Une histoire politique de l’ère Meiji (1867-1912)

Le règne de l’empereur Meiji a été la période de l’histoire japonaise la plus riche en changements que l’on peut résumer en deux mots : restauration et modernisation. Restauration de l’autorité de l’empereur et modernisation (ou plutôt occidentalisation) dans le domaine politique, militaire, économique, social et culturel. L’ère Meiji fut le grand bond en avant du Japon vers la modernité et la reconnaissance internationale. Ses transformations sont aussi à la base d’un régime politique et de pratiques politiques qui vont rester inchangées jusqu’en 1945 et continuent aujourd’hui à influer sur les comportements politiques. Pour comprendre le Japon du XXe siècle il convient de revenir sur les étapes de l’histoire politique de Meiji.

目次

Bornes chronologiques

Le jeune empereur Meiji fut systématiquement représenté en uniforme occidental. L’éducation, l’apparence et les habitudes du souverain devant refléter par le corps du souverain les changements du pays et symboliser le modèle du Japonais civilisé.

L’empereur Meiji est aussi connu en Occident sous son nom personnel de Mutsuhito (Mustuhito Sachi-no-Miya) et n’a que 14 ans lorsque son père, l’empereur Kômei, décède le 31 janvier 1867. Il n’est pas encore formellement intronisé lorsqu’il reçoit l’abdication du dernier shôgun Tokugawa Yoshinobu le 4 janvier 1868 et que la restauration du pouvoir impérial est formellement proclamée. Au moment de son intronisation, le 12 septembre 1868, la guerre du Bôshin est déjà presque terminée et les restes du shogunat ont été balayés, peu de temps après est proclamée le nom de la nouvelle ère : Meiji (明治), que l’on traduit généralement par « gouvernement éclairé ». Dans la foulée, le déménagement de l’empereur à Edo, rebaptisée Tôkyô, est décidé. Le jeune empereur va rester sous la tutelle de ses conseillers modernisateurs mais ne fut pas soumis à une régence. Il est difficile de savoir, les sources étant muettes sur le sujet, si l’empereur exerça jamais une véritable influence sur la vie politique du pays. Parfois décrit comme une simple figure de représentation, il fut pour d’autres un souverain autoritaire mais progressiste, hostile à une dévolution démocratique mais travaillant avec l’oligarchie politique. Le règne de l’empereur Meiji dura jusqu’à son décès, le 30 juillet 1912, des suites d’une longue maladie. Ce long règne peut se diviser en phases politiques cohérentes.

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Le premier gouvernement de Meiji, 1868-1873

Le transfert de l’empereur depuis Kyôto jusqu’à Edo, devenue la nouvelle capitale sous le nom de Tôkyô marqua les esprits comme le symboles des changements radicaux à venir.

Durant ces premières années l’empereur étant encore mineur, le pouvoir politique resta entre les mains de conseillers dont la ligne politique était définie par le Serment en 5 articles (Gokajô no Goseimon) de 1868, qui contenait comme principales idées la modernisation du pays, l’abolition des anciennes classes et l’instauration d’assemblées délibératives. Le texte était cependant très vague. Durant cette période les formes institutionnelles changèrent rapidement en fonction des expérimentations des nouveaux responsables, peu habitués à gouverner. Des premières tentatives d’assemblée ou de représentation furent vite enterrées même si les assemblées locales, formées en 1871, continuèrent à exister mais privées de pouvoir législatif. L’administration évolua rapidement depuis les formes anciennes de la cour impériale (Daijôkan) vers la formation de véritables ministères. La mission Iwakura de 1871-1873 permit à la plus grande partie du gouvernement de visiter les puissances étrangères et de se rendre compte du fossé existant et des progrès à accomplir. A partir de 1871, les anciens fiefs féodaux étant abolis, une administration provinciale soumise à l’autorité centrale fut mise en place et marqua les débuts véritables d’une bureaucratie moderne et de l’Etat centralisé de Meiji.

Ôkubo Toshimichi, considéré comme un des « Trois grands noblese de la restauration » avec Kido Tadayoshi et Saigô Takamori n’en vit pas moins sa réputation noircie dans la culture populaire en raison de sa « trahison » de Saigô Takamori.

