshimoto, avait été contraint au suicide en 1579 parce qu’il avait conspiré contre Nobunaga. Ieyasu n’aimait pas ce fils issu de son tourmenteur et laissa faire. Le deuxième fils, Matsudaira Hideyasu, avait été donné à adopter à Hideyoshi. C’était alors une pratique courante qui permettait de sceller des alliances aussi bien qu’un mariage dynastique mais le bénéficiaire était logiquement exclu de la succession.
Assurances sur l’avenir
C’est le quatrième fils, Tokugawa Hidetada (1579-1632), qui devint l’héritier logique, celui que son père prépara au gouvernement. Ieyasu craignait que sa dynastie s’éteigne par manque d’héritier comme cela avait été le cas des Minamoto, ou se retrouve pris dans des luttes de succession comme pour les Ashikaga. Il instaura donc une règle de succession claire. Les trois derniers fils du shogun, Yoshinao, Yorinobu et Yorifusa, reçurent le droit de porter le nom shogunal et furent dotés de grands domaines. Yoshinao reçut la province d’Owari (Nagoya), Yorinobu eut celle de Kii (Wakayama) et Yorifusa eut le domaine de Mito (près d’Edo). Ils formèrent dès lors les Gosanke, les trois familles qui devaient succéder à la branche principale en cas d’extinction. Ces trois familles restèrent puissantes et fournirent de précieux alliés aux shoguns durant toute la période Edo.
Après Ieyasu, les Tokugawa à l’épreuve du temps
Du vivant de Ieyasu la branche principale de la famille était encore là, imposant fermement son autorité sur sa vaste parenté. Ieyasu abdiqua son titre en 1605 au profit de son fils Hidetada afin d’assister, ou plutôt surveiller, ses premières années. Ieyasu voulait assurer une transition calme qu’il étendit à la génération suivante en montrant sa faveur à son petit-fils, le futur shogun Iemistu, qui portait le même prénom d’enfance que lui, Takechiyo. Lorsque Ieyasu mourut en 1616 Hidetada n’eut qu’à assumer la totalité de l’autorité qu’il exerçait déjà depuis 10 ans. Le 2e shogun complèta l’œuvre stabilisatrice de son père en forçant l’empereur de l’époque, Go-Mizunoo, à épouser sa fille Masako, mêlant ainsi le sang des Tokugawa à celui des empereurs.
Les Tokugawa s’assuraient ainsi de contrôler la cour impériale. L’impératrice Meishô, à la génération suivante, était ainsi la petite-fille du shogun. Les actuels empereurs ne sont cependant pas ses descendants puisque le trône passa ensuite à un demi-frère. Comme son père avant lui, Hidetada abdiqua en 1623 au profit de son fils Tokugawa Iemitsu (1604-1651). Ce dernier était l’héritier légitime mais à la mort d’Hidetada en 1632 il fut contraint de tuer son frère Tadanaga qui avait tenté de le renverser. Iemitsu représenta sans doute l’apogée de l’autorité shogunale en éliminant tous les contre-pouvoirs. Les Tokugawa exerçaient désormais une autorité naturelle fondée sur le droit de vainqueur et sur l’ordre retrouvé. Le 3e shogun complèta ainsi l’oeuvre de Ieyasu et Hidetada en installant la dynastie dans la durée et la stabilité.
La longue paix des Tokugawa
Contrairement à l’exemple de ses parents, Iemitsu resta en poste jusqu’à sa mort en 1651 mais la succession était claire et incontestée. Son fils Tokugawa Ietsuna (1641-1680) lui succéda et ne modifia rien de la politique de son père. Durant une courte régence il garda les mêmes conseillers, ce qui ne changea pas à l’âge adulte. Ietsuna mourut cependant sans fils en 1680. Le pouvoir passa alors à son frère survivant Tokugawa Tsunayoshi (1646-1709).
