Les mystères des Trésors Impériaux du Japon

Qui a vu Indiana Jones ou Tomb Raider est familier avec l’idée d’objets mythiques d’une grande importance culturelle ou religieuse. Que ce soit le Saint Graal, Excalibur ou d’autres reliques ces objets excitent l’imaginaire et sont l’objet de nombreux fantasmes. Le Japon dispose des siens, trois objets pour être précis, les Sanshû no Jingi, les Trois Trésors Impériaux. Il ne s’agit rien de moins que des insignes impériaux du Japon remontant à l’aube du Soleil Levant et pour lesquels des guerres ont été combattues.

目次

Origines et description

Les Sanshû no Jingi sont ce que l’on appelle des regalia, c’est à dire des objets qui symbolisent l’autorité d’un souverain. Par comparaison les regalia des rois de France étaient la couronne, l’épée de Charlemagne, le sceptre et la main de justice. Au Japon les regalia sont les objets en possession de la famille impériale, plutôt que de l’empereur seulement, et servent à légitimer son accession au trône. L’idée peut sembler archaïque mais la cérémonie d’intronisation de l’empereur actuel en 2019 incluait la remise des trois insignes. Ils existent et leur importance culturelle est réelle. Les Trois Trésors Impériaux sont composés d’une épée, d’un miroir et d’un bijou dont l’origine remonte aux temps mythologiques du Japon. De quoi s’agit-il?

L’épée

Susanoo terrasse le serpent Yamata no Orochi dont il tira ensuite l’épée Kusanagi.

Elle est connue sous le nom de Kusanagi no Tsurugi (l’épée sacrée qui coupe les herbes) mais son nom officiel est Ame no Murakumo no Tsurugi (l’épée sacrée d’Ame no Murakumo). Dans la mythologie japonaise le dieu Susanoo l’aurait tirée du corps du serpent Yamata no Orochi qu’il combattit à Izumo (préfecture de Shimane). Il fit plus tard don de cette épée à sa sœur Amaterasu Ômikami, la déesse du Soleil, pour se réconcilier avec elle. Plus tard, Amaterasu donna son épée, avec les deux autres trésors, à son petit-fils, Ninigi no Mikoto lorsque celui-ci fut envoyé sur Terre pour civiliser le monde des hommes, un évènement que l’on nomme le Tenson Kôrin. L’épée fut ensuite transmise à ses descendants dont son petit-fils Jinmu qui devint le premier empereur du Japon. Depuis cette époque l’épée fut transmise à chaque génération. Quelques siècles plus tard le fils de l’empereur Keikô, le héros Yamato Takeru, subtilisa l’épée afin de soumettre les peuples de l’Est du Japon. Yamato Takeru est l’équivalent d’un héros culturel aux nombreux exploits. Il fut un jour attaqué par un chef ennemi qui mit le feu à des hautes herbes. Takeru utilisa son épée pour se tailler un chemin et vaincre ses ennemis. C’est de là que viendrait le surnom de Kusanagi.

Yamato Takeru échappe à ses assaillants dans les hautes herbes en flamme, il porte l’épée Kusanagi.

Les Trois Trésors ne sont pas visibles et n’ont jamais été représentés, cela laisse juste des suppositions quant à l’apparence de l’épée Kusanagi. Si l’épée existe toujours, nous verrons que cela reste à discuter, elle ne devrait pas ressembler à un sabre japonais. Les sabres comme les tachi sont apparus durant l’époque Heian (au plus tôt au VIIIe siècle) et les katana sont encore plus tardifs. Kusanagi est beaucoup plus ancienne et devrait donc ressembler aux épées des époques Yayoi et Kofun. C’est-à-dire une épée droite à deux tranchants similaire à ce que l’on pouvait trouver sur le continent. On pourrait penser qu’il s’agit d’une épée de bronze mais le fer est arrivé au Japon à la même période, durant le Yayoi, et les armes de bronze sont vite devenus des objets purement rituels placés dans les tombes. La plupart des épées légendaires de ce type sont d’ailleurs réputées pour leurs pouvoirs ou leur grande résistance, ce qui cadre plutôt avec une épée de fer dans un époque de transition depuis le bronze.  Les hypothèses ne manquent pas à propos de Kusanagi. On va jusqu’à supposer qu’elle a été produite au moyen de tatara, une méthode utilisant un sable riche en fer récolté dans les rivières au Japon. Il n’en faut pas plus pour identifier le serpent Yamata no Orochi avec le cours sinueux d’une rivière dont on aurait tiré le métal pour réaliser l’épée.  

L’empereur émérite Akihito précédé de l’épée Kusanagi lors de la cérémonié d’abdication en 2019.