En 1873, la réalité du pouvoir était entre les mains des conseillers, membres du conseil impérial Sangi. Ces conseillers étaient nommés par l’empereur mais cooptés par ses membres, ils disposaient d’un vaste pouvoir de nomination au poste de l’administration et donc d’une grande influence. Ils avaient tendance à prendre souvent les décisions en petits comité et à être divisés par les rivalités personnelles et les divergences d’opinion. Dans les premiers temps, les principaux conseillers restaient des membres de l’ancienne noblesse comme Iwakura Tomomi ou Sanjô Sanetomi, mais très vite ils furent supplantés par des samurais de rang moyen issus des fiefs de Satsuma, Chôshû et Tosa qui avaient menés le renversement du shôgunat. Parmi ces samurais domine le trio composé d’Ôkubo Toshimichi (Satsuma), Kido Tadayoshi (Chôshû) et Saigô Takamori (Satsuma). On peut parler durant le règne de Meiji de véritables factions régionales des gens de Satsuma et Chôshû, les deux anciens clans se partageaient l’influence sur la bureaucratie et l’armée tout en restant rivaux. Au sein de l’armée les gens de Satsuma étaient particulièrement nombreux dans la marine tandis que ceux de Chôshû se retrouvaient dans l’armée de terre. Ôkubo Toshimichi en particulier prit l’ascendant sur l’administration et en fit l’instrument en faveur de l’absolutisme de l’Etat dont les fonctionnaires sont l’incarnation. On parlait alors au Japon du Kanson Minpi, le mépris du fonctionnaire tout puissant sur les gens du peuple. Ce sentiment ne manque jamais de ressortir encore aujourd’hui devant la rigidité de la bureaucratie japonaise qui ne s’est jamais démentie, la bureaucratie de carrière restant la colonne vertébrale de l’Etat japonais depuis ses origines. Plus que développer des institutions, le début de l’époque Meiji vit donc de développer une forte bureaucratie capable de soutenir un Etat centralisé en vue de mener la modernisation à marche forcée selon le mot d’ordre d’un pays riche et d’une armée forte, Fukoku-Kyôhei.

La décennie des contestations, 1793-1884

A partir de 1873, l’esprit de réformes empreint d’optimisme et de liberté d’expression s’était déjà essoufflé pour beaucoup de Japonais. Le gouvernement avait jusque-là conduit une politique de modernisation brutale et autoritaire. Ces réformes provoquèrent de forts mécontentements parmi ceux qui en avaient été laissés pour compte tandis que l’espoir de voir la création d’un régime parlementaire se changeait en impatience puis en colère. Au sein même du gouvernement les divisions s’étaient fait jour, la question d’une expédition punitive en Corée (la dispute du Seikanron) provoqua le départ de nombreux membres du gouvernement : Etô Shimpei (auteur de la réforme judiciaire de 1872), Saigô Takamori (qui commandait l’armée), Itagaki Taisuke (principal représentant de la faction de Tosa) suivi l’année suivante par Kido Tadayoshi (protestant contre une autre expédition punitive contre Taïwan). Dans les faits Ôkubo Toshimichi se retrouvait alors en position dominante mais l’administration impériale devait faire face à une triple contestation.   

La dispute de Seikanron en 1873 provoqua une rupture durable entre les chefs des différentes factions qui avaient renversé le shôgunat quelques années auparavant.