Le 5e shogun vécut durant la riche époque Genroku qui vit le fleurissement de la culture urbaine d’Edo mais il fut un piètre shogun. Ses décisions, associées à une série de catastrophes naturelles, affaiblirent le shogunat et endommagèrent son prestige auprès de la population, c’est sous son règne qu’eu lieu la célèbre affaire des 47 rônins d’Ako. Tsunayoshi n’avait pas de fils, la succession devait alors aller, contre la volonté du shogun, à son neveu Tokugawa Ienobu (1662-1712).
A sa mort en 1709 le soulagement fut général et Ienobu devint le 6e shogun. Ienobu était déjà âgé et ne règna pas longtemps mais il revint sur la plupart des décisions de son oncle et fut donc très populaire. A sa mort en 1712 il ne laissait qu’un enfant mineur pour lui succéder. Le jeune Tokugawa Ietsugu (1709-1716) mourut à 7 ans, sans héritier. Les Tokugawa se retrouvaient face à leur première crise de succession.
A Kii le tour?
La prévoyance de Ieyasu portait enfin ses fruits, les Gosanke étaient là pour prendre le relais. Les principaux conseillers du shogunat avaient le choix entre plusieurs candidats issus des trois familles. Ces proches conseillers qui formaient le groupe des rôjû venaient des familles vassales les plus importantes depuis l’époque d’Ieyasu. Leur position héréditaire et leur fidélité à toute épreuve garantissait théoriquement un jugement impartial dans la recherche du bien du clan shogunal.
L’idée de fidélité avait glissé au cours du XVIIe siècle vers une fidélité envers la famille du suzerain plutôt qu’un des chefs de famille successifs. Par l’âge et les talents ce fut Tokugawa Yoshimune (1684-1751), du domaine de Kii, qui se distingua. Yoshimune n’était destiné à régner, il n’était même pas l’héritier du domaine de Kii mais la mort de son frère l’avait poussé sur les rangs. Il était un administrateur compétent, un chef charismatique et il fut capable de relever l’économie de son pays. Il est considéré comme un des meilleurs shoguns de la dynastie. Yoshimune avait aussi conscience que le système mis en place par Ieyasu arrivait à son terme et qu’il devait innover.
Le long XVIIIe siècle des Tokugawa
Le nouveau shogun était issu des Gosanke. Sa légitimité n’était pas plus forte que les autres membres des trois familles. Il devait se méfier de l’ambition des Tokugawa d’Owari et de Mito qui pouvaient éventuellement devenir des rivaux. Il décida donc d’écarter leurs prétentions en fondant trois nouvelles lignées destinées à garantir sa succession. Les Gosankyô furent attribuées à des fils puinés, Munetake, Munetada et Shigeyoshi (qui était en fait un petit-fils de Yoshimune). Contrairement aux Gosanke, ils ne furent pas dotés de domaines. les Gosankyô furent richement dotés mais devaient rester à portée de main, au service immédiat du shogunat. Les lignées Tayasu, Hitotsubachi et Shimizu furent ainsi fondées. Yoshimune avait aussi une autre raison de procéder ainsi. En bon néo-confucéen le shogun tenait à transmettre le pouvoir à son fils aîné.
Un bon père, mais…
Nous l’avons vu à l’époque de Ieyasu, le droit d’aînesse n’était pas un règle aussi forte qu’en Europe. Le confucianisme recommandait que l’aîné succède au père. Les siècles de guerres civiles avaient appris aux samurais que l’aîné n’était pas forcément le meilleur choix. Au contraire de ce son entourage souhaitait, Yoshimune affirma que son fils aîné succèderait quoiqu’il en coûte. Tokugawa Ieshige (1712-1761) était pourtant malade et quasiment incapable de communiquer normalement.