Nous disposons en fait d’un témoignage direct sur son apparence. Au XVIIIe siècle le sanctuaire Atsuta de Nagoya, qui conserve l’épée, entreprit des travaux de restauration de la boîte de bois enfermant l’épée Kusanagi. Un prêtre appelé Matsuoka Masanao et d’autres serviteurs du sanctuaires témoignèrent avoir aperçu l’épée elle-même, fournissant une description. A l’intérieur du coffre de bois se trouvait un coffre de pierre de 150 cm de long. L’espace entre le bois et la pierre était comblé par une agrile rouge.  A l’intérieur du cofffre de pierre se trouvait une buche de camphre, une essence réputée imputréscible qui avait été évidée pour contenir l’épée. Le camphre était aussi isolé de la pierre par la même argile rouge. L’épée faisait, dit-il, 82 cm de long et avait la forme d’une feuille de jonc. La couleur de l’épée était blanche et elle était en bon état, son métal n’est pas précisé. Cette indiscrétion fut connue et sévèrement punie, le grand-prêtre fut exilé et, comme il se doit dans les histoires de trésors maudits, Matsuoka et les autres prêtres finirent pas succomber à une maladie. Cette histoire fut rapportée à l’époque Edo mais ne peut être confirmée par d’autres sources. Même si le témoignage est authentique nous verrons que Matsuoka n’a peut-être pas forcément vu la bonne épée.

Le miroir

Le miroir est connu comme le Yata no Kagami (le miroir de huit mesures), un nom qui est aussi une description et indique l’objet faisait 46 centimètres de diamètre selon les mesures de l’époque. L’objet a lui aussi une origine mythologique. Le mythe central d’Amaterasu raconte comment la déesse, furieuse des insultes répétées de son frère Susanoo, se serait cachée dans une grotte, privant le monde de lumière. Les divinités de Takamagahara durent se réunir pour faire sortir Amaterasu mais sans succès. La déesse Ame no Uzume aurait alors eu l’idée de s’exhiber dans une danse très révélatrice, sous les encouragements et les rires des divinités, probablement plus les dieux que les déesses. Poussée par la curiosité Amaterasu aurait jeté un coup d’œil à l’extérieur et se serait trouvée face à un visage fascinant, le sien, reflété dans un miroir pendu à la sortie de la grotte. Le moment de fascination permit aux divinités de tirer la déesse du soleil de son isolement. Plus tard Amaterasu remit le miroir avec les autres insignes à Ninigi no Mikoto, transmis ensuite à la famille impériale.

Ame no Uzume attire la déesse Amaterasu hors de sa grotte, Le miroir Yata est représenté pendu à un arbre à droite.

Les miroirs sont des objets sacrés dans le shintoïsme, on les trouve couramment exposés face aux tables d’offrandes des sanctuaires un peu partout au Japon. Ils symbolisent la présence de la divinité et peuvent même être des shintai, c’est-à-dire un objet de vénération pouvant contenir l’esprit d’une divinité. C’est le cas avec le Yata no Kagami dont le nom fut tout d’abord un nom commun pour ce type de miroir déposé dans un sanctuaire. Il faut imaginer que les miroirs traditionnels japonais étaient de forme circulaire avec une face polie et l’autre face posée sur un châssis de bois pliable. Cette face pouvait être richement ornée de motifs géométriques, floraux ou animaliers selon les époques. Ils étaient généralement réalisés en bronze. Ce type de miroir est arrivé au Japon depuis la Chine et on sait que la dynastie chinoise des Wei offrit aux rois locaux du Japon des miroirs comme cadeaux diplomatiques. Des exemplaires similaires de toutes tailles ont été mis à jour et sont exposés au Musée National de Tôkyô.

Miroir placé à l’entrée du Honden, la bâtiment principal d’un sanctuaire shintô, lors d’une cérémonie.

Le bijou

Le bijou est connu comme le Yasaka no Magatama. Son histoire est beaucoup plus simple puisque ce bijou était pendu avec le miroir Yata qui fit sortir Amaterasu de sa grotte. C’est naturellement qu’il prit le même chemin que l’épée et le miroir entre les mains de Ninigi no Mikoto.

Exemples de magatama en jade et jadéite.

Il s’agit d’un magatama, un bijou ancien très répandu au Japon et dont on a des traces dès l’époque Jômon. Imaginez une sorte de chiffre neuf incluant même le trou. Les taoïstes de Chine ont voulu y voir la moitié du signe que nous connaissons sous le nom de « Ying-yang ». Ce type de bijou a été souvent retrouvé dans les tombes de l’époque Yayoi et Kôfun mais c’est plus que cela. La forme du magatama renvoie à un passé chamanique très ancien qui couvre l’ensemble de l’Eurasie. On retrouve sa forme en Corée (sous le nom de gogok), en Chine et jusque dans les tombes scythes de l’actuelle Ukraine. La forme évoque en fait la griffe d’un tigre et dans la pensée animiste il recouvre la puissance de cet animal. Les magatamas retrouvés dans les tombes japonaises sont souvent de jade mais aussi d’autres pierres semi-précieuses ou de quartz. On les portait en colliers ou comme ornements sur les vêtements. On ignore la taille ou la matière du magatama Yasaka mais sa forme et son apparence laissent peu de place au doute.