La contestation des campagnes

Le rythme rapide des changements a été un choc pour beaucoup de Japonais. Le cadre traditionnel des fiefs avait laissé la place à une nouvelle classe de fonctionnaires tout puissants qui furent rapidement détestés. La nouvelle administration devant financer la construction de l’Etat et de l’armée, de nouveaux impôts furent créés, plus lourds que les anciennes taxes dues aux daimyôs. De nouvelles obligations furent instaurées comme la conscription, l’éducation obligatoire et l’obligation de financer et maintenir localement lécole et l’instituteur nommé par la préfecture. L’école et l’armée prenaient des bras nécessaires aux travaux des champs et pesaient sur des communautés pressurées fiscalement (et devant désormais payer en monnaie, rajoutant une difficulté supplémentaire). Les premiers espoirs de réparation des injustices laissèrent la place aux désillusions. Entre 1873 et 1876, on dénombra près de 90 révoltes, des véritables jacqueries durant lesquelles les habitants incendièrent les bâtiments publics et en particulier les écoles, jugées porteuses de cette modernité étrangère. Parmi ces mouvements de Yonaoshi (de restauration du bien) le plus grave survint à Fukuoka en 1873 et mobilisa peut-être jusqu’à 300 000 protestataires avant de s’éteindre comme un feu de paille. En 1876 d’autres révoltes à Ise et à Nagoya durent encore être réprimées. La plupart de ces mouvements étaient peu organisés, n’avaien que des objectifs confus et s’éteignirent d’eux-mêmes avec la menace d’une répression policière.

La contestation des samurais

Les estampes de l’époque mettent volontiers en oppositions les samurais rebelles portant le sabre aux soldats de l’armée impériale armés à l’occidentale. Dans la réalité les deux camps étaient largement équipés d’armes modernes.

Les anciens samurais représentaient un péril plus grave du fait de leur éducation et de leur entraînement à la guerre. Le nouveau régime comptait pourtant une grande majorité d’entre eux, jusqu’à 77% des membres de la nouvelle administration étaient d’anciens samurais et ils contrôlaient la plupart des postes de responsabilité. Cela valait cependant pour un petite partie des guerriers, la majorité d’entre eux ne s’intégrèrent pas aux nouvelles réalités. Avec l’abolition des fiefs ils perdirent leur vocation militaire et la compensation financière attribuée en 1873 fut le plus souvent dilapidée avec pour effet de réduire de nombreux samurais à la misère. Il faut ajouter à cela les attaques contre les privilèges visibles de leur caste : le port du sabre fut interdit en 1876, de même que la coiffure traditionnelle chonmage. Le samurai était alors le reliquat d’une époque barbare qu’il fallait éffacer et civiliser. Cela conduisit des samurais de bas rang, sans espoir de voir leur situation s’améliorer, à se révolter, souvent sans autre objectifs que de s’opposer à l’arbitraire. En 1874, les samurais de Saga se révoltèrent et mirent à leur tête Etô Shimpei qui se suicida après sa défaîte. Plus grave fut la révolte en 1877 des samurais de Satsuma qui mirent à leur tête le populaire Saigô Takamori. Cette révolte sans espoir compta jusqu’à 20 000 hommes et un grand nombre d’autres se prenaient à souhaiter en secret la réussite de Takamori. Ils furent vaincus lors du siège de Shiroyama et Takamori se suicida, la nouvelle armée impériale composée de fils de toutes les couches de la société s’était imposée contre les samurais et mettait ainsi fin au prestige des guerriers. Saigo Takamori en garda depuis l’image du « dernier samurai ». En 1878, Ôkubo Toshimichi fut assassiné par vengeance par des samurais de Satsuma et de Kaga qui le rendaient responsable des trahisons du gouvernement et de la mort de Saigo Takamori, ce fut cependant le dernier moment notable de l’opposition des anciens guerriers.

Le mouvement pour les droits du peuple et la liberté (Jiyû Minken Undô).

Itagaki Taisuke était non seulement le chef de file d’une opposition « libérale » mais aussi un chef de faction réunissant les hommes de l’ancien fief de Tosa après l’assassinat de Sakamoto Ryôma en 1867.