De nombreux vassaux demandèrent à Yoshimune de réviser sa succession en faveur d’un autre fils, sans succès. Yoshimune craignait probablement que son fils n’ait pas de descendant ou qu’un de ses frères le renverse. Il prit donc soin d’abdiquer en 1745 pour épauler son successeur. Le 9e shogun était donc un homme diminué mais qui, grâce aux précautions de son père, fut capable de gouverner 10 années seul après la mort de Yoshimune en 1751 et transmettre le pouvoir en abdiquant en faveur de son fils Ieharu en 1760. Ce fut Tokugawa Ieharu (1737-1786) qui brisa la succession en mourant sans héritier. La deuxième crise de succession éclatait.
Ienari, shogun hyperactif (pour certaines choses)
Yoshimune était décédé depuis moins de vingt ans quand son système fut mis à l’épreuve. A la mort d’Ieharu son successeur fut sélectionné dans la lignée Hitostubachi. Encore une fois les proches conseillers du shogun précédent pesèrent lourdement dans le choix du nouveau chef de clan. Le jeune Tokugawa Ienari (1773-1841) était le choix de conseillers conservateurs. Ils souhaitaient se garder d’un shogun réformateur comme avait été Yoshimune.
Le shogunat était alors déjà entré dans une phase d’immobilisme et de crise économique chronique. Ienari devint le 11e shogun alors qu’il sortait à peine de l’adolescence, son règne fut long et confirma la lente stagnation du shogunat, figé dans ses traditions. Ienari était globalement peu intéressé par le gouvernement mais il ne resta cependant pas inactif. Il resté dans les mémoires pour son énorme appétit sexuel. Il produisit pas moins de 60 enfants durant ses cinquante années de règne.
Tous ces descendants pouvaient représenter une menace mais les traditions japonaises permirent de régler facilement le problème. Ienari s’était assuré d’un fils aîné pour hériter avec quelques frères comme roues de secours. Quant aux autres, les filles furent mariées et les fils envoyés en adoption. Ces derniers furent donnés, comme un honneur, à des familles vassales ou alliées même lorsqu’elles avaient déjà des héritiers. Cela permit de renforcer les liens entre le shogunat et les autres clans. Cela permettait aussi de prendre le contrôle de certains de ces clans en imposant le fils du shogun comme héritier. Il imposa ainsi son fils Nariyuki à ses puissants cousins Tokugawa de Kii. Un grand nombre de familles samurais descendent ainsi de Tokugawa Ienari par un de ses fils adoptés.
Le vent se lève pour les Tokugawa
Tokugawa Ienari abdiqua en 1837 mais conserva la réalité du pouvoir jusqu’à sa mort en 1841, il fut peu regrétté. Son fils Tokugawa Ieyoshi (1793-1853) lui succéda. Le Japon connut alors des périodes famines intenses. Elles contribuèrent à affaiblir un peu plus l’action du shogunat et son prestige. Le clan Tokugawa semblait sclérosé quand en 1853 les navires américains du commodore Perry vinrent forcer l’ouverture des ports japonais. Le shogun Ieyoshi mourut dans la foulée, privant les Tokugawa de son chef. Ce vide intervenait alors que Perry était dans la baie d’Edo, exigeant des réponses immédiates à son ultimatum.
Le fils de Ieyoshi, Tokugawa Iesada (1824-1858) lui succéda et dut gérer une convergence des crises. La crise extérieure représentée par les Occidentaux et celle de l’intérieur représentée par les partisans d’une restauration de l’empereur. Le shogunat se retrouvait entre le marteau et l’enclume. Il devait négocier avec les Occidentaux mais se montrer assez ferme pour ne pas être débordé par les partisans de l’empereur. Le clan Tokugawa semblait tout à fait incapable de continuer à louvoyer et se retrouva pris dans des positions contradictoires, tenant un double discours face aux Occidentaux et à son peuple. C’est dans ces conditions qu’Iesada décéda à son tour de maladie après un court règne. Il n’avait pas de fils. Les Tokugawa rencontraient leur troisième crise de succession au pire moment imaginable.