Au final la liste des Trésors Impériaux est assez classique. Les sources à notre disposition comme le Nihon Shoki et le Kojiki sont nos plus anciennes références sur les trois objets. Les sources nous indiquent aussi que la triade épée-miroir-bijou était courante comme symbole d’autorité. Ainsi l’empereur Chûai aurait reçut des insignes similaires après avoir vaincu le peuple des Kumaso (dans le Kyûshû?) et la princesse Kamunatsuso de Suo aurait remis les siens à l’empereur Keikô en signe de soumission. Les fouilles archéologiques des tombes kôfun a aussi révélé des miroirs, épées et magatama en quantités et qualités variables, montrant qu’il s’agissait d’objets de prestige.

On retrouve régulièrement cette image lorsqu’on cherche à quoi ressemble les Sanshû no Jingi. L’image est utile car elle présente des objets similaires dans le style de l’époque correspondant aux Trésors. Même s’ils ne sont pas identiques ils fournissent un aperçu en accord avec ce que l’on sait.

Les regalia se distinguent cependant parce que sont des objets appartenant à la famille du Yamato, qui unifia le Japon à partir du Ve siècle. Ils sont donc des symboles de la domination de cette dynastie et de la formation de l’Etat japonais. Ils créent aussi un lien mythique direct entre la lignée impériale et son ancêtre la déesse Amaterasu. C’est pour cela qu’ils sont qualifiés de « Jingi », c’est-à-dire des objets, yorishiro, incarnant un esprit divin. L’épée Kusanagi est même considérée comme le shintai de la déesse Amaterasu. Ils permettent ainsi de distinguer la famille impériale de toutes les autres familles nobles, prouvant leur ascendance sacrée et la continuité de leur lignée ininterrompue depuis l’aube du Japon. A ce titre ils sont une garantie d’authenticité de la famille impériale. Ce n’a pas toujours été le cas.

Comment créer des reliques?

En 2019 l’ancien empereur Akihito abdiqua au profit de son fils le prince Naruhito. Quelques mois plus tard en octobre 2019 eurent lieu les cérémonies formelles d’intronisation du nouvel empereur. Que ce soit lors de ces cérémonies ou lors de la transmission du pouvoir les insignes impériaux furent mis en avant. Personne ne les vit car ils étaient enfermés dans des boîtes de bois enveloppées dans des tissus de brocard mais ils furent posés au plus près de la personne du nouvel empereur. Quelques jours auparavant les médias relayaient massivement le transport officiel de l’épée Kusanagi et du miroir Yata depuis leurs lieux de repos habituels jusqu’à Tôkyô, en shinkansen. Le message était clair, l’empereur était le porteur des emblèmes impériaux transmis dans une ligne ininterrompue remontant directement à la déesse Amaterasu, ils sont la preuve de sa légitimité et sont indispensables aux cérémonies impériales.

New Japanese Emperor Naruhito (on dais) inherits the imperial regalia of sword and jewel at the Imperial Palace in Tokyo on May 1, 2019. (Pool photo)(Kyodo) ==Kyodo (Photo by Kyodo News Stills via Getty Images)

Cette interprétation des trésors impériaux est fortement liée à la restauration Meiji du XIXe siècle lorsque le Japon se transforma en une monarchie de droit divin. Le Shintô devint une religion d’Etat dont l’empereur était le chef. La légitimité de l’empereur et de l’Etat même se trouvait dans son ascendance divine qui en faisait un être à part. L’empereur était le corps de la nation, une idéologie connue sous le nom de Kokutai qui resta la doctrine officielle jusqu’en 1945. Même après la création de l’Etat actuel du Japon, l’interprétation officielle des Trois Trésors resta inchangée, même si elle n’a plus de rôle dans la définition de l’Etat japonais. Les Trésors restent dans l’imaginaire japonais des objets non seulement sacrés mais aussi inviolables, invisibles et éternels mais cette situation n’est ni ancienne, ni permanente.

L’empereur Meiji est représenté en compagnie d’empereurs du passé et de divinités. Amaterasu Ômikami est représentée à droite porteuse du miroir Yata, du bijou Yasaka et de l’épée Kusanagi.

Premières mentions des trésors impériaux.