Ce mouvement était conduit par Itagaki Taisuke et un grand nombre d’intellectuels modernistes ainsi que des membres de la faction de Tosa. Ils s’opposaient au principe de l’Hôkken qui privilégiait l’absolutisme de l’Etat (la vision d’Ôkubo Toshimichi et de l’oligarchie de Meiji) et défendaient le Minken, le principe des droits du peuple qui conduisait à l’établissement d’une monarchie parlementaire et des assemblées représentatives. Jusqu’en 1873, une généreuse liberté de la presse et de réunion avait permis de nombreux débats qui avaient rendu le sujet familier à de nombreux partisans de la modernisation, samurais ou non, urbains ou ruraux. Le mouvement était donc très étendu. En 1875 la conférence d’Ôsaka avait permis de réconcilier les opposants au gouvernement en réintégrant Itagaki Taisuke e Kido Tadayoshi, parmi d’autres. La conférence prévoyait des avancées institutionnelles comme la création d’un Sénat (Genrô-in) chargé d’étudier la création de la constitution promise, une assemblée des gouverneurs de préfectures et une cour suprême. Ces avancées furent jugées rapidement insuffisantes d’autant plus que de nouvelles lois restreignant la liberté de la presse au nom de la sécurité étaient entrées en vigueur pour faire fermer plusieurs journaux. La mort d’Ôkubo Toshimichi en 1878 ne modifia pas notablement les pratiques du gouvernement. Les appels à promulguer une constitution se multiplièrent en 1879 et de nombreux projets et propositions furent publiés par des personnes privées. A ces attentes le gouvernement répondait par la répression avec l’extension des pouvoirs de la police. En 1881, Itagaki Taisuke fonda le Jiyûtô (Parti de la Liberté), le plus important de ces partis, surtout dirigés par les gens de Tosa, qui militait pour un système radical à la française ou à l’américaine. C’était un parti avec une grande assise nationale, comptant un journal et 150 sections locales qui rencontrait un grand succès dans ses meetings. D’autres groupes plus modérés existant allaient être réunis en 1882 au sein du Rikken Kaishintô (Parti Constitutionnel Progressiste) d’Okuma Shigenobu. Ils militaient pour un système plus modéré proche du modèle britannique. A cela les conservateurs répondirent par la constitution du Rikken Teiseitô (Parti du Pouvoir Impérial) qui souhaitait un régime autoritaire sur modèle allemand. L’agitation politique fut intense au point de pouvoir arracher au gouvernement la promesse d’une constitution avant 10 ans. Cette promesse permit de faire baisser la pression et favorisa les modérés comme Okuma Shigenobu. Itagaki Taisuke s’exila volontairement en 1882 tandis que son parti, de plus en plus radicalisé, s’isola et se délita jusqu’à sa disparition en 1884. Les revendications perdurèrent néanmoins et en 1884, une révolte paysanne à Chichibu se transforma sous la conduite de membres du Jiyûtô en véritable commune de Chichibu qui résista deux semaines avant de s’effondrer.

Okuma Shigenobu fut la principale figure d’une opposition au gouvernement dans les limite imposées par la constitution.

A la fin de cette décennie, s’achèva une des périodes où les Japonais furent le plus actifs politiquement. Le débat et les questions politiques, librement discutées avaient firent germer des mouvements d’idées fermement implantés et contestataires. Ils vont à l’encontre de l’image traditionnelle des Japonais passifs et unis derrière l’empereur et montrent une véritable implication politique des citoyens et les interrogations sur la forme du gouvernement. Ces mouvements se calmèrent cependant face à la crainte de radicalisation et par la volonté du gouvernement de conserver le contrôle en usant de la force si nécessaire. Ils obtinrent cependant l’amorce d’un processus politique qui allait mener à la constitution de Meiji.

L’établissement d’un régime constitutionnel, 1884-1898

Les principaux Genrô : en haut (depuis la gauche) : Itô Hirobumi, Kuroda Kiyotaka, Matsukata Tadayoshi, Yamagata Aritomo. En bas (depuis la gauche), Inoue Kaoru, Katsura Tarô, Saigô Tsugumichi et Saionji Kinmochi. Parmi ces 8 hommes on compte la presque totalité des premiers ministres de l’ère Meiji.