Durer, coûte que coûte
L’autorité du gouvernement du shogunat était alors principalement dans les mains des principaux vassaux et conseillers du régime. Ils étaient cependant divisés sur les réponses à apporter aux crises. Plusieurs candidats à la succession shogunale incarnèrent alors des lignes divergentes. Le favori fut longtemps Hitotsubachi Yoshinobu (1837-1913). Yoshinobu avait un parcours particulier.
Il était le fils de Tokugawa Nariakira de Mito, un chef des Gosanke. Nariakira était un partisan de l’empereur et de l’expulsion des étrangers. Sa voix avait du poids parmi les daimyôs japonais et il incarnait l’espoir de beaucoup de opposants du shogunat. Il avait éduqué son fils depuis l’enfance pour en faire le shogun parfait et l’instrument de sa vision. Les Gosanke avaient cependant été relégués depuis un siècle à l’arrière de la ligne de succession. Nariakira décida d’augmenter les chances de son fils en le faisant adopter dans la lignée Hitotsubachi des Gosankyô. De cette manière, à la mort de Iesada, Yoshinobu était devenu un candidat sérieux mais craint.
La dernière alliance
Les conseillers de Iesada, souhaitaient une ligne politique conciliant l’accueil des étrangers et la fermeté face aux révolutionnaires. Ils préférèrent Tokugawa Iemochi de Kii (1846-1866), qui venait pourtant des Gosanke. Il était en fait un petit-fils du shogun Ienari par son fils adopté par les Kii-Tokugawa. Par le sang, Iemochi était plus proche de la branche aînée que Yoshinobu et il devint le 14e shogun. Pour renforcer la légimité du jeune Iemochi et restaurer la concorde entre l’empereur et le shogun, une alliance fut proposée. Il fut décidé que Iemochi épouserait la princesse Kazu, fille de l’empereur Ninkô. Cette alliance était un tour jamais vu dans l’histoire du Japon. La famille impériale ne se mélangeait avec les rustres guerriers. Cette alliance des deux cours aurait pu changer l’histoire du Japon mais elle ne dura pas. Iemochi mourut de maladie en 1866, sans héritier.
Yoshinobu guide les Tokugawa vers la sortie
La situation du shogunat n’avait fait qu’empirer sous le règne de Iemochi avec la rébellion ouverte du domaine de Chôshû. Chôshû s’allia avec d’autres clans puissants de l’Ouest, Satsuma et Tosa, pour réclamer la restauration du pouvoir impérial. Ils accusaient les Tokugawa d’usurper le pouvoir de l’empereur et de se montrer faibles face aux Occidentaux. Le shogunat avait pourtant jeté les premières bases d’une modernisation du pays. Avec la mort du jeune espoir qu’était Iemochi, ils se retrouvèrent était à bout de solutions et acceptèrent de nommer Tokugawa Yoshinobu comme 15e shogun même s’il n’était pas le plus proche par le sang.
Yoshinobu, contrairement aux souhaits de son père, n’était pas hostile aux étrangers, dont il voulait plutôt utiliser le savoir. Il n’était pas non plus borné dans une opposition à la cour et montra qu’il était prêt à coopérer. Le mérite de Yoshinobu fut d’avoir été capable de juger la situation correctement. La décomposition du régime était trop avancée pour être remédiée. Il décida donc dans les derniers jours de 1867 d’abdiquer son rôle de shogun et restituer le pouvoir au jeune empereur Meiji. A défaut d’être shogun il ambitionnait de devenir premier ministre d’un gouvernement d’union qui réunirait les Tokugawa et ses ennemis. Cette décision mit fin à deux siècles et demi de gouvernement par les Tokugawa. Elle pava aussi le chemin à la modernisation du Japon contemporain sous le régime impérial.