Nos premières sources sur les insignes sont les chroniques impériales Nihon Shoki et Kojiki, rédigées au VIIIe siècle. Ce sont les sources les plus explicites sur les trésors et d’ailleurs c’est là que l’on trouve la première mention de leurs noms officiels. Le Kojiki ne fait cependant aucune mention d’une présentation des insignes lors de l’intronisation du souverain.  A plusieurs reprises cependant il est fait mention d’un empereur présentant ou exposant ses trésors à ses vassaux lors d’occasions variées, parfois pour l’élévation d’une épouse au rang d’impératrice. Une épée et un miroir sont mentionnés ainsi que le sceau impérial mais le magatama est le plus souvent absent. Le Yasaka no Magatama n’est mentionné que plus tardivement à partir du règne de l’impératrice Jitô (VIIe siècle). Les mentions évoquées portent presque toutes sur des règnes légendaires ou semi-mythiques entre le IIe siècle et le VI siècle CE, une époque où nous ne sommes même pas certains de l’existence d’un royaume du Yamato. Ces mentions pourraient être des reconstructions à posteriori du VIIIe siècle CE. Les insignes impériaux semblent alors considérés comme des trésors familiaux mais pas comme des objets porteurs de légitimité politique.

A l’époque Asuka les Sanshû no Jingi, trésors familiaux de la famille régnante, restaient dans le palais du souverain.

C’est à partir du VIIe siècle, sous les empereurs Tenji puis Tenmu, que le royaume du Yamato se transforma réellement en empire japonais avec à sa tête un Tennô par nature supérieur à la noblesse qu’il dominait. C’était l’aboutissement d’un processus visant à créer une monarchie centralisée et absolue de type chinois. Le Nihon Shoki et le Kojiki faisaient partie de ce processus de sacralisation de l’empereur en mettant par écrit, peut-être en inventant, une généalogie impériale remontant aux dieux. C’est dans ces chroniques que les récits mythologiques entourant les objets furent développés. Ces récits affirment l’ancienneté de la famille impériale ainsi que son importance nationale au détriment des mythes et divinités locales. Les Sanshû ni Jingi ne sont plus les trésors familiaux de la familles régnante du Yamato mais les reliques qui lient des divinités d’importance nationale à una dynastie sacrée par nature différente du reste de la noblesse. Il est à noter que l’importance des Trésors se rapporte toujours à la famille et à l’institution impériale plutôt qu’à un empereur. A ce moment les Trésors se définissent par des objets possédés par la famille impériale plutôt que des objets que l’empereur doit porter. Les Trois Trésors sont gagnent en visibilité, ils ont leur rôle dans les rites de la cour.

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De Trésors à reliques

La monarchie japonaise au IXe siècle CE, à travers ses empereurs forts, devait s’affirmer comme Etat civilisé sur le modèle chinois. Le régime mis en place selon les codes Ritsuryô se fonda sur les doctrines chinoises au premier rang desquels le confucianisme. Les trésors impériaux et les mythes qui les entouraient cadraient mal avec la pensée de Confucius. On leur attribua donc des valeurs confucéennes importantes affirmant ainsi l’attachement impérial à la culture chinoise par la reconversion des Trésors. L’épée devint le symbole de la bravoure tandis que le miroir illustrait la sagesse et le magatama la bienveillance du souverain pour ses sujets.

Les Trois Trésors ne sont cependant pas encore des objets qui conditionnent et rendent possible l’accession au trône. L’empereur doit les posséder mais n’en a pas forcément besoin pour accéder au trône. En 1185 l’empereur Go-Toba monta sur le trône sans les trois insignes qui étaient alors entre les mains du clan guerrier des Taira. L’exemple de Go-Toba servit à justifier que les Trois Trésors n’étaient pas absolument indispensables au moment de l’intronisation si le nouvel empereur avait été nommé par décret de son prédécesseur. Il faut en fait attendre le XIIIe siècle pour voir cette idée des Trésors comme garants de la légitimité faire son chemin. Elle apparaît dans le Jinno Shotoki, une histoire des empereurs du passé, écrite par un noble de cour, Kitabatake Chikafusa.

Kitabatake Chikafusa représenté par Yokichi Yôsai. Peu connu en dehors du Japon il fut pourtant un des penseurs les plus influents de l’histoire du pays.

Le contexte politique était très particulier. Le shogunat des Minamoto était alors en plein déclin tandis que la cour impériale relevait la tête. L’empereur Go-Daigo voulait reprendre le pouvoir directement entre ses mains et devenir un empereur régnant. Kitabatake Chikafusa, membre de la noblesse de cour, fut l’idéologue de ce qui devint la restauration de Kenmu. C’est lui qui fonda l’idéologie du Kokutai faisant de l’empereur l’incarnation de la nation, divin par nature et descendant d’Amaterasu. Paradoxalement c’est aussi lui qui théorisa la possibilité de monter sur le trône sans les Trésors sur l’exemple de Go-Toba, nous verrons pourquoi plus loin. Sous sa plume les Trois Trésors devinrent les reliques sacrées et tabous tels que nous les concevons. Ils devinrent alors un enjeu politique majeur dans les guerres civiles qui ensanglantèrent le Japon durant le reste du XIIIe siècle.