La période suivant l’assassinat d’Ôkubo Toshimichi fut dominée par la figure politique d’Itô Hirobumi (de Chôshû) qui poursuivit dans la même direction le renforcement de l’Etat tout en étant plus ouvert à la négociation. Il fut à l’origine de la création du système des kazoku qui anoblissait de nombreux dirigeants du régime. Très influencé par ses voyages en Europe il fut le principal artisan de la constitution de 1889. C’est sous son influence que fut créée la charge de premier ministre, en remplacement des titres issus de la tradition japonaise, dont il fut le premier titulaire de la charge de 1885 à 1888. Il démissionna tout en restant le principal décideur en tant que chef du conseil. Itô Hirobumi inaugure la période où le gouvernement resta entre les mains des Genrô. Ces oligarques de Meiji composaient un groupe restreint d’une dizaine d’anciens chefs de la restauration de 1868 et de nobles. Ils ne formaient pas une entité officielle mais représentaient à eux-seuls une vaste portion du gouvernement et des factions qui le composait. Ils parasitèrent les institutions de Meiji et conservèrent leur influence jusqu’au règne suivant, le dernier des Genrô décéda en 1940. Sur les 8 premiers ministres qui allaient se succéder sous l’empereur Meiji, 6 d’entre eux faisaient partie de cette oligarchie. Cela ne signifie pas qu’ils étaient alliés politiques mais ils avaient des intérêts politiques communs à régulant l’évolution des partis et éviter l’arrivée au pouvoir de mouvements trop radicaux.

Promulgation de la constitution par l’empereur Meiji, 1889.

En 1889, l’empereur Meiji concéda la constitution, qui ne fut jamais approuvée par un vote. Ce détail implique que la souveraineté restait entre les mains de l’empereur qui était aussi chef de l’armée et pouvait dissoudre les assemblées. L’autorité de l’empereur était affirmée par l’idéologie du Kokutai (l’essence de la nation) qui allait être la pierre angulaire du régime jusqu’en 1945. Le système politique mis en place était clairement inspiré de la constitution du Reich allemand avec un souverain puissant et un système à deux chambres. La chambre des Pairs était conservatrice par nature, composée de nobles et de personnes nommées individuellement par l’empereur. La chambre des Représentants était limitée à des candidats payant plus de 15 yens d’impôts sur les revenus (1% de la population) élus par les hommes de plus de 25 ans au suffrage censitaire. Parallèlement à la Diète, Teikoku Gikai, l’armée conservait son indépendance, obéissant directement à l’empereur, et les Genrô continuaient à influencer les politiques. Les premières élections de 1890 n’en furent pas moins remportées par le Jiyûtô et le Kaishintô. Cette assemblée « d’opposition » allait concentrer ses attaques sur le budget, l’interprétation libérale de la constitution et l’interprétation de « la volonté de l’empereur » qui permettait de justifier toutes les politiques.

A la tête du gouvernement, les principaux Genrô alternaient au poste de premier ministre. La principale rivalité opposait Itô Hirobumi à Yamagata Aritomo. Ce dernier était favorable à une approche autoritaire de la constitution, gouvernant souvent par ordonnances et recourrait volontiers aux pressions et aux intimidations. En tant que militaire de carrière, Yamagata Aritomo, favorisa systématiquement l’augmentation du budget de l’armée et sa modernisation. En réservant le poste de ministre de la guerre à un militaire encore actif il assura les fondations du futur militarisme japonais. Itô Hirobumi favorisait toujours la bureaucratie aux dépens de l’assemblée mais souhaitait la mise ne place d’un régime de partis. Il mena une politique extérieure de grandeur pour faire du Japon une puissance à l’étrangeret dont l’objectif final était l’abrogation des traités inégaux signés à la fin du shôgunat qui représentaient une honte et une soumission aux yeux des Japonais. Itô Hirobumi mena la première guerre sino-japonaise de 1894-1895 et l’annexion de Taïwan qui en résulta. Autre figure dominante de l’époque fut Matsutaka Masayoshi, autre Genrô, ancien proche d’Ôkubo Toshimichi et d’Itô Hirobumi qui favorisa la création d’industries et l’émergence des premiers conglomérats Zaibatsu. Ces trois hommes alternèrent au poste de premier ministre sans interruption durant 14 ans jusqu’à la première vraie alternance politique de 1898.

La victoire japonaise contre la Chine des Qing en 1895 fut largement célébrée et entraîna une période d’union sacrée autour du gouvernement et de l’armée.