Les Tokugawa après le shogunat
Le clan Tokugawa ne cessa pas d’exister avec la fin du shogunat. La famille restait puissante avec des nombreux vassaux et la plus importante armée du Japon. Les clans opposés aux Tokugawa ne se laissèrent pas tromper par l’abdication de Yoshinobu. Ils provoquèrent le déclenchement de la guerre civile de 1868 pour régler leurs comptes. La défaite écrasante de Toba-Fushimi en janvier 1868 convainquit Yoshinobu de refuser la lutte pour écourter le conflit et la transition.
Il abandonna ses troupes à Osaka et se constitua prisonnier du nouveau gouvernement impérial. Il fut assigné à résidence et destitué de son rôle de chef de famille. Dans les mois qui suivirent le clan Tokugawa s’effondra. Ses vassaux se dispersèrent, le château d’Edo se rendit à l’armée impériale sans violence. La dernière guerre civile du Japon durant moins d’un an. Pour beaucoup d’anciens vassaux des Tokugawa, Yoshinobu avait trahi et fut considéré comme un lâche.
Savoir changer pour survivre
Le gouvernement impérial se trasnféra dans la nouvelle capitale, Tôkyô, et saisit les biens des Tokugawa. Ils purent aussi nommer un successeur à la tête du clan. Leur choix se porta sur Tokugawa Iesato (1863-1940) de la lignée Tayasu. Il n’avait alors que 5 ans et pouvait ainsi être manipulé aisément. Dans les années qui suivirent le régime de Meiji démantela la société féodale, confisquant les domaines, supprimant le statut des samurais et fondant une société industrialisée moderne. Tous les Shizoku furent contraints abandonner leurs domaines et leurs vassaux. Pour les convaincre de cette nécessité beaucoup d’anciens daimyôs restèrent temporairement gouverneurs des nouvelles préfectures et furent dédommagés. L’empereur Meiji créa ensuite une nouvelle noblesse par le système des Kazoku. Ce système réunissait l’ancienne noblesse de cour, les shizoku guerriers et la nouvelle noblesse industrielle en formation.
Tokugawa Iesato fut nommé prince Tokugawa et poursuivit une carrière politique longue et fructueuse. Il fut à plusieurs reprises suggéré comme premier ministre mais son nom bloqua toujours sa nomination. Beaucoup craignait encore le symbole que représentait le nom de Tokugawa. Iesato mourut en 1940 sous le règne de l’empereur Hirohito, peu avant le début de la Deuxième Guerre Mondiale.
Tokugawa Yoshinobu resta sous résidence surveillée durant la majeure partie de sa vie. Son rôle dans la transition rapide vers le gouvernement de Meiji fut finalement reconnu en 1902. Il fut nommé prince Tokugawa d’une lignée parallèle à la famille principale et il transmit son titre à son fils. Le système des kazoku perdura jusqu’en 1946. Il fut aboli par la nouvelle constitution née de la défaite face aux Etats-Unis. Les anciennes familles nobles perdirent leurs privilèges et leur prestige mais n’en perdurèrent pas moins, les Tokugawa aussi.
Les Tokugawa au XXIe siècle
Qui est l’actuel chef du clan Tokugawa ? Il n’y a pas de difficulté à répondre à cette question. En 2017 s’éteignit Tokugawa Yoshitomo, dernier descendant de la lignée de Yoshinobu. Il représentait une lignée parallèle au clan Tokugawa lui-même qui est actuellement dirigé par Tokugawa Tsunerari, 81 ans, 18e chef de famille et président de la fondation Tokugawa qui protège les sites liés à l’histoire de la famille. Son fils, Tokugawa Iehiro, futur chef de famille est un traducteur et un auteur spécialisé dans l’héritage de l’époque Edo. Les Tokugawa ne sont plus qu’une famille privée parmi d’autres mêmes s’ils conservent une fortune privée. Ils sont aussi apparentés à la famille impériale puisque Tsunenari est un second cousin de l’ancien empereur Akihito. Les Tokugawa continuent à illustrer la permanence des anciennes familles japonaises. Ils font la continuité avec le passé riche que leurs ancêtres ont façonné.