L’élaboration des Sanshû no Jingi comme regalia des empereurs du Japon apparaît donc comme le fruit d’une évolution liée à celle de la fonction impériale. Parallèlement à cette évolution les objets eux-mêmes connurent des aventures et des catastrophes qui pourraient remettre en question leur authenticité et donc leur légitimité. Les Trois Trésors existent-ils encore?

Chasses aux trésors

Aujourd’hui les trois trésors sont conservés dans trois lieux séparés. L’épée Kusanagi se trouve au sanctuaire Atsuta de Nagoya. Le miroir Yata est sous la garde du grand sanctuaire d’Ise. Le magatama Yasaka serait conservé dans un lieu appelé le Kashiko Dokoro, l’un des trois sanctuaires du palais impérial de Tôkyô. Selon d’autres versions le Kashiko Dohoro contiendrait aussi des répliques de l’épée et du miroir. Il existe effectivement des répliques, parfois très anciennes des insignes impériaux, ce qui va compliquer notre récit. Du fait de leur histoire mouvementée l’authenticité même des trésors, leur existence même peut être remise en cause. Des objets de cette valeur, porteurs d’une telle importance politique ne pouvaient qu’attirer les convoitises. Vols et guerres ont été monnaie courante durant des siècles pour les trésors sacrés.   

Photographie de l’actuel Kashiko Dokoro dans l’enceinte du palais impérial de Tôkyô (ancien château d’Edo). C’est le lieu des plus importants rites shintô prescrits par les traditions de la cour.

Vols à répétition (VI-VIIIe siècles CE)

Les complications commencent dès la plus haute époque puisque le Nihon Shoki rapporte que l’empereur Sujin (1e siècle BCE) avait fait réaliser des copies de l’épée Kusanagi. Ces copies furent conservées dans plusieurs lieux dont le sanctuaire Atsuta et le palais impérial tandis que d’autres furent données en cadeaux à des sanctuaires. Que Sujin soit considéré comme un empereur légendaire ne change rien au fait que des copies des Trésors existaient déjà probablement à la plus haute époque. Le risque de vol et d’usurpation existait et augmenta à mesure que la monarchie du Yamato se renforca.

La période Asuka fut particulièrement riche en querelles dynastiques où des factions de la cour luttaient pour imposer leur candidat au trône. En 592, Mononobe no Moriya déclencha la première guerre civile connue au Japon pour empêcher la faction bouddhiste menée par les Soga d’imposer leur candidat au trône. Lorsqu’il se révolta il est indiqué qu’il s’assura le contrôle des trésors impériaux. Cela ne changea cependant rien pour lui, il fut tué à la bataille de Shigisan et les Soga régnèrent par l’intermédiaire de l’empereur Sushun. La possession des Trésors n’était en aucune cas une garantie de victoire. Au siècle suivant le jeune empereur Kôbun fut vaincu par son oncle Tenmu qui lui confisqua les trois insignes. Un siècle encore plus tard en 764 le ministre Fujiwara no Nakamaro se révolta contre la cour. Avant de fuir la capitale de Nara il déroba les Trois Trésors, qui n’étaient pas encore séparés, pour délégitimer l’impératrice Shôtoku. Il fut vaincu lui aussi et les Trésors furent récupérés. Un peu plus tard le moine Dôkyô, ministre de Shôtoku, aurait aussi tenté de s’enfuir en Corée à la mort de celle-ci en emportant les Trésors mais cette version tient plus de la légende.

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Quand la foudre s’en mêle (1005, 1040)