Le régime des partis, 1898-1912

La mainmise des Genrô sur le gouvernement et l’administration n’avait pas empêché la Diète d’être un espace de débat et même d’une critique voilée. Les partis d’opposition restaient le Jiyûtô et le Kaishintô qui poussaient en faveur d’un élargissement des droits des citoyens et du contrôle des hommes politiques. Parmi eux Okuma Shigenobu restait le plus actif tout en étant un modéré capable d’attirer des alliances. Touché par un attentat il s’était retiré de la vie politique en 1889 pour revenir en 1896 en fondant un nouveau parti, le Shimpotô. En 1898, Okuma Shigenobu et Itagaki Taisuke s’entendirent pour fusionner leurs partis au sein du Kenseitô et conquérir le poste de premier ministre. Le premier ministère Okuma fut le fruit de pratiques politiques parlementaires classiques qui menèrent à la création du premier cabinet partisan et à la première alternance de l’histoire du Japon. Ce gouvernement ne dura que 4 mois, du fait des dissensions internes propre à une coalition mais à partir de ce moment les partis allaient devenir la base de la vie politique, contraignant les Genrô à tenir compte d’une opposition et à définir leurs programmes. Itô Hirobumi forma ainsi le Rikken Seiyûkai qui allait devenir le principal parti de gouvernement, conservateur et militariste, l’instrument des Genrô à l’exception de Yamagata Aritomo, le représentant sans parti des intérêts de l’armée qui allait pousser à la guerre contre la Russie en 1904 et l’instauration du protectorat sur la Corée en 1905.

La victoire japonaise de 1905 marqua la presque sacralisation de l’armée comme garante de la grandeur du Japon à l’extérieur et mena à une réhabilitation de l’image du samurai et ses valeurs guerrières.

Le début du XXe siècle voit aussi le passage à une nouvelle génération de politiciens, Saionji Kinmochi domina le Kenseitô en tant qu’héritier d’Itô Hirobumi. L’assassinat d’Itô Hirobumi en 1910 en Corée laissa cependant un vide dont profita Yamagata Aritomo pour s’imposer comme la figure dominante de la vie politique au travers de son héritier, Katsura Tarô. Ils menèrent une politique toujours plus favorable à l’armée, déjà glorifiée par l’intervention japonaise durant la révolte des Boxers en Chinne en 1900-1901 (ils formèrent le principal contingent étranger avec 70 000 hommes)et par sa victoire sur une puissance occidentale durant la guerre russo-japonaise, 1904-1905. Au-delà de cette alternance entre Kenseitô et pro-militaires, la vie politique voit aussi la montée des revendications populaires. Les partis d’opposition participant à la Diète étant de fait exclus du gouvernement, les mouvements syndicalistes d’inspiration socialiste, communiste ou anarchiste en faveur de réformes se multiplièrent. Parmi les manifestations et meetings organisés « l’incident de Drapeau Rouge » de 1908 fixa les mémoires avec des revendications de révolution. En 1910, un complot pour mener un attentat contre l’empereur fut découvert et mena à la condamnation à mort de l’anarchiste Kôtoku Shûsui ainsi qu’à vaste coup de filet contre les mouvements socialistes. Le gouvernement et l’armée s’étaient trouvés un ennemi intérieur qui justifia un virage sécuritaire limitant la liberté d’expression. Ce virage était déjà en cours depuis 1900 avec l’interdiction des syndicats et des grèves mais deviendra un élément important de politique intérieure du gouvernement jusqu’à la deuxième guerre mondiale.

Le jeune intellectuel Kôtoku Shûsui servit de prétexte a une plus large et durable politique de répression des éléments subversifs de gauche jusqu’au milieu des années 20.

A la veille de la mort de l’empereur Meiji, la vie politique est encore verrouillée par les Genrô et leurs successeurs dans un partage du pouvoir entre un parti politique conservateur et une faction favorable à l’armée. Cette situation allait mener à une intense crise politique à l’avènement de l’empereur Taishô en 1912, exprimant un désir de renouvellement et de libéralisation contraire à l’esprit sévère et autoritaire du règne de Meiji.

L’empereur Meiji vieillissant resta un des souverains japonais les plus populaires. A sa mort en 1912, certains soldats comme le général Nôgi perpétuèrent la pratique ancienne du Junshi (le suicide pour suivre son seigneur dans la mort).
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