Avec l’époque Heian et les règnes des empereurs forts comme Kanmu et ses frères les Trésors semblaient fermement entre les mains de la dynastie. C’est à cette époque que le sabre Kusanagi fut installé dans le sanctuaire d’Atsuta, là où Nagoya n’existait pas encore. La période Heian a été politiquement stable mais n’avait aucune garantie contre les catastrophes naturelles. En 1005, alors que le Japon était gouverné par le régent Fujiwara no Michinaga, un incendie se déclara dans le palais impérial et toucha le Kashiko Dokoro. Nos sources sont assez nombreuses sur le sujet, outre les chroniques nous avons les journaux privés des grands de la cour dont Michinaga lui-même. Tous s’accordent sur un même point, l’incendie ravagea le bâtiment, le miroir fut récupéré mais avait été tellement endommagé qu’il en avait perdu sa forme. Un débat intense s’engagea au sommet de l’Etat pour savoir que faire. Certains étaient partisans de refondre le miroir (en bronze) pour en conserver la « saintété » d’autres, dont Michinaga, voulaient faire réaliser une copie conforme et conserver l’original en l’état, pour installer les deux dans le nouveau Kashiko Dokoro. C’est la solution qui l’emporta en 1006 et plusieurs sources confirment qu’aujourd’hui même dans le Kashiko Dokoro de Tokyo il existe plusieurs miroirs conservés. Le même incident se reproduisit en 1040, sous le règne de l’empereur Go-Suzaku lorsque la foudre frappa le Shishiden, la grande salle d’audience, provoquant un nouvel incendie. Mais alors quel est le miroir conservé à Ise ? L’original endommagé ? Une des copies ? Le palais impérial a brûlé à de nombreuses reprises, combien de fois le miroir fut-il réparé ou reproduit ?

Fujiwara no Michinaga (en bleu) fut le régent le plus puissant de la dynastie Fujiwara (IX-XIe siècles), il nous a laissé un journal détaillé de ses activités comme plusieurs autres membres importants de la cour faisant de l’époque Heian une période de l’histoire japonaise pour laquelle la documentation est abondante.

Perdu en mer (Dan no Ura, 1185)

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C’est sans doute l’épisode le plus célèbre de la longue histoire des Sanshû no Jingi et sans doute encore le plus controversé. En 1185 le Japon arrive à la fin de la guerre civile du Genpei opposant les familles samurais des Taira et des Minamoto. Taira no Kiyomori avait imposé une véritable tyrannie sur la cour impériale depuis 1160 et avait notamment organisé le mariage de sa fille Tokuko avec l’empereur Takakura. Le résultat de cette union, l’empereur-enfant Antoku, avait été placé sur le trône de force. Kiyomori était décédé en 1181 alors que la guerre débutait et les Taira furent forcés d’abandonner Kyôto en 1183. Ils emportèrent dans leur retraite l’empereur-enfant et les insignes impériaux. Les Sanshû no Jingi devinrent pour la première fois un enjeu politique majeur. Leur possession garantissait la légitimité des droits d’Antoku et des Taira tandis que leur absence était un problème pour l’empereur Go-Toba qui venait d’être proclamé à Kyôto. Ce qui se passa ensuite nous est connu par le Heike Monogatari, le récit épique de cette guerre, composé au XIIIe siècle.

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Après leur départ de Kyôto, les Taira furent vaincus à plusieurs reprises par Minamoto no Yoshitsune et durent se replier sur le Kyûshû où les Minamoto les poursuivirent. La dernière grande bataille de la guerre se déroula sur les flots, dans le détroit de Shimonoseki. Au cours de la bataille de Dan no Ura étaient présents l’empereur-enfant et sa suite avec les Trésors. L’affrontement tourna à l’avantage des Minamoto et le but de Yoshitsune était de s’emparer du jeune souverain et des Jingi. La version la plus couramment admise dépeint Taira no Tokiko, la veuve de Kiyomori et donc la grand-mère d’Antoku, se jeter dans les flots avec l’enfant dans ses bras, se noyant tous deux. A leur suite des servantes portant les Trésors se jetèrent à leur tour à la mer, suivies par les guerriers des Taira. A la fin de cette journée désastreuse les Minamoto avaient gagné la guerre mais perdus les Trésors de la famile impériale.

Bataille de Dan no Ura. L’action de l’estampe est centrée sur le preux Minamoto no Yoshitsune sautant de barque en barque mais on peut apercevoir à gauche l’empereur Antoku porté par sa grand-père sur le point de se suicider. Cette version dramatique correspond aux goûts influencés par le Kabuki à la fin de l’époque Edo.

Les choses se compliquent pour nous ici, les versions diffèrent. La version la plus courante indique que seule l’épée Kusanagi fut perdue dans les flots et qu’elle fut ensuite récupérée par des pécheuses de perles et restituée. Le miroir et le magatama n’auraient pas été jetés à l’eau et furent repris. D’autres versions indiquent le contraire, le magatama aurait été ainsi récupéré car sa boîte flotta suffisamment longtemps pour permettre aux Minamoto de la récupérer. D’autres récits sur la guerre du Genpei indiquent encore que l’épée perdue n’aurait été qu’une des copies existantes. La quantité de versions mène les passionnés de la question à s’arracher les cheveux. Est-ce que la véritable épée a été perdue définitivement ou retrouvée? Etait-ce une copie? Le Heike Monogatari, composé après la guerre quand les Minamoto gouvernaient le Japon, affirme que les Trésors furent saufs. Il était important pour le nouveau shogunat que cette version s’impose. Le shogun était officiellement nommé par l’empereur et son pouvoir reposait sur un compromis avec la cour, la stabilité du shogunat reposait donc sur la stabilité de l’institution impériale et sur la sureté des Trésors impériaux. Retrouver l’épée était un impératif absolu, à défaut une copie valide a pu être présentée comme la vraie.

Le sanctuaire Atsuta de Nagoya est aujourd’hui le lieu de repos officiel de l’épée Kusanagi.

Les cours du Nord et du Sud (Namboku-chô)

Le Kotaigu, Grand Sanctuaire d’Ise, où le miroir Yata est conservé encore de nos jours.

Après la guerre du Genpei l’importance accordée aux Trois Trésors ne fit que s’accroitre dans l’imaginaire collectif avec le temps jusqu’à ce que Kitabatake Chikafusa en fasse les symboles de l’autorité impériale. En 1333 Go-Daigo, aidé par Ashikaga Takauji, renversa les shoguns Minamoto et gouverna par lui-même. Cela ne dura pas puisque dès 1336 Takauji s’autoproclama shogun et mit sur le trône un empereur à sa convenance, Kômyô. L’ancien empereur Go-Daigo prit le chemin de l’exil et installa une cour impériale parallèle à Yoshino, proclamant que les regalia accaparés par la cour de Kyôto étaient des faux. Les insignes devinrent ainsi le cœur d’une bataille pour la légitimité. Tous devaient savoir que Go-Daigo était le seul porteur des objets sacrés et véritables d’Amaterasu. De 1336 à 1392 le Japon fut divisé entre deux cours impériales rivales, l’une à Kyôto et l’autre à Yoshino. Chacune des deux lignées vit se succéder plusieurs empereurs, chacune excluant l’autre. La cour de Kyôto avait pour soi la puissance militaire du shogunat Ashikaga et la possession de la capitale historique mais la cour de Yoshino n’en restait pas moins légitime aux yeux de beaucoup. En 1352 les armées de Yoshino furent cependant capables de prendre Kyôto temporairement, elles capturèrent trois anciens empereurs de Kyôto, Kôgon, Kômyô et Suko et proclamèrent avoir mis la main sur les véritables Trésors utilisés par les usurpateurs, la cour du Sud devint ainsi la cour impériale légitime.  

L’empereur Go-Daigo fut le seul tennô avant l’époque Meiji à avoir été capable de restaurer son autorité directe sur le gouvernement, même si ce fut durant une période brève (1333-1336).

Les Trois Trésors furent alors véritablement au centre de la bataille pour la légitimité du trône. Ils ne pouvaient cependant pas gagner les guerres à la place des hommes. Ashikaga Yoshimitsu, 3e shogun de Muromachi parvint à force de persuasion, de corruption et de pacification à stabiliser la situation et calmer les guerres civiles. Il fut suffisamment habile pour négocier la paix avec la cour de Yoshino et à persuader l’empereur Go-Kameyama de se soumettre et de transmettre les insignes impériaux à l’empereur de Kyôto Go-Komatsu. Les Trésors avaient justifié la guerre, ils y mirent fin. Ce ne fut cependant pas le point final de la lutte entre les deux cours.

En 1443, des nostalgiques de la cour de Yoshino réunis dans le complot de Kinketsu parvinrent à subtiliser le magatama Yasaka conservé au palais impérial de Kyôto. Cela leur permit d’animer une révolte pour restaurer la cour du Sud. Une nouvelle guerre éclata et les rebelles parvinrent à cacher le magatama qui ne fut retrouvé qu’en 1458, 15 ans après. Preuve de l’importance des Trésors, au XIXe siècle, l’empereur Meiji, descendant de la lignée de Kyôto, proclama que les empereurs de Yoshino, porteurs des Sanshû no Jingi, avaient été les empereurs légitimes et les réintégra dans la succession impériale. La légitimité de Meiji lui-même reposant sur l’accord de 1392. Une victoire posthume pour les empereurs de Yoshino, il s’agissait aussi pour Meiji de préférer des empereurs indépendants à des empereurs fantoches des shoguns à l’heure où le Japon se transformait en monarchie moderne.

Des Trésors invisibles

Depuis le XVe siècle le sort des Trois Trésors a été plus calme. Cela correspond à deux périodes. Au XV-XVIe siècles les empereurs perdirent de leur influence politique et religieuse alors que le Japon avait sombré dans les guerres civiles du Sengoku Jidai. L’empereur, ne disposant d’aucune force militaire, était quantité négligeable et sa succession devint pratiquement une affaire privée. La réunification du Japon sous les Toyotomi puis les Tokugawa leur rendirent de leur prestige mais sous la coupe des nouveaux maîtres. Durant l’époque Edo les shoguns Tokugawa respectèrent les empereurs mais les conservèrent sous le tutelle économique et politique, la cour n’avait guère de pouvoir en dehors de ses murs et la succession était réglée avec l’accord d’Edo. L’importance des Insignes allait ainsi de pair avec celle de ceux qui les portent et on trouve peu de références aux Trésors en dehors du cadre strictement religieux et rituel. C’est aussi à cette époque que la répartition géographique des Trois Trésors devint généralement admise. Plus ou moins, l’épée à Nagoya, le miroir à Ise et le magatama au palais impérial (Kyôto à ce moment). Le Kashiko Dokoro était cependant sensé contenir aussi des copies des objets, à moins que les copies soient celles installées dans les grands sanctuaires, une part d’incertitude a toujours existé.

TOKYO, JAPAN – MARCH 25: Chamberlains holding the boxes to contain the Imperial Regalia get a Shinkansen bullet train at JR Tokyo Station on March 25, 2014 in Tokyo, Japan. Emperor Akihito and Empress Michiko will visit Ise Shrine. The Imperial Regalia or ‘Sanshu no Jingi’ consisting of the sword ‘Kusanagi no Tsurugi’, the mirror ‘Yata no Kagami’ and jewel ‘Yasakani no Magatama’, are also carried for the first time in 20 years (Photo by The Asahi Shimbun via Getty Images)

Les Trois Trésors étaient régulièrement exhibés à l’époque Asuka et avant, ils pouvaient aussi être occasionellement présentés dans les époque suivantes. A partir de l’époque Edo, voir les Trésors devint tabou. On en arriva à une situation extrême où l’empereur lui-même n’est pas sensé voir les objets directement. Seuls les prêtres des sanctuaires concernés avaient l’occasion de les voir, ce qui nous ramène au dernier témoignage direct sur l’épée Kusanagi décrite par Matsuoka Masanao durant l’époque Edo.

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Au XIXe siècle enfin, comme nous l’avons mentionné, les Sanshû no Jingi fut intégrés dans la doctrine du Kokutai, faisant partie de la légende de l’ascendance divine des empereurs. Il devint impossible de les étudier, de les photographier même si des représentations fantaisistes ne manquent pas dans les estampes. Il est dit que l’empereur Meiji a été le dernier souverain à voir les trois trésors et qu’il ordonna qu’ils fussent scellés. Depuis cette époque les empereurs suivants : Taishô, Shôwa, Akihito et l’empereur actuel ne semblent pas avoir vu directement les objets, uniquement les boîtes eveloppées de brocart présentées lors des cérémonies d’intronisation. Il est même admis à demi-mot que les objets présentés lors de la cérémonie d’investiture seraient des katashiro, des répliques, car les véritables Trésors seraient trop importants (ou fragiles) pour être déplacés. Le miroir Yata est peut-être celui dont l’existence est vérifiable. Le grand sanctuaire d’Ise, le Kotaigu, est reconstruit tous les 20 ans pour des motifs de pureté. Lors du transfert de l’ancien vers le nouveau bâtiment le miroir est transféré en cérémonie (le shikinen sengu). Il est bien sûr caché, recouvert d’un voile blanc, mais là encore la question se pose : s’agit-il de l’original ou d’une copie (en se rappelant que l’original est sensé avoir été partiellement détruit au XIe siècle).

Les Sanshû ni Jingi lors de l’intronisation de l’empereur actuel en octobre 2019.

Les Trois Trésors existent-ils encore ? En regardant l’ensemble des témoignages et des évènements liés aux Insignes il semble peu probable qu’ils soient restés sous leur forme originelle ou qu’il ne s’agisse pas de reproductions. Les spécialistes du sujet considèrent que le magatama, le plus récent des trois objets, est aussi celui qui a le plus de chance d’avoir perduré. L’épée Kusanagi pourrait très bien n’être plus qu’un morceau de fer rouillé au fond du détroit de Shimonoseki et le miroir Yata une plaque de bronze informe bien cachée, nous n’en aurons jamais confirmation. Les Sanshû no Jingi conservent cependant toujours leur attrait. Même s’ils ne revêtent plus une importance politique majeure ils continuent à incarner avec l’empereur une continuité tout au long de l’histoire japonaise devant laquelle on ne peut que marquer son respect.

Pour en savoir plus vous pourrez rechercher le livre Jérémy Roberts (2009), Japanese Mythology A to Z, mais aussi Heian Japan, Centers and Peripheries de Mikael Adolphson (dir.). Les différentes versions (traduites) du Nihon Shoki, du Kojiki, du Jinnô Shotoki ou du Heike Monogatari seront cependant les meilleurs sources.

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